Rouen dans la rue
[MAGAZINE] Rouen dans la rue
A l’occasion de notre contre-campagne, nous avons sorti en exclusivité un Rouen dans la rue version papier. Pour ceux qui n’auraient pu se le procurer et qui souhaitent le lire, voici le pdf.
Brochure sur l’Autonomie italienne (68-77)
Nous publions ici une brochure qui était sortie à l’occasion d’une discussion sur l’Autonomie des années 68-77 en Italie. Désolé pour la qualité.
D’un héritage des luttes paysannes à l’occupation de la ZAD de NDDL – Retranscription part. 1





Combattre un régime thermidorien – Retranscription





A la lisière du bocage
En préambule de la troisième discussion du cycle « S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives? » (qui aura lieu le jeudi 15 décembre à 18h Salle L101 Bâtiment Lavoisier à la fac de Mt Saint Aignan), des habitants de la ZAD de NDDL nous font parvenir ce texte : a-la-lisiere-du-bocage
Processus révolutionnaires au Rojava – Retranscription

Je me présente, je suis Raphael Lebrujah. Je suis allé au Rojava, la partie kurde de Syrie, au Nord, qui est tenu par les YPG et YPJ qui ont fait la une des médias pendant la bataille de Kobane. Je suis allé à Kobane entre autres mais j’ai voyagé dans une dizaine de villes là bas. Mon but c’était d’étudier le système politique, la situation humanitaire et militaire, pour mieux comprendre les enjeux. C’est un sujet très complexe car la situation géopolitique en Syrie est elle-même très complexe.
Je vais aborder d’abord l’historique du PKK (parti des travailleurs kurdes) en Turquie et aussi en Syrie via le PYD. Ce dernier est évidemment très influencé par l’idéologie du PKK : le confédéralisme démocratique. Et ensuite on va voir pratiquement, comment ça c’est fait sur le terrain, comment ça c’est mis en place, où ils en sont, qu’est ce qu’on prendre pour nous, comment les soutenir ?
I. Historique et contextualisation
I.1. Le peuple kurde
Le Kurdistan est une région qui se situe au confluent de quatre pays : l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Ces pays sont peuplés d’un certain nombre de kurdes qui représentent entre 10 et 20 % en fonction des pays pour un total de 40 millions de kurdes dans le monde entier. On dit souvent que la cinquième partie du Kurdistan c’est la diaspora, les gens qui sont venus en Europe et qui jouent un rôle important dans la lutte bien que différent. C’est un peuple qui n’a pas d’État. Les kurdes ont été fortement oppressé par tous les régimes. En Turquie, dans les années 90 l’armée à rasé 3 à 4000 villages, exterminé des régions entières et a pratiqué une répression linguistique et culturelle très violente pour les empêcher de parler leur langue. En Syrie, si vous parliez votre langue vous perdiez votre nationalité. Il y a 3 à 400 000 kurdes en Syrie qui n’avaient pas la nationalité syrienne ce qui leur empêchait l’accès au travail et à la santé. En Irak, ça va être encore plus violent où Sadam Hussein en 88 lance l’opération Anfal qui va faire 180 000 morts par gazage et avec des pratiques très proches du régime nazi. Des méthodes d’extermination systématique par armes chimiques, une répression extrêmement sanglante ainsi que des déportations. En Iran c’est un peu différent car les perses et les kurdes sont un peu cousins, là les kurdes sont plutôt réduits à une sous-culture. Les soulèvements sont réprimés violemment et de nombreux kurdes sont pendus.
I.2. Formation du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)
Le PKK (parti des travailleurs kurdes) est fondé par des kurdes de Turquie et quelques turcs. Les membres étaient des marxistes-léninistes tiers-mondistes dans le sens classique du terme. Il s’agissait à la base d’établir un État kurde indépendant. Or aujourd’hui ils n’en sont plus à vouloir créer un État. C’est une évolution qui ne ressemble pas à celle d’un mouvement de libération nationale classique. Dans les années 90, années noires de la répression du PKK en Turquie faisant des milliers de morts (la Turquie étant très bien placée mondialement en termes de torture), il va y avoir une remise en cause profonde du PKK. La chute du mur a montré que les dictatures type « bloc de l’est » se sont écroulés et on a assisté à l’échec du socialisme d’État. C’est un premier choc qui arrive jusqu’au PKK. Le deuxième choc c’est que la lutte armée des kurdes en Turquie vire à un énorme bain de sang généralisé. Ils se disent qu’il faut réinventer les méthodes et dès 95, Abdullah Ocalan, le leader du PKK commence à envoyer des lettres de discussion dans la direction pour indiquer que l’État-nation, donc l’idée d’État liée à une identité, c’est un des problèmes qu’il faut aborder et dont il faut discuter. Mais pas seulement, ils vont aborder la question des femmes par exemple, qui va devenir centrale. Dès 92, les femmes vont prendre leur autonomie dans le mouvement de la guérilla kurde notamment via la figure Sakine Cansiz. C’est une femme kurde d’origine alévis, qui a beaucoup contribué au mouvement des femmes et notamment en fondant une armée autonome. Les femmes ont pris une telle autonomie au PKK jusqu’en 95, on dit même que c’est un parti indépendant au sein du PKK. Elles lancent par exemple leurs propres opérations militaires, elles ont leurs propres modes d’action, leurs propres réunions en non-mixité, leur propre organisation sans que les hommes donnent leur ligne de vue sur ce qu’elles doivent faire.
I.3. Le confédéralisme démocratique
Il y a donc une réflexion qui s’engage au sein du parti. En 99, donc 4 ans plus tard, après différents épisodes de cessé-le-feu puis de reprises du conflit avec l’armée turque, Abdullah Ocalan se fait capturer en janvier de cette même année. Il se fait arrêter avec l’aide des services secrets kenyans, le Mossad, la CIA et le MIT (services secrets turques). Tout le monde était un peu sur lui et c’est un grand drame pour le mouvement kurde. Ils vont tenter de le libérer mais ça ne va pas marcher. Il est enfermé sur l’île prison d’Imrali dans laquelle il est toujours aujourd’hui. Il était seul prisonnier sur toute l’île et il y avait mille soldats pour le garder. On estime que le coût d’incarcération était de 70 000 dollars. Le prisonnier le plus cher au monde. En prison il va se recentrer sur ses écrits et va notamment rencontrer un auteur : Murray Bookchin. C’est un anarchiste américain, issu de Brooklyn, un sociologue. C’est un penseur de ce qu’on appelle le municipalisme libertaire. Dans ce concept il aborde la question de la destruction des États-nations par une démocratie directe locale, inspiré des communes, qui viendraient remplacer les cadres d’organisation étatiques. Vous allez me dire que c’est un classique du communisme que mettre des commune et de dire que c’est elles qui vont gouverner. Sauf que la différence fondamentale, c’est que Bookchin critique les soulèvements qu’il les nomme « les printemps des peuples ». Selon lui, on se réunit, on se révolte, parfois on gagne, parfois on perd, des fois on renverse des gouvernements mais au fond ces printemps ne sont que temporaires. Une fois terminée, les modes d’organisation démocratiques qui organisent les gens pendant ces modes d’action, disparaissent. Avec Bookchin il y a l’idée qu’il faut dès aujourd’hui construire partout, dans les quartiers, les structures d’auto-organisation qui n’est pas un parti et qui demain prendront les affaires en main, par l’auto-organisation des peuples. A partir de ce moment là , il y a l’idée qu’il faut déjà se réunir en assemblées dans les villages, dans les villes, sans attendre l’État ou la révolution et que l’on prenne nos affaires en charge.
Sous cette influence, le PKK va mettre en place tout un système et le confédéralisme démocratique sera adopté dans l’idéologie en 2005, bien qu’il était déjà appliqué quelques années auparavant. L’idée est de mettre en place les communes dès aujourd’hui sans attendre la révolution.
Bookchin c’est aussi un penseur de la hiérarchie. Il critique violemment les systèmes hiérarchiques. Il fait une histoire de comment émergent les sociétés hiérarchiques. Chez les kurdes, ça a pris un aspect intéressant avec un retour, en partie, aux modes de fonctionnement antérieurs à la société d’oppression. Ocalan mettra l’accent sur la question des femmes. On n’est plus seulement dans l’optique de lutter contre le capitalisme, bien que cette dimension soit très forte au sein du PKK et du PYD, mais on est dans une optique où la création des oppressions c’est le moment où l’on a créé le genre masculin et féminin, ce qu’ils appellent la rupture des genres. Les femmes doivent se ressaisir de la société, elles doivent être à l’initiative du changement social et des politiques à mener. Le mouvement des femmes doit se réapproprier, par son auto-organisation, les savoirs qui lui ont été enlevé. Les hommes passent beaucoup plus de temps en formation au cours de leur vie que les femmes, ces dernières étant reléguées aux tâches ménagères. Il fut un temps où au sein des congrès du PKK, ils inversaient les rôles : c’était les hommes qui allaient faire la vaisselle et les femmes qui discutaient pendant ce temps-là. Tant que dans la société telle qu’elle existe aujourd’hui les femmes ne sont pas libres, la société ne pourra pas l’être. Les femmes sont au centre du changement et du destin révolutionnaire.
Le confédéralisme démocratique, c’est très large. Il y a aussi une réflexion sur les minorités.
Et l’une des discussions centrale, c’est l’État. Pour le PKK, toutes les luttes de libération nationale ont échoué parce qu’elles ont débouché sur des États liés à des identités. Par exemple en Algérie, une fois que les troupes de colonisation françaises ont été chassé, l’une des premières décisions de l’État algérien ça a été de réprimer les amazigh, c’est à dire les berbères. Ils ont interdit leur langue. Et cela s’est produit car l’État était lié à une identité arabe. Ils ont répété le colonialisme dans leur propre pays après l’avoir combattu en chassant la France. Mais en France c’est la même chose avec le concept de « français », qu’est ce que le bon « français » ? Il mange du cochon et il boit du vin ? Il y a une obsession d’instaurer une identité dominante contre d’autres identités à travers l’État. Si on veut un échantillon de l’identité française il suffit de regarder l’assemblée nationale, on a majoritairement des hommes, blancs, diplômés dans les hautes études, issus de milieu urbain favorisé, avec le réseau social qui va avec. La classe dominante s’appuie sur ces identités fabriquées de toutes pièces pour l’imposer au reste de la population pour mieux l’asservir. Les kurdes ont subi pendant toute l’histoire moderne la négation de leur identité. Ils ont pensé qu’en créant un État kurde, ils répéteraient les mêmes choses. Mais à partir de là, qu’est ce qu’on créé, qu’est ce qu’on construit ?
C’est là que le confédéralisme intervient dont la logique principale est que les premiers concernés décident. Il y a quelques années en Turquie, les kurdes, en appliquant cette politique là, prennent le contrôle de nombreuses mairies, dissolvent l’ancien ordre communal, élisent un co-maire et une co-maire. Le nouveau pouvoir local ce sont les conseils de quartier qui sont mis en place, les conseils de femmes s’il s’agit des femmes.
II. Processus révolutionnaires au Rojava
II.1. Insurrection syrienne
Le mouvement d’autonomie des villes et villages montent et en 2011 éclate en Syrie une insurrection, dans le sillage des printemps arabes. Les kurdes participent beaucoup aux manifestations contre le régime Al-Assad qu’ils haïssent profondément. Le PYD (branche du PKK syrien pour le dire vite) avait déjà constitué en secret des branches armés, les YPG et YPJ, prêtent à bondir. Ils avaient déjà formés des conseils de quartier et commencé une structuration de démocratie directe à différents endroits avant le début de l’insurrection. Le PYD refuse de prendre les armes contre le régime, en 2011, car si ils si disent que s’ils prennent les armes, ce sont les puissances étrangères qui vont prendre en main le conflit. Ils ne se sont pas trompés car quand plus tard les syriens ont demandé des armes pour combattre le régime, c’est la Turquie et la Jordanie qui les leur ont fourni, donc derrière la CIA, le Qatar etc. En échange, les groupes armés doivent mener des politiques qui correspondent à ces puissances, à savoir l’islamisme. La rébellion est devenue très religieuse alors qu’elle ne l’était pas initialement, qu’elle était formée de comités de quartiers, qui n’existent plus que dans la partie kurde à l’heure d’aujourd’hui.
Donc dans ce cadre là, le PYD refuse de prendre les armes de peur que le conflit soit instrumentalisé et continue la méthode pacifique via les manifestations contre le régime de Bachar. En 2012, l’État syrien est en plein écroulement, le régime Baasiste décide de lâcher la pression sur les régions kurdes et se retire probablement avec un accord négocié à l’avance. La guérilla du PKK investit les trois cantons kurdes de Syrie (Jazira, Afrin et Kobané) ainsi qu’un quartier d’Alep. L’État se retire et la société se restructure au sein d’une guerre civile.
Au début il n’y avait pas de combats entres les kurdes et les rebelles arabes syriens. Il y avait eu quelques combats avec le régime mais qui n’étaient pas très intenses puisqu’il avait choisi délibérément de se replier. Dans les territoires kurdes, le PYD commence à légitimer ses assemblées locales qui n’étaient qu’à un stade embryonnaire auparavant, et le phénomène devient massif.
En 2013 éclate un conflit très fort entre le PKK en Syrie et la rébellion à majorité arabe sunnite. Al-Qaïda, via sa branche syrienne Front Al-Nosra, a agressé un bataillon de femmes combattantes kurdes, les YPJ, car elles ne portaient pas le voile. Sur cette base là, tous les mouvements islamistes de Syrie s’allient avec Al-Nosra pour combattre les kurdes. Ces bataillons se retrouvent financer par la Turquie car elle souhaite empêcher l’apparition d’une région autonome kurde en Syrie. Il y a aussi la majorité de l’armée syrienne libre (ASL) qui rejoint le combat contre les kurdes car ils les considèrent comme des « coufars », des « mécréants » et il faut donc s’en débarrasser. Il y a tout un front qui se forme contre eux. S’il n’y avait pas eu la guérilla menée par les YPG et YPJ ça aurait été un massacre contre la population kurde. Ils infligent de nombreuses défaites à tous ces groupes soutenus par les puissances impérialistes et arrivent à tenir les régions. A ce moment là, la France dans ne comprend pas ce qu’il se passe sur le terrain et fournie des armes à des bataillons de l’ASL pour combattre le régime, mais indirectement ces armes ont servi à combattre les kurdes.
En 2013 les kurdes survivent à ces batailles, l’ASL se retire ainsi que certains courants islamistes. Seuls deux de ces courants restent : Daesh et le front Al-Nosra, deux courants djihadistes qui à cette époque se battaient côte à côte contre le régime et contre les « coufars communistes » que sont les kurdes. En juin Daesh proclame son khalifat à Mossoul (Irak), il prend le contrôle d’une grande partie des zones rebelles de l’Est syrien. La Turquie s’est retrouvé un peu derrière tout ça car elle déteste le régime Irakien et ça ne l’a pas dérangé de financer des mouvements djihadistes qui se battaient contre lui. De plus, les plus efficaces contre les kurdes c’était Daesh, et ça c’était quelque chose de très précieux pour la Turquie. C’était un allié de poids sur le terrain pour mettre fin à la révolution. Daesh c’est une sorte de mouvement fasciste qui a pour but d’écraser toute forme de vie et d’organisation qui lui est étrangère. Une partie des bataillons djihadistes de l’ASL rejoignent à ce moment là Daesh et forment une armée monstrueuse. Ils décident alors d’attaquer Kaboné. On en a fortement entendu parlé : une lutte héroïque des kurdes qui infligent une défaite à l’État islamique. Cette victoire a été favorisé par un accord de circonstance avec les américains pour la lutte contre Daesh, les kurdes étant les seuls sur le terrain qui le combattent.
II.2 Mise en pratique du confédéralisme démocratique
J’arrive au Rojava un an après la bataille de Kobané environ et c’est à ce moment-là que je découvre le paysage syrien. Les cantons d’Afrin et Kobané avaient été reliés. Et moi je viens avec l’envie de chercher à savoir comment en mis en place le confédéralisme démocratique. Ce qui m’intéressait c’était de comparer qu’est ce qui était proposé dans leur approche et qu’est ce que je pouvais voir sur le terrain, qu’est ce que je pouvais constater. J’ai voyagé dans une dizaine de villes du Rojava. On a rencontré des gens localement, non élus, autant que des responsables de quartier dans les localités, des responsables de commissions (des gens spécialisés sur des questions précises, comme la santé par exemple). Ces responsables de commission sont mis en place par le Tefdem (mouvement élu des conseils) qui met en place les gens chargés de missions particulières par commission.
La première image qui me marque le lendemain de mon arrivée, après le passage de frontière avec le PYD, je vois des types en Kalachnikov devant la maison j’étais hébergé, et ils jouaient avec des gamins du quartier au ballon. Ces gars armés c’était des « asahiches », l’équivalent de police au Rojava. C’était des gens qui avaient grandi là avec les autres, qui étaient formés à la désescalade du conflit, ils n’étaient pas là pour réprimer mais pour concilier. Il n’y a pas de séparation stricte entre la population et l’équivalent de sa police. Le lendemain on va à ce qui pourrait être l’équivalent du ministère de la santé et là je constate que pas grand monde y travaille et la co-responsable de la commission santé nous explique qu’elle a juste une autorité de coordination et de porte-parola.
Il faut savoir que le Rojava est sous blocus total de la Turquie et du Kurdistan irakien allié à la Turquie. Ils ont rien, pas même des pots de peinture pour repeindre les écoles, donc je ne vous parle même pas du matériel médical. Il n’y a qu’une association humanitaire sur le terrain, c’est Evassor croissant rouge kurde. Il y a eu aussi MSF avec un hôpital mais il a été détruit. Ils étaient complètement à l’abandon et le système de santé très affaibli. L’une des explications c’est que les premiers à quitter le Rojava c’est la classe moyenne. Tous les ouvriers qualifiés, ingénieurs, médecins ont fui la région. La situation sanitaire est assez catastrophique. On m’a mené dans une salle de stockage de médicaments par Evassor. Dans neuf mètres carré avec des étagères contre les murs à moitié vide. Et là on me dit que c’est toute la réserve du Rojava pour les maladies auto-immunes, cancers etc. Il y a des millions de gens au Rojava et beaucoup meurent chaque jour du manque de soin.
L’autre chose qui était surprenante, dans la démarche de comprendre le système politique mis en place, c’est quand j’ai demandé à rencontrer des responsables d’associations de quartier, des « responsables politiques », délégués mandatés qui ont des mandats révocables dans leurs assemblées locales. Il y a beaucoup de femmes. L’équivalent de l’assemblée législative est composée d’une moitié de femmes. Dans presque tous les postes sélectifs, il y a un homme et une femme qui sont envoyés.
Quand je suis allé dans la ville de Tell Tamer, une ville kurde et chrétienne à la fois, il y avait eu 3 attentats qui avaient dévasté le souk, l’hôpital et les ateliers. Malgré les morts, les membres des familles des victimes se sont retrouvés dans le centre culturel pour décider de ce qu’ils allaient faire des places après leur destruction. Et là j’ai compris qu’au Rojava le principe de démocratie, démocratie directe donc, c’est le premier concerné qui décide. C’est à dire que dans ce cas, c’est eux qui ont voté et demandé à l’exécutif local (donc le Tefdem, représentation des conseils) de construire le monument aux morts en choisissant la matière, la couleur. Ils allaient construire un parc en souvenir, ils allaient décider comment refaire les places, quels ateliers ils allaient reconstruire. C’était donc les premiers concernés qui décidaient de la réorganisation de la ville. Et cet exemple là est généralisable.
Le fonctionnement de ce réseau d’assemblées fonctionne de la manière suivante : vous avez le premier type d’assemblées, ce sont les communes qui sont constituées en moyenne de 300 familles par unité de rues ou quartiers. Ces 300 familles sont l’unité la plus souveraine de toutes les unités qui puissent exister au Rojava. Pourquoi ? Car si par exemple cette commune a besoin de pain, donc d’une boulangerie, si la commune a les ressources nécessaires et le savoir-faire, alors c’est eux mêmes qui vont la mettre en place. Ils ne vont pas aller demander à quelqu’un d’autre. C’est eux-mêmes qui décident de comment ils vont construire leur quartier. Ils élisent des commissions, dans les domaines de la justice, de l’économie etc. Ils élisent des co-délégués qui ont un rôle de porte-parola et de coordination, toujours avec une femme et un homme, qui va au niveau au-dessus à savoir le conseil de quartier. Si par exemple vous manquez d’un boulanger pour votre boulangerie, alors que vous avez déjà les maçons et les matériaux, alors dans ce conseil de quartier on demande aux autres délégués si ils peuvent nous aider et généralement il y a un système d’échange et d’entraide qui se met en place. Si au niveau du quartier ils n’arrivent pas à régler le problème ils vont au niveau du district, et au-delà c’est au niveau du canton. Ils essayent donc de régler un maximum de problèmes et de prendre un maximum de décisions le plus localement possible.
Il y aussi les communes de femmes. Ces communes se réunissent aussi dans les localités et vont avoir un fonctionnement similaire en traitant des problématiques particulières des femmes. Les violences conjugales et la question du mariage forcé par exemple. Si des lois sont votées à l’échelle du canton concernant les femmes, la fédération des femmes a un droit de veto sur celles-ci.
Les femmes ont donc pris un poids énorme dans la politique kurde. L’autre chose aussi, c’est qu’elles sont très nombreuses dans l’armée, dû à ce système politique. Elles sont toutes volontaires.
Fondamentalement, la guerre c’est le droit de tuer réservé aux hommes. Mais là quand une femme revient du front avec sa kalachnikov c’est beaucoup plus facile pour elle de se faire respecter. Avec le PKK, il n’y a pas seulement l’idée de changer le système mais aussi de changer les mentalités. Et on les change par la pratique. L’armée est l’une de ces pratiques, qui permet notamment aux femmes de s’émanciper au Rojava. Elles ont aussi plein d’autres missions dans l’armée qui sont humanitaires et sociales. L’une des portes-paroles de YPJ m’expliquait que lorsqu’elles arrivaient dans un village après avoir chassé Daesh, c’était les femmes qui allaient d’abord à la rencontre de la population pour expliquer ce qu’elles voulaient mettre en place. C’est elles qui apportent la première aide humanitaire.
Pour les minorités il y a quelque chose d’important aussi. Par exemple avec le syriaques, la minorité chrétienne, qui s’est vu accordé un certain nombre de co-responsable, peut enseigner la langue syriaque. Un certain nombres de centres culturels syriaques aujourd’hui enseignent la langue. Des kurdes y viennent aussi, pour y apprendre le syriaque. Des arabes aussi. Ce qui était totalement inimaginable sous le régime Bassiste d’Al Assad où seule la langue arabe était imposée. On est dans une société où les communes se forment sur la base de la lutte d’une oppression bien identifiée. Vous avez aussi une commune du cinéma. C’est tout un maillage de communes qui forment le Tefdem, la représentation de tous ces conseils, qui aujourd’hui gère le Rojava. Par exemple le pétrole n’est pas aux mains d’un État ou d’une grosse entreprise, il est aux mains du Tefdem, donc des conseils et communes directement. Les propriétés économiques sont intimement liées aux communes. La plupart des terres avant la guerre appartenaient à l’État mais là c’est les communes qui ont pris le contrôle des terres et qui construisent des coopératives dessus pour répartir l’économie entre ses membres de façon la plus équitable possible. Les impôts ne vont pas à l’État mais à la commune. De même, les gestionnaires de la coopérative sont élus.
Il y aussi les étrangers qui viennent se battre. Ils sont évidemment insérés dans le système démocratique et ont leurs propres assemblées de volontaires étrangers. Si on compte seulement les occidentaux il n’y en a pas tellement, mais en comptant les turques il y a beaucoup de monde. Ils viennent souvent du MLKP (marxiste léniniste communiste partie) avec lequel le PKK travaille en Turquie. C’est eux qui sont à l’origine de la fondation des brigades internationales.
La première cause des combattants étrangers qui viennent au Rojava c’est la lutte contre Daesh. Ceux qui restent sont des gens qui adhèrent aux idées du Rojava. Ça a parfois transformé des gens très conservateurs en révolutionnaires. Il y a aussi quelques fachos qui sont là pour tuer du musulman, du Daesh, et qui voient les kurdes comme des blancs orientaux en quelque sorte. Il n’y en a pas énormément et ils ne sont pas très bien vus.
Ensuite l’autre profile ce sont les communistes, les anarchistes, ou du moins des personnes déjà militantes dans leurs pays, que l’on retrouve dans le bataillon internationale. C’est ce type de personne qui a par exemple pris la photo en soutien aux CGTistes d’Air France inculpés ou pour la ZAD de NDDL. Ils viennent de nombreux pays, de 20 ou 30 nationalités si on ne prend que les occidentaux. Ils sont environ entre 100 et 200 sur le terrain.
II.3 Limites du processus
Il y a des limites dues à la guerre, des conditions très difficiles. Je sais que beaucoup de questionnements vont se poser ici. Par exemple le PYD, jusqu’où prend-il des décisions autoritaires ? Jusqu’où les gens sont libres au Rojava ? En termes de liberté d’expression je n’ai pas grand-chose à dire. En termes de manifestations, elles se déroulent en général bien, de ce que j’ai vu. C’était pas forcément des manifestations organisées par le PYD, il y a eu des manifestations pro-régime et pro-ASL.
Il est clair qu’au niveau diplomatique c’est le PYD qui prend beaucoup de décisions. Les décisions géostratégiques sont prises à ce niveau-là. L’armée des YPG n’aurait pas tenue sans le soutien du PKK. Les cadres du parti ou certains responsables de l’armée ont bien conscience que c’est parfois un embryon d’État qui se forme. A terme, ils aimeraient dissoudre les YPG et YPJ en les transférant aux milices de forces locales. Il y a déjà des groupes d’autodéfense de villes au Rojava qui ne dépendent pas des YPG ou YPJ. Ces milices de ville sont rattachées aux communes. Il n’y a pas de monopole de la violence légitime, mais il y a une sorte de domination des YPD et YPJ.
L’autre limite, c’est que la mise en pratique de l’auto-organisation est inégale d’un coin à l’autre du Rojava. Dans certaines zones par exemple, quand les forces armées du PYD sont arrivées, ils avaient à faire à une population majoritairement pro-Daesh qui avait profité du commerce avec le Turquie. C’est une région peuplée de turkmens et d’arabes, et là-bas le Tefdem ou les pouvoirs de représentations locaux n’existent pas vraiment. Si vous donnez le pouvoir à ces communes il y a une grande peur que ce soit une politique islamiste qui soit appliquée. Les seuls partis interdits au Rojava sont les partis islamistes. A l’inverse à Mambil, quand la ville a été prises récemment, la population a adhéré massivement au PYD. Mais la co-présidence n’est pas encore totalement instaurée, il y a encore une majorité d’hommes qui dominent la politique locale.
D’autre part le PYD a fait des alliances avec des tribus arabes pour les retourner contre Daesh en garantissant la protection de leurs intérêts tribaux, certains de leurs privilèges au moins le temps de la guerre. C’est critiquable comme manière de faire mais ça a permis d’avoir beaucoup de combattants arabes qui étaient difficile à obtenir au début et donc de renverser la situation militaire.
Au Rojava, quand vous êtes élus délégués vous ne l’êtes pas en tant que membre d’un parti. Vous élisez des délégués avec un programme qui est révocable mais qui est fortement influencé par le PYD. Même s’ils mènent une politique que je considère « positive » cela constitue une limite.
Une autre limite aussi, c’est sur la question des LGBT, bien que l’homosexualité a été dépénalisé, il n’y a pas à ma connaissance de communes LGBT. La question a été traité théoriquement : les LGBT sont le troisième genre. Cette place existe. Après il faut savoir que c’est une population qui revient de loin et que ça demande du temps, le temps que les gens puissent s’affirmer. Avant l’homosexualité c’était 10 ans de prison.
Ce qui est critiquable également c’est le côté culte de la personnalité, mais qui a été critiqué par Ocalan lui-même. On observe aussi un côté para-religieux avec des textes quelque peu sanctifiés, mais c’est aussi dû au manque d’éducation de la population.
En interne, le PKK parle du processus actuel comme d’une expérience révolutionnaire, qui n’est pas finie ni achevée, qui se renouvelle et peut être bouleversée. Dans cette idée d’expérimentation ils assument le fait que certaines tentatives ou modes de fonctionnement ne sont pas parfaits. L’un des problèmes visé est celui du système d’ « institutions inclusives » qui est mis en place par le PYD dans le nord de la Syrie, où la place n’a pas été laissée aux groupes révolutionnaires qui ne partageaient pas la ligne du partie. Ce qu’il faut savoir, c’est que la rébellion syrienne a été fortement influencée par la propagande turque au sein de laquelle le PKK s’apparentait à un allié du régime, qu’il réprimait les manifestations, que ce n’était pas des bons musulmans etc. Et cela a très bien marché. Initialement le PKK avaient proposé aux autres forces qui se battaient contre le régime, de se battre ensemble si celles-ci reconnaissaient simplement leur autonomie. Elles ont refusé à quelques exceptions près. La première scission s’est faite sur des bases panarabistes, une sorte de racisme local.
Le PYD a conquis des zones où la population était majoritairement arabe et ils ne pouvaient pas imposer le mode de vie kurde. Parfois le système inclusif de ses institutions n’a pas fonctionné et les populations locales ont refusé de se rallier aux YPG par exemple. Parfois ils ont gagné l’estime de la population. Sans l’aide des kurdes par exemple les chrétiens de certaines régions se seraient fait massacrer. Ils sont intervenus aussi auprès des yézidis. Ils ont comme ça gagner la légitimité de population de non-kurde. Certains bataillons de l’ASL également se rallient au PYD pour ne pas se faire écraser par Daesh et la chariah.
Dis-moi, il y a déjà eu des squats à Rouen?
De “L’habite à sociale” à la “Commune Saint Nicaise” en passant par la “Casa Nostra”, la pratique de l’occupation de bâtiments abandonnés, appelée squat, s’est répandue à Rouen ces cinq dernières années. Nous étions curieux de récolter quelques expériences et d’éclaircir les motivations de ce geste. Pour ce faire, nous avons rencontré un ancien occupant de la “Casa Nostra” et lui avons posé quelques questions. Entretien.
Alors dis-nous, en deux mots, c’était quoi la Casa Nostra ?
La Casa Nostra, c’est un lieu qu’on a squatté à deux reprises. Une première fois pendant un an entre février 2013 et janvier 2014, et une autre fois un an plus tard entre janvier 2015 et avril 2016. Avant nous, c’était la Case, un restaurant sénégalais. Un jour en passant à la Croix de Pierre on a vu ce restaurant en liquidation judiciaire. Le tenancier était parti au Sénégal et ne payait plus les loyers. L’huissier et les déménageurs étaient là à retirer tout le mobilier. Ça tombait bien car on se faisait expulser au même moment de la maison que l’on avait depuis un an à l’autre bout de Rouen, rue du Renard. Cette maison là on pensait la tenir à vie, on avait jamais eu de nouvelles du propriétaire. Pas de procédure, rien. Et voilà qu’un beau matin celui-ci s’est présenté. Gendarme de métier. Comme tout le monde, il doit lancer une procédure pour nous expulser mais finalement il a fait mieux : avec son agence immobilière ils ont mis en vente la maison, mais avec ses occupants, à savoir nous. Le prix est plus abordable mais c’est au nouveau propriétaire de se débarrasser des « indésirables ». Après ça, des types parfois menaçants venaient et voulaient visiter la maison. On refusait et cela devenait de plus en plus oppressant. Alors avec une partie des potes on a migré vers la Case. D’autres ont pris des colocs ou sont partis vivre ailleurs.
Raconte-nous comment se passent les premiers moments d’une occupation ?
Eh bien déjà il faut repérer un lieu qui semble abandonné. Il faut s’assurer que c’est bien le cas en repassant plusieurs fois devant ou en se renseignant d’une manière ou d’une autre. Ensuite il faut s’introduire à l’intérieur sans effraction visible. Le moment où tout se joue c’est au début. Il faut être discret et se barricader pour empêcher la police et l’huissier de rentrer. Et puis si t’es dans le lieu depuis plus de 48h et que tu trouves un moyen de le prouver (une lettre que tu te fais envoyer à cette adresse par exemple), la police ne peut pas t’évacuer comme ça. Des textes de loi l’affirment : ils sont obligés de contacter le propriétaire et celui-ci lance une procédure judiciaire à ton encontre. Du coup, l’enjeu c’est de tenir ce délai, de dissuader la police de rentrer, de filer des noms à l’huissier pour lancer la procédure au tribunal, et là t’es tranquille. Le temps de la procédure, plus le délai que t’obtiens, tu restes plusieurs mois dans les lieux, parfois plus. Il faut savoir que tu ne risques rien pénalement à squatter un bâtiment. Le propriétaire réclame son bien et toi tu demandes seulement du délai pour retrouver un logement, pour avoir le temps de faire tes démarches etc. Bon ça c’est pour le côté technique de l’occupation, mais la brochure « le squat de A a Z » (https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=41) explique très bien tout ça, pour ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure.
Quand bien même on a occupé pas loin d’une dizaine de lieux sur Rouen ces cinq dernières années, on retrouve chaque fois la même jouissance d’arpenter les étages, découvrir chaque pièce à la recherche des petits détails qui font l’histoire de ces maisons ou en imaginant déjà leur futur usage. Un ancien garage devient une énorme salle de concert. Des bureaux sont transformés en salle de projection et salle à manger. Le salon fait office de dortoir. Les combles sont réinvesties par un atelier peinture. C’est parfois des endroits devant lesquels tu es passé des centaines de fois, sans jamais t’imaginer comment ils étaient foutus ou quels potentiels ils contenaient.
Tu parles parfois de « squat », parfois d’occupations. C’est quoi la différence ?
Le terme « squat » porte avec lui un imaginaire qui ne nous est pas toujours favorable. D’un côté, quand t’annonces aux voisins qu’il y a un « squat » dans le quartier, ça effraie et ça laisse place à tous les fantasmes possibles sur des seringues qui joncheraient le sol. De l’autre, des gens passent et pensent que c’est effectivement le cas, que le « squat » t’y fais ce que tu veux parce que « c’est à tout le monde ». Autant de caricatures qui persistent car l’histoire du mouvement « squat » est souvent mal connue. Le squat c’est avant tout une pratique. Celle d’habiter un lieu sans droit ni titre. Après, il y a autant de formes de squats qu’il y a de manière d’habiter le monde. Certains squattent parce qu’ils n’ont pas de logements, d’autres pour y faire des trucs d’artistes, et certains, pour s’acheter une conscience politique. Ça, c’est nous. Non, plus sérieusement, il y a fondamentalement quelque chose de politique dans le fait de squatter, d’une part parce que les conditions d’accès au logement sont devenues exorbitantes, et de l’autre, parce que le pouvoir passe aussi par l’aménagement de nos espaces de vies, de nos quartiers, etc. Grossièrement, la vie quotidienne se répartit entre les quatre murs du privé et les endroits où tu vas travailler, ou te divertir. Pour passer de l’un à l’autre, tu empruntes les rues, l’espace public, qui est quasi-intégralement policé et dédié à l’activité économique. Rien n’est laissé au hasard. Par l’occupation de lieux, tu rompts avec ces logiques là – même si c’est temporaire.
Peut-on parler de « mouvement squat » à Rouen ?
On parle de « mouvement » lorsque la pratique de l’occupation atteint un certain niveau de légitimité au sein d’une frange de la population, se propage et devient massive. Dans les années 70 en Italie par exemple, pris dans un vent de contestation général, des quartiers ouvriers entiers ont décidé de ne plus payer leurs loyers. Aujourd’hui, à Bologne, Rome, Milan et dans d’autres villes, des collectifs de « lutte pour la maison » (lotta per la casa) ouvrent systématiquement des appartements vides pour des familles dans le besoin. Dans certains quartiers, les appartements occupés se comptent par centaines. Dans les pays un peu plus au Nord, comme la France, l’Allemagne et le Danemark, c’est plutôt la scène musicale et contestataire qui s’est essayée au squat. Il n’y avait pas une journée sans un concert punk dans un lieu occupé à Paris dans les années 80. Après la chute du mur, les maisons abandonnées depuis des années sur le tracé séparant Berlin Est et Ouest ont été réinvesties par des amoureux de la techno et de la fête libre. A Copenhague, la résistance de la célèbre « Maison des jeunes » dans les années 2000 a suscité d’énormes soutiens et une vive résistance lors de son expulsion. Dans ces cas là, on peut parler de mouvement.
A Rouen clairement, ce n’est pas le cas. En revanche, on peut dire qu’une « séquence » squat s’est ouverte avec l’occupation du 30 rue du lieu de santé (L’habite asociale) en 2010. A ce moment, à part « La Maison blanche » qui s’était faite violemment expulsée après trois semaines d’existence, cela faisait dix ans qu’un lieu n’avait pas tenu au-delà des premières heures d’occupation. Le dernier en date était « Chez Emile », qui avait duré plusieurs mois et brassé pas mal de monde.

L’habite asocial au 30 rue du lieu de santé en 2011
A l’automne 2010 donc, un mouvement social éclate en France contre la réforme des retraites. Quand le mouvement se termine, une bande qui s’organisait depuis quelques temps sur la fac décide de faire perdurer la lutte par d’autres moyens. Ils occupent le lieu et une série d’activités s’y tiennent : projections, discussions, ateliers en tous genres. Le classique du squat « politique ». Mais l’aventure est intense, les rencontres nombreuses. C’est d’ailleurs à ce moment que je rejoins le groupe. Ensuite se sont enchaînés les squats, sans un jour de trêve, jusqu’à la dernière Casa Nostra.
Selon toi, que reste-t-il de toutes ces années squats et de la Casa Nostra ?
Squatter un lieu, le tenir, faire connaître son existence, ça permet déjà de rendre la possibilité même de l’occupation viable, palpable, ré-appropriable. Réintroduire un tel geste à Rouen alors que dix ans s’étaient écoulés sans squat, ça a été super important pour l’histoire politique de la ville. Par exemple le squat le « Bamville », rive gauche, a été occupé pendant plusieurs mois en 2013 par le Collectif de solidarité ZAD de Rouen. C’était pas la bande de squatteurs initiale, c’était d’autres personnes qui s’étaient rencontrées autour de la lutte contre l’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes et qui avaient le désir de s’organiser dans leur propre ville, d’avoir un lieu pour se réunir et faire des soirées de soutien. Des potes ont aussi pris des squats d’habitation. On en a moins entendu parler mais déjà on voit que la pratique a été reprise et que ça a permis à de nouvelles bandes de se former et de se rencontrer.

Bamville – Occupation revendiquée par le collecitf ZAD de Rouen
Au niveau de l’expérience en tant que telle, pour moi, ça été une sorte d’« école du communisme ». T’arrives, tu rencontres des nouvelles personnes, t’apprends à vivre à plein. On s’organise pour récupérer de la bouffe ou pour faire des travaux de réhabilitation des lieux. Untel te montre les bases de l’électricité, l’autre comment remettre l’eau quand elle a été coupée par les services de la ville. C’est des moments émancipateurs car notre génération, d’autant plus en milieu urbain, est totalement dépendante de l’organisation étatique. Celle-ci s’est rendue indispensable précisément parce qu’elle prend en charge tous les aspects de nos vies : la production de nourriture ou d’énergie, leur acheminement, les questions de santé, d’éducation, etc. L’art de la débrouille que l’on cultive dans les squats, les savoirs-faire qui s’y partagent, c’est selon moi les préliminaires à la réappropriation de nos moyens d’existence. Et puis évidemment il y a toute la magie des rencontres, des amitiés, des perspectives politiques qui se tracent…
Pour parler précisément de la Casa Nostra, on l’a occupée au moment où une partie d’entre nous voulaient sortir de la précarité du logement et on a pris des colocations. Mais on avait toujours besoin d’un lieu pour nos activités, pour se retrouver, pour organiser des événements publics, concerts et autres. La Casa, c’était notre « local ». Le lieu s’apparentait à un bar plus ou moins normal, bien loin des clichés des squats vétustes et délabrés. Un peu par hasard on s’est procuré un four à pizza et on a commencé à tenir des soirées régulièrement. Tu pouvais venir manger et boire avec quelques euros en poche. Ça a brassé vraiment beaucoup de monde. Puis il y avait les concerts aussi. Dans les précédents lieux, c’était principalement des groupes de potes qui acceptaient de jouer, ou des groupes familiers du milieu squat. Quand on leur proposait, les groupes de la scène musicale rouennaise avaient une certaine réticence à venir jouer. Certains diront que l’on avait un côté trop « donneur de leçons » ou bien pensaient-ils que venir jouer chez nous engageait à quelque chose politiquement. Toujours est-il qu’avec la Casa, il y a eu une sorte de déblocage et la scène musicale « indépendante » s’est mise à fréquenter nos soirées, à venir jouer et même à organiser des concerts. Et on a commencé à avoir beaucoup de demandes y compris de groupes qui venaient de plus loin et qui tenaient à jouer dans le lieu.

Perm36 en concert à la Casa Nostra.
On sentait que l’existence d’un lieu dans lequel tu peux venir jouer quand tu veux sans avoir à déposer de « maquettes », où tu peux faire jouer des potes en tournée n’importe quel jour de la semaine, où tu rentres gratuitement et où tu peux boire pour des prix très abordables, cela constituait et constitue toujours un réel enjeu. Et ça, c’était possible parce que le lieu était occupé et qu’on n’était pas dans une logique de rentabilité. A cette période de la Casa Nostra, on a assisté à un espèce de décloisonnement du caractère uniquement « militant » du squat vers quelque chose de non moins politique : la réappropriation de lieux de concerts et de fête dans une ville qui justement mène une guerre à leur encontre. D’autant plus depuis l’incendie du Cuba Libre l’été dernier, un certain nombre de lieux ont fermé ces dernières années et les soirées sont repoussées loin du centre ville et à des prix exorbitants.

Casa Nostra murée – Novembre 2016
Pendant ce temps-là, la Casa Nostra a été expulsée et vient juste d’être murée, comme pour nous signifier qu’il n’y aura pas de troisième fois. Mais pas d’inquiétude, les politiques accablantes de la ville produiront forcément leur excédent.
Ici une brochure de la Casa Nostra écrite en 2015 : https://rouendanslarue.noblogs.org/post/2016/11/11/brochure-casa-nostra-2015/
Cycle de discussions. S’opposer au régime: Quelles expériences? Quelles perspectives?
Des assemblées Nuit Debout,
De la dynamique du mouvement contre la loi « travail »,
Vers un immaginaire et des trajectoires communes.
Retrouvons-nous du 26 novembre au 15 décembre autour du thème suivant:
« S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives?
Brochure de présentation : cycle-de-discussion
Samedi 26 novembre à 18h
Processus révolutionnaires au Rojava (Kurdistan)
par Raphaël Lebrujah
aux locaux du syndicat SUD rail, 259 bis Rue Pierre Corneille, Sotteville-Lès-Rouen
Samedi 10 décembre à 18h
1794 Combattre un régime thermidorien
par Deborah Cohen
à la Conjuration des Fourneaux 149 rue Saint Hilaire, Rouen
Jeudi 15 décembre à 18h
D’un héritage des luttes paysannes
à l’occupation de la zone à défendre de Notre-Dame-Des-Landes
par des Habitants de la ZAD
Batiment Lavoisier, Salle L101 sur le Campus de l’université de Mont Saint Aignan
Introduction
Sur le strict plan de la loi « travail », nous pouvons désormais l’af-
firmer, nous avons été défaits. 49.3 à répétition, arrestations et violences
policières dans nos cortèges, interdictions de manifester, assignations à rés-
idence, réquisitions forcées de grévistes, évacuations musclées des blocages
stratégiques. Les enquêtes se poursuivent et les peines de prison continuent
de tomber. L’arsenal répressif de l’état d’urgence s’est finalement dilué dans
le droit commun et l’appareil d’État peine à masquer son caractère brutal et
autoritaire. Il a d’ailleurs depuis dégainer contre la Jungle de Calais et s’ap-
prête à réitérer contre la Zone à défendre de Notre-Dame-Des-Landes.
Finies, donc, les illusions d’une police à l’écoute et d’une justice
juste. Finis aussi les espoirs en la gauche institutionnelle et, du même coup,
en une certaine forme de la politique classique. Mais c’est précisément sur ce
plan là que nous avons gagné : celui d’avoir éprouvé avec autant de solidarité
que d’évidence la nécessité de formes d’organisation nouvelles. C’est autour
de celles-ci que nous nous sommes trouvés dans les assemblées « Nuit de-
bout » et que nous en avons pris acte. Du syndicaliste au lycéen nous avons
composé collectivement, au-delà du cloisonnement corporatiste et d’une
nocive dissociation des modes d’action. Ce sont ces liens, ces discussions, ces actions, ces expériences qui ont tissé, à échelle nationale, des communautés de lutte. Des cortèges de tête aux blocages économiques, une intelligence stratégique est née. Ceci nous l’avons gagné.
Mais le printemps dernier a aussi produit son lot d’insatisfaction.
De vieux héritages politiques et idéologiques nous ont bloqué, puis menés
droit dans l’impasse du mouvement social à la française, ne dépassant pas
le simple état d’agitation. L’imagination, l’audace, les moyens ? Quelque
chose nous a manqué. Une chose est sûre : l’intensité des mois derniers n’a
pas été propice aux discussions de fond. Il nous paraît désormais primordial
de réussir à se poser ensemble les bonnes questions, de nous doter d’armes
théoriques, d’esquisser un imaginaire et une perspective commune à même
de renverser le présent.
S’opposer à un régime : quelles expériences, quelles perspectives ?
Voici le thème autour duquel le premier cycle de discussion s’enclenche. Une problématique qui nous semble adéquate à la séquence politique que nous traversons : celle d’un bouillonnement social à l’orée de la
période électorale. Pour que l’impasse que cette dernière nous réserve ne soit pas fatale, il nous faut tracer d’autres voies et d’autres possibles. Pour ce premier cycle, nous parlerons des insurgés kurdes, de Baboeuf et de la période thermidorienne, ainsi que de l’histoire des luttes paysannes en Loire-Atlantique. A travers ces lieux et périodes, il n’est pas question de se heurter à nos propres héritages idéologiques mais plutôt de réussir à percevoir qu’est ce qui contribue à notre questionnement et à sa mise en pratique.
Le cycle est composé de trois moments de discussion qui auront lieu
tour à tour aux locaux du syndicat SUD rail, à la Conjuration des fourneaux
et à l’université de Mont Saint Aignan, lieux chargés de la lutte contre la
loi « travail ». Ces moments seront suivis de débats et de discussions suite
auxquels nous formulerons ensemble le thème qui nous semblera pertinant pour le prochain cycle.
En free party avec la Normandie Connection
2-3-4 septembre 2016
Une free party est organisée à Rouen. 3 jours de fête libre qui ont réuni plusieurs milliers de personnes et une bonne partie des sound-systems de la région.
Rave on!
Brochure – Casa Nostra – 2015
Une brochure distribuée aux sympathisants de la Casa Nostra. Toujours d’actualité. A réimprimer et à relire.
Pourquoi nous haïssons la police?
Les flics manifestent depuis quelque semaines déjà, dans nos rues, masqués et armés. Ils réclament plus de budget, d’équipement, de « reconnaissance ». Ils veulent mettre les « sauvageons » en prison et leurs déambulations ont une sale odeur de coup d’état. L’ambiance fascisante prend ses aises.
Il nous paraissait opportun de republier un tract anonyme datant de 2006 répondant à la question « pourquoi nous haïssons la police? ».
Antifascisme et retour de flamme
Sous couvert d’humanitarisme, le gouvernement PS a évacué et détruit la jungle de Calais puis dispersé ses habitants dans des centres d’accueil. En les isolant aux quatres coins du territoire (du fin fond du 27 jusqu’à Marseille en passant par la Creuze) il espère affaiblir les réseaux de solidarité des migrants et d’un même coup, ceux de leurs soutiens.
Le week-end passé, à Serquigny près de Rouen et à Marseille, des rassemblements du Front National étaient organisés pour protester contre l’arrivée de réfugiés dans ces mêmes villes. Au même moment, sur fond de « Tous enfants d’immigrés » et « Tout le monde déteste le FN », des contre-manifestations nettement plus massives sont venues témoigner leur soutien aux migrants et reprendre la rue aux fascistes.
A Marseille alors que les manifestants pro-migrants s’élançaient « des véhicules de police débarquent à toute vitesse pour bloquer leur passage. Dans la précipitation, deux camionnettes se heurtent. Bilan : 4 blessés légers. Les seuls de l’après-midi parmi les forces de l’ordre. »
Serquigny : http://www.ouest-france.fr/…/dans-l-eure-les-pro-migrants-d…
Marseille : http://www.lesinrocks.com/…/a-marseille-fn-mis-echec-contr…/
Une circulaire pour mater la contestation (et quelques arrestations).
Le ministère de la Justice a récemment émis une circulaire visant à criminaliser plus lourdement les manifestants, les soutiens des migrants et autres défenseurs de la ZAD.
Signe du climat qui s’installe, une trentaine de personnes, dont des habitants de la ZAD, ont été arrêtées hier à Nantes après avoir envahi le cabinet d’avocats de Vinci pour réclamer leurs avis d’expulsion. Ceux-ci, sciemment tenus secrets par la justice et ses huissiers, sont indispensables pour que les habitants visés puissent se défendre en justice ou entamer des recours.
Il est utile de préciser que cette circulaire ne crée pas de nouvelles mesures mais est une incitation, adressée aux procureurs et aux tribunaux, à utiliser des peines plus lourdes contre les militants politiques tout en proposant de systématiser plusieurs procédures judiciaires à leur encontre.
Nous en résumons ici les principaux points.
Le Zadistan recrute
Ce n’est plus une nouvelle, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est menacée par une intervention policière imminente. D’un jour à l’autre, les annonces médiatiques nous poussent à préparer notre sac et à enfiler nos bottes, ou inversement, nous font rassoir au fond du canapé jusqu’à l’automne 2017. Il nous paraît peu judicieux de rentrer dans le jeu médiatique en pronostiquant sur la date de l’intervention, ou encore sur sa potentielle violence (quelques éclaircissements sur les différentes menaces et signes d’évacuation : http://zad.nadir.org/spip.php?article4027). Néanmoins, il nous semble important de partager avec vous ces quelques conseils afin d’être les plus réactifs si l’expulsion devait avoir lieu.
[MANIFESTATION DU 8 ET 9 OCTOBRE]
« Que résonne le chant de nos bâtons »! La ZAD lance un appel national à se retrouver dans la zone les 8 et 9 octobre et à ce que chacun vienne armé de son bâton. Nous les planterons sur une colline, qu’ils sachent que nous reviendrons les prendre pour défendre le bocage en cas d’expulsion! Ce sera peut-être l’un des derniers moments où il sera possible de ramener du matériel si les flics arrivent dans la foulée. Ici la liste du matériel demandée : http://zad.nadir.org/spip.php?article515&lang=fr
Après cette date, et si vous n’avez pas d’impératifs, restez sur la zone autant que possible tant que le niveau d’alerte le requiert. Il y a de toute façon une multitude de choses à faire puisque sur place, la vie poursuit aussi son cours normal (chantiers, jardins, etc). L’ennui n’est pas au rendez-vous et le ZAD NEWS (journal hebdomadaire) vous permettra de vous tenir au courant des événements, chantiers et autres.
Si vous n’êtes jamais aller sur la ZAD de NDDL, voici quelques conseils pour y accéder en fonction de votre moyen de transport : http://zad.nadir.org/spip.php?article7&lang=fr
En cas d’intervention, les alentours de la zone seront saturés de check-points policiers. Ici une carte datant de 2013 pour vous donner une idée de leurs emplacements : https://zad.nadir.org/IMG/png/Carte_ZAD_MAJ16012013.png
Dans ce cas, il est plus judicieux de garer son véhicule dans un hameau à quelques kilomètres et de passer à pied à travers champs.
[ACCUEIL]
Tu peux te pointer tous les jours de 14h à 17h, à la Rolandière.
Si tu as des questions sur la lutte ou la zone, que tu as besoin d’une carte ou aimerais savoir ce qui se passe (chantiers collectifs, événements, etc) n’hésite pas à passer !
[EQUIPEMENT]
Ce kit est un minimum à avoir avec soi sur la ZAD
– lampe frontale et piles
– boussole
– bottes et chaussures chaudes, si possible imperméables
– vêtements chauds imperméables
– un sac de couchage, une tente et de quoi être autonome en bouffe pour quelques jours si tu comptes rester
– une gourde ou une bouteille d’eau
– une carte de la ZAD imprimée (plastifiée si tu veux qu’elle tienne) : http://zad.nadir.org/IMG/pdf/zad-situation-2016-juillet.pdf
Si tu viens à un moment de tensions, n’oublie pas :
– plusieurs paires de chaussettes (le plus possible)
– de regarder attentivement les conseils juridiques : https://zad.nadir.org/spip.php?rubrique56&lang=fr
– Des numéros d’urgence sur toi (attention, le numéro de l’équipe médic ne sert qu’en manifs, en cas d’urgence passe aux Fosses noires)
– celui de l’équipe légale : 06 75 30 95 45
– celui de l’équipe médic : 07 60 26 42 14
– équipement de protection (malox, gants, masque contre les gaz, lunettes de protection)
Nous rappelons que la ZAD est un lieu où des centaines de personnes vivent à plein temps. Tous les occupants ne souhaitent pas forcément être dérangés à toute heure ou que n’importe qui déboule chez eux. Si vous ne connaissez pas, il est toujours préférable d’aller dans les gros lieux d’accueil comme la Rolandière, Bellevue ou la Wardine qui vous aiguilleront ensuite.
C’est la multiplicité des formes de lutte qui font du mouvement ZAD un mouvement fort et massif. Il est important que ces différents formes continuent de cohabiter. Ici quelques éléments sur les différentes pratiques : « Défendre la zad dans sa diversité » https://zad.nadir.org/IMG/pdf/defendre_la_zad-3.pdf
Pour les pratiques de défense active, quelques éléments par ici : https://nantes.indymedia.org/articles/26741
Pour la route, une lecture chouette sur l’histoire, le sens et les perspectives de la lutte à NDDL : « Défendre la ZAD » https://zad.nadir.org/IMG/pdf/defendre_la_zad-2.pdf
(Photo: ValK)
MLR Saison 2 – Rebelote
Rebelote :
La rentrée scolaire marque pour nous tous un changement remarquable. Nos amis de l’année dernière deviennent étudiants. Nos petits frères/petites sœurs font leurs premiers pas au lycée, tandis que certains retrouvent leurs potos de toujours et les chaises qu’ils ont biens rodées. Bref retour en cours, retour dans ton bahut et rien n’a changé. Sinon les politiques et la politique sont toujours aussi chiants, aussi détaché du peuple, rien n’a changé.
Parmi ce cours normal des choses, nous souhaitons être de ceux qui préfèreront voir nos lycées s’écrouler, plutôt que de continuer à supporter jours après jours un système qui envoie toute une partie de notre génération à l’abattoir. Notre génération est en chien de tout, et on nous vend l’image d’un avenir moderne et radieux dont on sait pertinemment que seuls quelques rares privilégiés parmi nous y auront accès.
Tout ça c’est du vent et on s’en branle. Assumons-nous tel que nous sommes : spontanés et bordeliques, en galère mais solidaires, indépendants mais organisés.
L’année qui vient vas regorger d’occasions de créer de l’agitation et de briser le déroulement normal des choses. Continuez de nous suivre.
https://www.facebook.com/Mouvement-des-Lycéens-Rouennais-578211552325072/
L’unité en berne / Le Havre
L’unité en berne
Suite à la dernière journée de mobilisation contre la loi travail, et plus généralement, contre les agissements du gouvernement, un goût amer reste en travers de la gorge.
Cette reprise du mouvement devait ouvrir un nouveau chapitre de la lutte, jauger de la motivation des manifestants pour envisager les suites à donner. Mais force est de constater que les deux mois de pause estivale ont émaillé l’unité qui était née.
Tout d’abord, il y aura eu un « avant » et un « après » 14 juin. Notre mouvement est né dans un bouillonnement de joie, de motivation, de belles rencontres, de l’envie commune de changer la société. Mais cette joie a été sérieusement mis à mal par la manifestation du 14 juin à Paris, où les lacrymos ont plu de tout coté. Dans nos rangs, certains amis en ressortent marqués, choqués. D’autres ont ressenti l’absence de soutien des forces syndicales – dans l’action – afin d’échapper à la situation. Enfin, d’autres ont durci leur vision et envisagent des actions plus violentes.
En tout état de cause, la répression policière vécue a crée un sentiment d’injustice qui aura marqué un tournant dans notre mouvement.
Trois mois plus tard qu’en est il ?
La mobilisation de jeudi questionne. Au Havre, notre mouvement « autonome » n’a jamais été violent. Quelques actions de tags, à destination de symboles (capitalisme, état), quelques opérations de sabotage, et un soutien à toutes les actions aux côtés des syndicats depuis les premières mobilisations. Par mouvement « autonome », il ne faut pas entendre grand chose. C’est juste un mouvement pluriel, composé de personnes non-syndiquées, de personnes syndiquées, de jeunes, de vieux, qui n’ont pas, ou ne se sentent pas (plus) à leur place sous aucune bannière. Et qui ont envie, ensemble, d’amener la mobilisation à un autre niveau.
On constate encore une distanciation et une hiérarchisation de la mobilisation entre les têtes syndicales et les autonomes. Ceux qui ont un gilet, et ceux qui n’en ont pas. Sur les blocages, les remarques fusent quand une action spontanée se déroule sans qu’elle ait été validée (impulsée) par « l’intersyndicale », comme « brûler un feu de circulation », « allumer un feu devant une entreprise occupée ».
Cela creuse le paradigme entre force syndicale et force autonome. Le mouvement n’est pas censé appartenir à personne. Toute action, dès lors qu’elle a pour but de déstabiliser le gouvernement doit être soutenu par tous. Les têtes syndicales sont trop soucieuses du maintien de l’ordre, de la manifestation sans débordement. Mais si débordement il y a, si débordement il doit y avoir, ce n’est jamais gratuit. Tout acte a une valeur et s’attaque à un symbole. Il y en a assez des services de sécurité des syndicats, de mèche avec les RG et qui balancent les manifestants turbulents. Les syndicats ont, plus que jamais, besoin des forces autonomes pour que les manifestations n’aient plus la portée d’une kermesse. Et on mesure au combien ce postulat est partagé par de nombreux ouvriers syndiqués que l’on a rencontré durant ces 6 derniers mois.
Ce constat n’a pas pour but de minimiser la force d’action des syndicats, ni leur utilité. Les syndicats sont d’une efficacité importante au sein des entreprises, aux côtés des salariés, sur le plan juridique. Mais ils n’ont plus la combativité de rue du début du XXème siècle.
Quant à l’unité syndicale, elle laisse rêveur ! Mais elle semble s’étioler. Pour exemple, Force Ouvrière a annoncé que cette mobilisation serait la dernière à laquelle elle appellerait, et qu’elle déplace son combat sur un champ juridique. En lisant entre les lignes, est-ce qu’il ne faut pas mettre ça en parallèle avec l’approche des élections professionnelles au sein des PME, où le nombre de siège à conquérir efface toute l’union des mouvements de ces derniers mois ?
Du côté de notre mouvement, l’unité est aussi à interroger. La motivation des uns et des autres a fait du chemin. Beaucoup de personnes sont tombés amoureuses du mouvement, de la force des rencontres faites sur les barrages. Et puis vient l’heure de la déception, des interrogations. A quoi sert-on ? Est-ce que l’on s’est fait instrumentaliser ? Où en est l’unité lorsque des dockers veulent nous taper dessus lors de la manifestation à Paris faisant l’amalgame avec les « méchants casseurs » ? Ce qui est sûr c’est que le 14 juin pose un jalon. La motivation de certains de nos amis a baissé, générant des remarques de la part des plus radicaux. Ces mêmes radicaux se questionnant sur le fait de s’autonomiser encore plus de notre mouvement.
Il faut déplacer notre motivation sur d’autres actions. Et accepter que l’on ne se battra pas dans une direction clairement identifiée. En fait, il faut que tout soit combat. La défense du droit du travail fut ce qui nous a réuni. Puis le déni de démocratie est ce qui nous a rapproché. Et perdant la partie petit à petit, la déception prend le dessus, et la combativité nous quitte.
Mais c’est parce qu’il faut accepter se battre sans objectif précis, se battre pour tout, tout le temps. Que se soit contre le capitalisme, contre le racisme, contre le sexisme, aux côtés des migrants, des travailleurs malmenés, de tout ce qui annihile notre société, tout doit être un combat.
Et tout doit être combattu avec les forces en présence, sans jugement de valeur sur la disponibilité ou la motivation des membres de notre mouvement.
Ce sera épuisant, mais c’est la seule façon que nous avons de survivre.
ON EN A GROS
https://www.facebook.com/onenagroslh/
K-way noirs et chasubles rouges devraient avancer ensemble (mais peuvent aussi continuer à se taper dessus)



- L’existence de forces autonomes qui n’ont pas vocation à être encadrées par les syndicats.
- L’existence de syndicats au sens strict, combatifs, dont le rôle est déterminant dans tous les mouvements.
- Le fait que chaque mouvement résulte de la combinaison de pratiques multiples, légales et illégales : manifestations, blocages, occupations, affrontements, casses, pétitions, etc., et de débordements en tout genre.
- Qu’il ne revient à aucune fraction du mouvement d’imposer de façon hégémonique la ligne qui est la sienne à toutes autres fractions du mouvement.
- Que c’est la conjonction de ces différentes lignes combattantes qui peut permettre de remporter des batailles politiques.


MANIFESTATION DU 15 SEPTEMBRE – ROUEN ABROGRATION DE LA LOI TRAVAIL !
MANIFESTATION DU 15 SEPTEMBRE – ROUEN
ABROGRATION DE LA LOI TRAVAIL !
« Une histoire d’amour sans paroles
N’a plus besoin du protocole
Et tous les longs discours futiles
Terniraient quelque peu le style
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles ! »
Aujourd’hui nous avons réussi une chose qui n’avait jusqu’alors jamais été accomplie : faire durer un mouvement social au-delà de la pause estivale. Trois jours avant la venue de Hollande et du PS à Rouen pour une « université de l’engagement », on se retrouve dans le cortège entre lycéens déterminés, k-way noirs et masques bariolés, travailleurs non-syndiqués, et tous les cœurs révoltés que ce mouvement a entraînés.
– Le réveil du dragon –
« « Voilà des gestes qui suffisent à vous rendre amoureux fou pour toute la vie « . Seuls ces gestes peuvent défaire des régimes. Maintenant, abandonne-toi. Suis-moi, jusqu’au bout, et encore. » pouvait-on lire sur un tract nous invitant à suivre le dragon. Celui-ci, serpentant dans la manifestation de ses dix mètres de long, a craché sa colère, notamment sur la Banque de France aspergée de longues traînées orangées. Dans le même temps, les tags fleurissent sur les banques, assurances et autres officines de pacotille.
– Attaque des locaux du Parti Socialiste et des Républicains –
« Les présidentielles n’auront pas lieu ! » scande le cortège de tête. Pendant plusieurs mois de mouvement s’est manifesté une évidence : pour quiconque souhaite reprendre sa vie en main, c’est toute la sphère politique qui doit tomber. Quand les vitres d’un local du PS sont attaquées, on attend pas moins qu’autant de coups frappent celles des Républicains.
– « Liberté d’expression pour les dragons ! »-
À la préfecture, les hospitaliers en lutte au CHR prennent la parole pour exposer les projets de leur direction et montrer leur motivation à ne pas les accepter. Quant aux délégués syndicaux, aucun n’évoque la venue de Hollande à Rouen ce dimanche. Souhaitant présenter son comité d’accueil #BienvenueBâtard pour l’université du PS, le dragon se voit refuser la prise de parole par ces mêmes têtes syndicales. La foule réclamant son discours n’aura pas été entendue.
Peut être cet animal étrange sortait-il un peu trop du cadre classique de la contestation ? Ou bien était-ce dû aux nombreuses tensions qui ont émaillé le défilé, opposant les services d’ordre des syndicats au cortège d’action ? Une personne aurait d’ailleurs été interpellée en fin de manifestation suite à une altercation avec le service d’ordre de la CGT.
Soirée de soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes
Ces derniers mois le gouvernement n’a cessé d’affirmer que les travaux de l’aéroport débuteraient à l’automne, et donc, que la zone serait vidée de tous ses occupants. Même si la détermination est intacte et que la dynamique de construction sur place est toujours aussi forte, la ZAD de Notre dame des landes est fortement menacée.
Les composantes de la lutte appellent les comités de soutien à réactiver leurs réseaux locaux et à s’organiser en cas d’expulsions. Ils appellent également à se rassembler massivement sur place le weekend du 8 et 9 octobre pour réaffirmer notre détermination à défendre la ZAD.
Pour ces raisons nous appelons toutes personnes qui souhaitent s’organiser dans ce sens à venir samedi 17 septembre. Les comités de soutien de la région et d’ailleurs sont également conviés.
Samedi 17 septembre
18h – discussion en présence de zadistes et comités de soutien locaux
20 – repas de soutien
A la conjuration des fourneaux, 149 rue saint Hilaire, Rouen.
Rentrée de l’antiterrorisme
Le gouvernement, via l’éducation nationale, invite les établissements à appliquer un certain nombre de nouvelles mesures de sécurité pour « prévenir les menaces », dites « terroristes », qui pèsent sur les élèves et le personnel. Exercices « alerte-sms » et simulations d’attaques, contrôle d’identité pour toute personne étrangère à l’établissement, « éviter tout attroupement aux abords des établissements » ou encore « signaler à la préfecture les manifestations ou les déplacements importants » font partie du panel de mesures à mettre place par les administrations. (http://www.education.gouv.fr/…/consignes-de-securite-applic…)
Par l’antiterrorisme, le pouvoir construit les figures de l’ennemi intérieur avec en tête « l’islamiste radical ». En découle des séries de dispositifs par lesquels le gouvernement tente de renforcer sa légimité. Il se rend incontestable, indispensable. Il se pose comme le seul à même de nous protéger et par là donne toutes latitudes au contrôle social qui vient : « contre toute apparence, l’antiterrorisme ne vise pas centralement ceux sur qui il s’abat, mais la population en général. Il vise à obtenir, en frappant certains, un effet sur tous les autres. Que ce soit pour les rassurer en accréditant la fiction que le gouvernement serait là pour les protéger de tant de menaces, ou pour distiller un certain émoi, un certain état de terreur et de paralysie opportun dans la population. » (l’article complet sur https://lundi.am/Quatre-theses-pour-une-neutralisation-prev…).
Si nous prenons les nouvelles mesures concernant les lycées non pas sous l’angle de la menace « islamiste », mais plutôt sous celui de la menace des « opposants au régime » qui comptent bien reprendre les hostilités d’ici le 15 septembre, il devient plus évident de percevoir quel type d’opération le pouvoir est en train de mener. Il renforce d’un côté le camp de l’ordre et de la sécurité, et de l’autre, il tente d’anéantir tous ceux qui n’en sont pas, qui le combattent, le gênent ou le ralentissent.
Nouvelles du Havre l’Insoumise
Ce mercredi 31 août, deux dockers du port du Havre ont été appréhendés à leur domicile par les forces de l’ordre à 6h du matin. Ils ont été emmenés à Paris afin de répondre à des accusations de violence en réunion lors de la manifestation contre la loi travail qui s’est déroulée à Paris le 14 juin dernier. Rappelons que lors de cette manifestation, les dockers havrais s’étaient retrouvés nassés par les CRS au moment où ils tentaient de rejoindre leurs cars pour rentrer au Havre. La tension était montée et quelques lacrymos avaient été distribuées.
Sitôt l’annonce de ces arrestations répandue, le port du Havre s’est mis à l’arrêt.Plus aucun bateau n’est chargé ou déchargé, les ferrys assurant la liaison avec l’Angleterre restent à quai, les ponts et écluses restent baissés.
Des rassemblements et blocages ont lieu toute la journée. Le mouvement a pris fin dans la soirée, dès lors que les deux dockers ont été relâchés. Ils devront comparaître le 25 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour les faits qui leur sont reprochés.
Ces arrestations sont lourdes de sens.
Tout d’abord, elles interviennent le même jour que l’assemblée générale de l’union départementale CGT qui se tient cette année… au Havre. Est-ce une mise en garde ? une volonté d’intimidation ?
Ensuite, elles interviennent quelques jours après la déclaration par voie de presse de Michel Segain, président de l’UMEP (Union Maritime et Portuaire) qui met en garde la CGT contre toute future action de blocage. Que peut-on déduire des relations entre le patronat et le gouvernement ?
Enfin, il est à noter que les interpellations ont été faites par la police parisienne qui s’est déplacée en nombre pour appréhender ces deux “violents manifestants”. Ces arrestations ont eu lieu à 6h du matin, en présence de 7 policiers par interpellé.
Pourquoi cette affaire n’a pas été mené par la police havraise ?
Néanmoins, il est fort de constater la solidarité de toute une corporation lorsque l’on touche aux leurs. Tentez d’intimider deux dockers, et l’activité portuaire est paralysée instantanément, sans sommation. Si l’objectif de la répression est de casser les mouvements contestataires, dans ce cas, elle ne fait que les amplifier.
Le ton est donné pour la rentrée, et la reprise de la lutte.
On pensait le mouvement affaibli, ou ralenti à cause des vacances et des 3 49.3 qui ont abasourdi les militants. Mais la motivation n’est pas émaillée. On sent même poindre dans les discours des militants de tous bords lors des meetings intersyndicaux un changement de paradigme, un changement de cible. Jusqu’alors, les actions des syndicats visaient l’abrogation de la loi travail. Désormais on parle plutôt d’un changement de système, d’une chute du capitalisme, d’une insurrection comme issue possible. On parle d’action coup de poing, d’occupation de sites, de blocages de l’économie par tous les moyens, plutôt que de grands rassemblements.
On en a gros. On lâche rien.
A ceux qui n’abandonnent jamais
[APPEL]
A ceux qui n’abandonnent jamais
Pour un 14 juin insurrectionnel
Tous à Paris
Violences policières à Paris. Romain D. 26 mai
Paris, Romain D., 28 ans, est toujours dans le coma. Libération publie de nouveaux éléments.
Le 26 mai à Paris, à la fin d’une manifestation contre la loi travail, un policier lance une grenade de désencerclement au milieu de la foule. Romain D., 28 ans, est touché à la tempe par un éclat et s’effondre.
Reprenant connaissance quand les pompiers arrivent pour le secourir, il est souriant sur sa civière.
Mais Libération a révélé cette nuit que des témoins affirment avoir vu «deux gendarmes casqués se pencher sur lui» à l’intérieur de l’ambulance. Ils affirment également que «leurs gestes étaient violents, au point de faire bouger le fourgon». Premier secours, acte dintimidation ? Dans un appel téléphonique passé à des proches depuis le camion de pompiers (Libération a eu accès à la bande audio), on entend juste Romain crier sa douleur.
Romain est dans le coma depuis déjà 11 jours.
periscope.tv/SamSmithJRI/1mnxewWXVzbGX
youtube.com/watch?v=c-UypvUrgoY
https://vimeo.com/179739094
JEUDI 15 SEPTEMBRE 2016 : ABROGATION DE LA LOI TRAVAIL
JEUDI 15 SEPTEMBRE : ABROGATION DE LA LOI TRAVAIL
La loi « travail » est passée.
Blocages, grèves, manifestations. Quatre mois de mouvement effrénés n’auront pas suffi à faire plier le gouvernement. Nous ne le vivons pas comme une défaite. La bataille ne fait que commencer et en quatre mois nous avons su tenir un rapport de force contre l’Etat et sa police. Et ce ne fut pas sans occupations, sans fêtes, sans émeutes, sans rencontres, sans blocages, sans assemblées, publiques ou dans le secret. C’est notre histoire commune que nous écrivons.
« Fin du PS, naissance de notre force ». C’est elle qui nous portera pour les prochains mois, pour reprendre les hostilités contre la loi « travail » dès le 15 septembre et enfin pour nuire au spectacle par lequel ce système se maintient : les présidentielles.
Mémoires d’une hydre
Mémoires d’une hydre
Les naîfs croient que les créatures magiques n’existent pas, mais je sais quelles puissances ont présidé à ma naissance et toutes sont réelles : crue, étoiles, force, colère, amitié, terre, mer et feu, et détermination. Je suis fille de la victoire qui engendre d’autres victoires. Je suis une hydre à mille têtes et mille fois plus de jambes, de bras, d’yeux.
J’ai mille têtes qui viennent de partout, dans toutes sortes de véhicules, que mon ennemi tente de bloquer. Mais il n’y parvient jamais, tant l’attraction est forte.
Les yeux de mon ennemi sont gros, uniques, noirs et globuleux, disséminés dans la ville. Je les lui crève à coups de manche ou de pavé, pour me rendre invisible. Les milliers de corps et de visages qui me composent se ressemblent tous, innombrables jumeaux, sosies démultipliés. Il sont jeunes et vieux, marchent et s’arrêtent et courent, portent des K-way, des chasubles, des vestes, des talons hauts et des baskets, des masques blancs, des sacs à dos, des sacs de pierre, des trousses de soin et des banderoles.
J’ai mille têtes que je ne surveille pas, mais qui prennent soin les unes des autres. Qu’on touche à un seul de mes corps, je prends la forme d’un groupe de dockers ou d’une horde d’amis et j’attaque à mains nues, à coups de casques, de barres de fer, je frappe, j’insulte, je repousse. Et je gagne.
Je vomis des insultes et de la poésie :
Nous sommes en marche, pas en marge
Nos rues ne sont pas des chambres à gaz
Les asthmatiques se vengeront
Socialistes, vous n’avez encore rien vu
Manger les riches
Agir en primitif, prévoir en stratège
En cendres tout devient possible
Il est grand temps de rallumer les molotov
Et qu’il vienne, le temps dont on s’éprenne
J’ai mille têtes et je chante. Mon ennemi tremble. Je chante des cris, je rugis des mélodies. Il ne comprend pas. Ahou, ahou, ahou. Il recule.
J’ai mille têtes et je maîtrise les éléments comme personne. Je crache le feu, sous toutes ses formes : liquide, turquoise, crépitant, éclatant, fluorescent, électrique, parme et l’autre, celui que j’ai à l’intérieur, caché, et que l’eau du ciel et des canons ne peut éteindre. J’enfante des dragons. Je brûle des voitures – des fausses et des vraies – et des jambes de pantalon.
Je transforme le monde en projectile. Le goudron se détache comme une mue de la chaussée, les murs se fissurent, les grilles des arbres s’évadent. Ils se morcellent, ils s’offrent à moi. Je leur fais l’honneur de leur apprendre à voler.
La glace se brise sur mon passage ou plutôt là où je rencontre mon ennemi. Il est loin d’être innocent. Maintes fois il me blesse et me décapite. Si mes têtes repoussent, mes blessures ne se referment pas. Qu’il souffre, alors, puisqu’il me fait souffrir, et tant pis pour les éclats des vitrines.
J’ai mille têtes que l’ennemi piège isolément, dont il coupe les liens, mais toutes forment un seul corps, qui fera tout pour rester entier.
L’ennemi a des armes de lâche qui font des trous dans la peau, dans le dos, sur le crâne, qui se multiplient démesurément, qui s’utilisent à distance, qui ne parviennent pas à m’arrêter. Je me soigne, je me protège mieux, je suis plus forte à chaque fois.
J’ai mille têtes et mille peaux épaisses qui empêchent l’ennemi d’atteindre ma chair et sur lesquelles ses armes s’arrêtent et rebondissent. J’ai mille peaux épaisses qui parlent, qui répètent ma volonté et mes désirs. Qu’il vienne, le temps dont on s’éprenne.
J’ai mille têtes qui continuent dans la nuit à vibrer, à crier, à éclater. Mon corps est diminué mais renforcé par les événements du jour et il exulte. Les énormes bouches de l’ennemi crachent des soldats qui se jettent sur moi. Je les repousse pourtant.
Ce que l’on dit de moi est grossier, mensonger, trompeur. Seulement, on peut tromper mille hydres à une tête, mais pas une hydre à mille têtes.
Si se mobiliser contre la loi travail est un crime, alors nous sommes tous des criminels.
Si se mobiliser contre la loi travail est un crime, alors nous sommes tous des criminels.
La criminalisation des mouvements sociaux devient la norme. Au Havre, un militant de la CGT a été condamné à six mois de prison avec sursis et 18 mois de mise à l’épreuve pour la dégradation de la permanence du Parti socialiste. À Rouen, comme ailleurs, on ne compte plus les arrestations depuis le début du mouvement : des mineurs arrêtés pour des tags, poursuites administratives et plaintes pour outrages, sanctions disciplinaires pour blocage de lycées, employeurs des manifestants appelés par la police, montages médiatiques mettant en scène la violence des manifestants contre les forces de l’ordre, appuyés par des arrestations musclées…
Mardi 7 juin, déclaré « mardi noir » par les syndicats, un des points de blocage a été évacué par la BAC et ses manifestants poursuivis après dispersion. Quatre ont été arrêtés pour « obstruction de la voie publique par engin incendiaire occasionnant mise en danger de la vie d’autrui », intitulé justifié par des feux de palettes et de pneus, la classique du blocage. Pas d’arrestation sur les autres points de blocage, comme s’il ne s’agissait pas de la même lutte.
Jeudi 2 juin, alors qu’à la fin de la manifestation, le cortège de tête n’a pas voulu s’affronter au dispositif de policiers à la gare mais voulait « continuer le mouvement », il s’est heurté à une charge de police lui barrant la route et procédant rapidement à cinq interpellations. Ces gardes à vue de plus de 24h se sont soldées par des convocations au tribunal.
Parallèlement, la pression policière s’opère au quotidien en menaçant individuellement ceux qui luttent contre la loi El-Khomri. La police menace le gérant d’un bar, où un concert de soutien doit avoir lieu, de sanctions administratives et financières, occasionnant l’annulation de l’événement ; on entend pendant les arrestations : « Je vais t’effacer ton sourire à la prochaine manif », « Vous allez dormir à Bonne Nouvelle, ça va vous faire redescendre sur terre » ; dans le cadre de la convocation de son conjoint, une jeune mère reçoit trois visites de la police en moins de vingt-quatre heures et se voit menacée d’être placée en garde-à-vue : « un enfant ça va dans d’autres bras » précise alors la policière.
Quand la police n’arrive pas à faire peur aux personnes concernées, elle parvient à créer un climat de peur grâce aux médias qui publient les photos des objets saisis, des dégradations, les récits d’incidents secondaires. Plus largement, de nombreux journaux et chaînes d’information n’auront diffusé de ce mouvement que les images chocs, les voitures brûlées, les flics assommés. Se concentrant ainsi sur les gestes, les vidant de tout sens, ils opèrent une dépolitisation totale du mouvement et participent à sa criminalisation.
En ce qui concerne les journalistes proches du mouvement, ils sont traités avec la même violence que les manifestants : il n’y a qu’à voir le nombre de journalistes empêchés de travailler, de filmer, gazés, blessés par les grenades de désencerclement.
Ne reculant devant rien la police se lance dans des opérations préventives comme ces arrestations collectives et ciblées avant la manifestation du havre le 9 juin. Quelques jours plus tard elle interdit à un jeune lycéen de se rendre à Paris pour la manifestation du 14 juin. Quelques balles de ping-pong enroulées dans du papier d’aluminium pour faire un fumigène de fortune lui avait valu une mise à l’épreuve de trois ans.
Un climat de peur, ça sert aussi à obtenir des informations. Rien qu’à Rouen, depuis le début du mouvement, au moins cinq personnes, dont un mineur, ont été approchées par des agents de la DGSI pour devenir informateurs/collaborateurs de la police. Des renseignements généraux à la violence physique, des insultes aux condamnations judiciaires, la police a sorti l’artillerie lourde. Mais rien n’y fait. Le mouvement ne cède pas à la peur.
Libération immédiate et abandon des poursuites pour tous les inculpés du mouvement.
Solidarité absolue et inconditionnelle avec tous les interpellés.
Retour sur l’usage médiatique scandaleux de l’hôpital Necker. 14/06/16
Retour sur l’usage médiatique scandaleux de l’hôpital Necker.
Remettons les choses dans leur contexte. Le dispositif policier gigantesque et très offensif a tenté à maintes reprises de nasser, scinder, percer la manifestation. Isoler les bons des mauvais, les gens masqués des non-masqués, la tête du reste. Tentatives systématiquement avortées par le répondant d’un cortège compacte et multi-forme dans lequel il était strictement impossible d’opérer ces distinctions. On ne met pas à terre une hydre à mille têtes en coupant une seule d’entre elle.
Au croisement du boulevard Montparnasse et rue de Sèvres, au niveau de l’hôpital Necker, les manifestants se sont défendus face à une nouvelle offensive policière. L’affrontement a duré un long moment et un certain nombre de projectiles sont retombés sur les façades vitrées de l’édifice en question. Ce sont donc les policiers qui étaient visés, et non l’hôpital. Nous sommes prêts à parier qu’une grande partie des gens présents ignoraient la qualification de ce bâtiment et représentait seulement un abri derrière lequel les policiers se retranchaient.
Nous ne nions pas que parallèlement quelques coups de massettes ont pu être délivré sur les vitres, probablement par mégarde. Personne n’a pris sciemment pour cible un hôpital.
Un témoignange : https://paris-luttes.info/affrontements-devant-l-hopital-61…
Même Libé nous dit : « Les affrontements avec les CRS, qui n’ont pas cessé depuis le départ de la manifestation place d’Italie, reprennent de plus belle. Des militants radicaux, tout de noir vêtus, lancent des projectiles en direction de forces de lordre situées sur leur gauche, qui répliquent à coups de grenades lacrymogènes.
L’hôpital Necker, juste à côté du cordon des forces de lordre, nest clairement pas la cible de la majorité des manifestants. »
http://www.liberation.fr/…/l-hopital-necker-a-t-il-vraiment…
Dans le même esprit : http://rue89.nouvelobs.com/…/pretexte-providentiel-lenfant-…
Un usage médiatique scandaleux.
« Certes, briser les vitres dun hôpital, même par mégarde, c’est idiot ; mais sauter sur loccasion pour instrumentaliser la détresse des enfants malades et de leurs parents pour décrédibiliser un mouvement social, cest indécent et inacceptable. Et cest pourtant la stratégie de communication mise en uvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls. Allègrement reprise par la droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias. »
https://lundi.am/Sur-l-instrumentalisation-des-vitres-de-l-…
Ordonnance pour un cortège d’action
Bloquons tout! Rubis sur l’ongle. 26/05/16
Devenir commune à Saint-Nicaise
Scandale et blasphème – occupation de Saint-Nicaise
Sur l’embrouille d’hier après midi – 29/04/16
Guide de survie en manif et garde à vue
Nuit debout 28 avril #OnOccupeMieuxQueCa
AG le 19/04/16 à la fac de Rouen
Loi travail – Témoignage d’une poubelle
Détournement de l’affiche de la CGT info’com
Journal mural de l’amphi Axelrad occupé – Mars 2016
Ne perdons pas notre vie à la gagner – Retour sur le 9 mars
Nuit debout pour une nuit rouge – 31 mars
Appels pour le 9 mars 2016 contre la loi travail
Répression sur un groupe de manifestants le 9 juin 2016 au Havre.
Répression sur un groupe de manifestants le 9 juin 2016 au Havre.
Des manifestants rouennais dans le collimateur de la police.
Arrestations préventives ciblées à la manifestation du Havre le 09/06/2016
Il faut bien reconnaitre une certaine détermination au gouvernement et à sa police. Tous les moyens auront été bons pour tenter de faire passer cette loi qui ne passe toujours pas et pour faire taire les millions de personnes qui d’une manière ou d’une autre se sont opposées à cette loi et qui présentement ne cèdent pas au chantage de l’euro 2016. Pour mémoire, un petit rappel des différentes formes de répression qui constitue en négatif un certain récit de la mobilisation : présence policière massive devant les lycées bloquées ; évacuations des facs, des places et des lieux occupés ; évacuation des blocages de dépôts pétroliers ; armes en tout genre entrainant un nombre inédit de blessés ; nasses où des centaines parfois des milliers de personnes sont contenues des heures ; interdiction de manifester au nom de l’Etat d’urgence : coups, arrestations, emprisonnements, mutilations.
Hier, à la manifestation du Havre du 09/06/2016, une tactique relativement inédite a été mise en place par la police : les arrestations ciblées, préventives et collectives de manifestants. Plusieurs rouennais et rouennaises avaient décidé de répondre à l’appel d’une grande manifestation régionale dans ce qui est présenté parfois comme la capitale de la grève : Le Havre. Parmi eux des lycéens et des étudiants, des salariés et des chômeurs, « des nuits-deboutistes », des individus quelconques. Certains se rendent même aux premiers blocages matinaux en voiture. Un dispositif constitué de quatre voitures de la Bac, une des RG et de quelques fourgons de la police nationale intervient : sept rouennais, et deux havrais qui avaient le tort de se trouver avec eux, seront contrôlés et embarqués à ce moment-là pour vérification d’identité même si certains avaient présenté leurs papiers. Enfermés dans les geôles, ils passent ensuite en audition libre où la pression liée aux circonstances permettent à la police de relever les empreintes digitales et de prendre des photos. D’autres plus au fait du caractère non contraignant du régime d’audition libre décident de ne rien déclarer et de refuser la signalétique. Tous ceux-là sont relâchés peu après. Mais une personne dont la voiture a été fouillée et qui a refusé la signalétique est placée en GAV, relâchée dans la soirée, elle est convoquée pour un procès en février pour un motif pour le moins surprenant : « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou dégradation de biens » et refus de signalétiques. Trois bombes de peintures et quelques fumigènes avaient été trouvés dans son coffre.
La police continue son travail aux abords de la manifestation. Une grande partie des rouennais seront contrôlés, certains seront à leur tour interpellés parmi lesquelles deux autres sont placées en GAV et sont poursuivis pour refus de signalétiques. L’arrivée de militants du syndicat SUD lors d’un contrôle massif a certainement permis de limiter la casse. Mais comment distinguer un rouennais d’un autre manifestant ? C’est là qu’apparait le caractère proprement délirant de cette opération policière. Depuis plusieurs jours, de mauvaises bouches faisaient circuler la rumeur selon laquelle il fallait redouter la venue de « casseurs rouennais ». Les mauvaises oreilles s’étaient empressées de la propager. La police de Rouen avait décidé de prendre les devants pour neutraliser ces « casseurs rouennais ». Quand on parle de « terrorisme social » à propos des actions syndicales, il n’y a pas à s’étonner que les manifestants de Nuit-debout deviennent subitement de « dangereux casseurs ». Toujours est-il que de nombreux policiers rouennais avaient fait le déplacement pour les reconnaitre et les identifier, et des équipes de BAC d’autres villes venues en renfort pour interpeller. Ils avaient aussi pris soin de distribuer largement à leurs collègues le trombinoscope des manifestants rouennais pour qu’ils puissent faire le tri à l’aide de ces étranges documents, les « police book », dont on trouvait un exemplaire dans de nombreux véhicule de police. C’est donc une surveillance et un fichage généralisés et opaques doublée d’un dispositif politique digne d’un contre-sommet qui a rendu possible ces contrôles et ces arrestations.
Plusieurs témoignages de manifestants du Havre confirment qu’une telle situation est inédite au Havre. Jamais des arrestations préventives n’avaient précédé une manifestation. C’est l’incompréhension totale. Des gestes de solidarité ont déjà eu lieu et devraient se poursuivre. Du côté des policiers du Havre, la chose n’a pas été non plus très appréciée. Et c’est parfois une guerre des services qui se déroulaient dans les couloirs du commissariat. Que voulaient-donc ces policiers de Rouen pour ordonner des arrestations contre des personnes pour lesquels il n’existait aucune charge sérieuse, et pour accroitre inutilement leur charge de travail ?
Ce coup de force de la police rouennaise montre encore à quel point elle s’acharne contre une partie du mouvement, en tolérant par exemples les blocages d’axe routiers quand ils sont effectués par une grosse centrale syndicale mais en les réprimant quand ce sont des non-syndiqués qui opèrent au même moment sur d’autres lieux. Après les nombreuses arrestations et autres intimidations à Rouen, vient donc le temps de la surveillance et de la traque. Mais derrière cette opération se profile la crainte que différentes formes de luttes se rencontrent et mettent leur force en commun. C’est pourquoi il était capital de distiller la menace du casseur dans les têtes syndicales. Tout comme, il convenait d’effrayer les rouennais interpelés en leur disant qu’il n’était pas les bienvenus parmi les dockers du Havre « qui votent extrême droite et n’hésiteraient pas à jeter des manifestants à la seine au premier tag » selon les déclarations d’un policier.
Quand un gouvernement en vient à une criminalisation de la multiplicité des formes de luttes, c’est qu’il est aux abois. Et ça n’est pas le moindre de ses mérites que de casser méticuleusement l’envie que certains pourraient avoir d’être bien gouverné. L’opération de division est en tout cas trop grosse pour la laisser fonctionner.
« Casseurs », « terroristes sociaux », « preneurs d’otages », « minorités tyranniques ».
Unis dans la lutte, unis contre la répression.
Mardi Noir – Quatre personnes en procès pour un blocage.
Mardi Noir – Quatre personnes en procès pour un blocage.
Ce mardi 31 mai était un mardi noir. Nuit Debout – Rouen a décidé de répondre à l’appel au blocage économique lancé par l’intersyndicale en organisant un barrage filtrant aux abords du pont Mathilde. À 6h00, quelques véhicules ont ralenti la circulation dans le sens Nord-Sud, puis une cinquantaine de personnes en gilets jaunes a fait irruption sur la chaussée. Des palettes et des pneus sont brûlés et les services de la voierie signalisent rapidement le blocage. Conformément aux sondages d’opinion, la majorité des automobilistes manifestent leur soutien au mouvement contre la loi travail.
À 8h30, le commissaire-divisionnaire René Pichon réclame la levée du barrage, pas assez filtrant à ses yeux. Les manifestants refusent évidemment de se plier à un ordre aussi absurde, d’autant que le commissaire- divisionnaire est seul. Une heure plus tard, trois voitures de la BAC se positionnent en amont du piquet. Aussitôt, les manifestants quittent les lieux sans problème et se dirigent vers le centre-ville. Une véritable chasse à l’homme commence alors. Un impressionnant dispositif policier quadrille la Croix de Pierre et le Champ de Mars et arrête les manifestants qui se sont pourtant dispersés. Quatre personnes sont placées en garde-à-vue pour entrave à la circulation et mise en danger de la vie d’autrui. Elles ressortiront le soir en l’attente de leur procès.
Pendant ce temps, des blocages avaient lieu tout autour de la ville : au rond-point des vaches, au pont Flaubert, sur la zone portuaire, à la Chapelle Darblay et à l’entrée de la Sud III. Aucun manifestant n’est inquiété. Des kilomètres d’embouteillage sont totalisés : l’opération est une réussite. Pour quelles raisons le blocage du pont Mathilde a-t-il été levé de force ? Pourquoi est-ce la BAC qui a été envoyé sur une action de blocage ? Sous quels motifs les manifestants ont-ils été poursuivis dans la rue après la fin de l’action ? Une réponse a été donnée par la police elle-même : le blocage de Nuit Debout n’aurait pas la même légitimité que ceux de l’intersyndicale.
Nous pensons que ce n’est pas à la préfecture de légitimer une action. Nous affirmons qu’il s’agit d’une opération de criminalisation du mouvement qui vise, non plus un certain type d’action, mais une certaine de ses composantes. Une telle stratégie est inacceptable. Nous devons témoigner d’une solidarité sans faille pour les jours de mobilisation à venir, dans la rue, dans les actions, face à la répression et face à la justice.
TOUS ENSEMBLE DANS LA LUTTE
TOUS ENSEMBLE FACE A LA REPRESSION
Eclaircissement sur le blocage de l’industrie pétrolière française
Blocage de l’industrie pétrolière française
On entend parler de pénurie, de grève dans l’industrie du pétrole, de dépôts et de raffineries, de terminaux pétroliers, de blocages internes ou externes, de réserves stratégiques. D’un article à l’autre, on entend tout et son contraire. Voici une tentative d’éclaircissement sur le fonctionnement de l’industrie pétrolière française et quelques éléments stratégiques qui en découlent.
L’industrice pétrolière en quelques mots.
99% du carburant consommé en France (tout secteur confondu : particulier, privé, professionnel, agricole, etc.) est importé.
Une faible partie en produit fini arrive aux ports de Dunkerke, la Rochelle et Fos-sur-mer. Mais la majeure partie arrive en produit brut, à raffiner. Il y a 3 ensembles portuaires d’arrivée : La Havre-Antifer / Donges-Saint Nazaire / Fos sur mer-Lavéra.
De là, le pétrole brut est acheminé dans les 8 raffineries françaises (5 Total, 2 Exxon Mobile (Esso) et 1 PetroIneos) via les pipelines (oléoducs sous-terrain). Les raffineries transforment le prétrole brut en carburant utilisable et part dans les dépôts de carburant, de nouveau par pipeline.
Les raffineries du Havre (Gronfreville l’Orcher et Gravenchon) déservent du carburant jusqu’à Paris et ses deux aéroports, directement via les canalisations. Orly et Roissy disposent de 8 jours d’autonomie avec leurs réserves et stocks tampons. Sur le chemin, des dépôts sont alimentés comme ceux de Rubis terminal. Une autre pipeline part de Douges et va jusqu’à Metz, et celle de Fos-sur-mer achemine du carburant jusqu’en Suisse en passant par Lyon.
Une fois dans les dépôts principaux (ceux directement connectés aux raffineries), le carburant est transporté par camions qui partent alimenter les stations-services et d’autres dépôts non connectés aux pipelines, d’où repartiront des camions pour alimenter d’autres stations-service. On compte au total 200 dépôts mais certains sont regroupés en grands ensembles (Rubis en regroupe 5 par exemple) et leurs capacités ainsi que leur intérêt stratégique diffèrent. Les dépôts appartiennent soit aux grands exploitants comme Total ou à des entreprises privées qui louent des espaces de stockage à des clients (aux grandes surfaces par exemple).
Eléments pour les blocages et les grèves.
A la source: l’arrivée des bateaux remplis de pétrole brut sur les terminaux portuaires. Celui du Havre en réceptionne plus de 40%, géré par le CIM (compagnie industrielle maritime) où la grève a été voté à plus de 90%. Ce sont donc les employés du port, entre autres, qui décident de bloquer les terminaux porturaires. Pas de bateaux déchargés au Havre , pas de produit à raffiner pour Gonfreville, Gravenchon et la raffinerie parisienne Grandpuits. De même pour Fos-sur-mer, réceptionnant 40% des produits bruts également, où les répercussions peuvent se faire ressentir jusqu’en Suisse si le blocage perdure. 25 bateaux étaient encore bloqués il y a quelques jours.
Ensuite les raffineries. 8 ont voté la grève en début de semaine. Gravenchon commence à lâcher l’affaire et reprend le travail sous la pression des non-grévistes. Si les employés votent la grève alors s’enchaîne l’arrêt total ou partiel des unités de production. Il faut 5 à 6 jours pour stopper une unité et autant pour la remettre en marche.
Si les raffineries ne produisent pas, les dépôts ne sont pas alimentés. Ces derniers disposent de stocks variables, allant de 3 à 15 jours pour les plus gros. Donc sans blocage, les dépôts continuent à approvisionner les stations pendant quelques jours voir semaines, même en cas de grève des raffinerines. D’où l’intérêt de les bloquer eux aussi pour impacter immédiatement. Les actions de blocage de dépôts sont parfois dûs à des grèves internes mais la plupart du temps elles sont générées par les grèvistes des raffineries à proximité, portuaires et parfois par une partie plus large de personnes en lutte (étudiants, salariés d’autres secteurs, nuit deboutistes) comme ce fût le cas ici pour Rubis.
Ensuite il y a les fameuses « réserves stratégiques ». Celles-ci sont stockées au sein même des dépôts, ou parfois dans des dépôts qui leurs sont consacrés. Sur l’ensemble du territoire, elles permettent de couvrir les besoins pendant 2 ou 3 mois. Donc si blocage de dépôt il y a, les réserves stratégiques sont elles aussi inaccessibles. Depuis une semaine, l’équivalent de quelques jours de réserves stratégiques ont été consommé, seulement dans des zones où les dépôts sont peut alimentés et où les capacités de stokage sont faibles.
Les dépôts les plus importants sont ceux qui sont directement en aval des raffineries, déservis par pipeline : on a Rubis bien sûr, mais aussi Gronfreville l’Orcher, Le Mans, Douges, ou Fos-sur-Mer. Puis on a les autres, plus excentrés mais stratégiques pour certaines régions comme celui de Douchy Les Mines dans le Nord, de Brest et de Lorient pour la Bretagne, et celui de Coignières (Yvelines) pour l’ouest parisien. Depuis une semaine, il y a eu environ une quinzaine de blocages de dépôt, pendant plusieurs jours ou parfois seulement quelques heures, systématiquement délogés par la police.
Vous l’aurez compris, pour tout bloquer, il nous faudrait :
– renforcer les blocages de terminaux portuaires (Le Havre et Fos-sur-mer)
– continuer le mouvement de grève au sein des raffineries
– coordonner une action de blocage illimité sur les dépôts du Havre, de Fos-sur-mer, de Rouen (Rubis), Douchy-les-mines (Nord), Donges (Loire-Atlantique), Brest, Lorient, Le Mans et Coignières (Yvelines). Et bien sûr, partout là où c’est possible.
– ne pas compter (que) sur la CGT
Au delà des murs du 07/05
Emission HDR Au delà des murs du 07/05/16 sur le mouvement loi « travail ».
Dernier communiqué de la Casa Nostra 02/16