Rouen dans la rue

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Tarnac, le procès qui vient

Texte paru dans le magazine n°2.

Format impression.

tarnac

 

 

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[MAGAZINE] Rouen dans la rue

A l’occasion de notre contre-campagne, nous avons sorti en exclusivité un Rouen dans la rue version papier. Pour ceux qui n’auraient pu se le procurer et qui souhaitent le lire, voici le pdf.

Magazine RDLR

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Brochure sur l’Autonomie italienne (68-77)

Nous publions ici une brochure qui était sortie à l’occasion d’une discussion sur l’Autonomie des années 68-77 en Italie. Désolé pour la qualité.

Brochure Autonomie italienne 68 77

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D’un héritage des luttes paysannes à l’occupation de la ZAD de NDDL – Retranscription part. 1

Nous retranscrivons ici sous forme d’article la discussion #3 du cycle de discussions “S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives?” (https://rouendanslarue.noblogs.org/files/2016/11/cycle-de-discussion.pdf) amorcé le 26 novembre dernier. Celle-ci traitait de l’héritage des luttes paysannes dans le Loire-Atlantique et de comment celui-ci se prolonge dans l’occupation de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes. Ce qui suit est une intervention de deux habitants de la zone. L’intervention, dense, est restituée en deux parties. Voici la première.
Introduction
L’idée de la présentation que l’on va faire, ce n’est pas de parler de la situation actuelle de la ZAD ni simplement du mouvement d’occupation, mais c’est d’essayer de comprendre l’histoire de lutte d’un territoire, l’héritage révolutionnaire dont il est chargé, comment cet héritage là s’est réactivé ou comment il se prolonge dans ce que l’on vit actuellement sur la ZAD et dans ce que l’on a vécu au printemps dernier à Nantes lors du mouvement contre la loi travail.
Le fil que l’on vous propose de suivre c’est le fil d’une idée, d’une forme de surgissement, d’une forme d’organisation politique, d’une manière de vivre, qui s’est déployée à plusieurs moments dans l’histoire locale, c’est l’idée de commune. C’est peut-être une idée, qui en ces temps de campagne, de ruines de la politique classique, une idée qui pourrait peut-être amorcée quelque chose de nouveau dans le mouvement. A la fois de nouveau et chargé d’histoire.
De là où l’on parle, de la ZAD, pour nous la commune c’est à la fois un héritage politique et un devenir révolutionnaire, une sorte d’horizon qui se dégage dans ce que l’on fait, dans ce qu’on élabore sur la ZAD et dans ce que l’on fait lorsque l’on se retrouve dans les rues à Nantes. On va essayer de faire des allers-retours entre l’héritage politique en Loire-Atlantique et les luttes actuelles.
Dans un premier temps on va parler de l’histoire des communaux sur la ZAD, c’est à dire du rapport qui préexistait à l’embocagement et à l’aménagement capitaliste du territoire, qui a en partie a façonné le paysage et une certaine manière de lutter. On va mettre ça en perspective avec des réflexions qu’il y a actuellement dans le mouvement sur la communisation des terres, l’occupation de 800 hectares de terres agricoles qui engagent un certain nombre de questions: occuper pour qui ? pour quoi faire ? qu’est ce qu’on en fait ? comment on habite la zone ?
Dans un deuxième temps (prochaine partie de la retranscription) on parlera de la commune mais non comme une chose extérieure, non comme une manière de se mettre hors du monde comme la commune féodale qui tient à distance le pouvoir en restant à la périphérie. La commune s’est aussi des moments offensifs, des moments insurrectionnels. A Nantes, le moment le plus fort qui a incarné cette forme de commune dans l’histoire récente, c’est mai 68 et ce qu’il a donné de très particulier à Nantes. Nous allons donc faire des allers-retours entre histoire des communaux, passé et présent à la ZAD, mai 68 à Nantes et ce que l’on a vécu au printemps dernier pendant la loi travail.
I) Une histoire du territoire à Notre-Dame-Des-Landes et ses alentours
Souvent l’imaginaire véhiculé autour de la lutte à la ZAD, c’est l’idée d’une lutte écologique qui serait là pour défendre la nature. En regardant bien le bocage qui nous environne, en se penchant sur son histoire et en commençant à l’habiter, on se rend compte que ce que l’on défend comme forme de vie, comme territoire sur la ZAD ce n’est pas un paysage naturel, sauvage, immuable, c’est un paysage qui a été façonné par la main de l’homme et un grand nombre de paysans.
Michel Tarin qui été une personne très importante dans la lutte sur la ZAD mais aussi en mai 68 à Nantes, qui est mort récemment, racontait à propos de la ZAD : « Quand mes arrières arrières grands-parents sont arrivés il n’y avait rien ici. C’étaient les landes. Après ces landes ont été pâturé par les communaux. Les fermiers de l’époque, les bourgs de la Paquelais, Treillière, NDDL, mettaient leurs animaux en estive l’été sur ces terres comme ça se fait en montagne. En 1840, 1850, les communaux ont été abandonné pour installer les exploitations agricoles. Ce sont les moines de Blain qui ont engagé le défrichage et la mise en place des exploitations entre 1830 et 1860. »
Il faut se figurer que le paysage que l’on voit actuellement sur la ZAD date de ce moment-là, de 1840. Avant c’était une lande complètement déclose, un espace complètement lisse, un territoire qui était voué à l’usage commun des habitants et paysans des bourgs alentours.
A chaque fois, la production de territoire c’est l’objet d’une guerre, d’une opposition entre les habitants et un pouvoir qui cherche à les contrôler. La genèse du bocage, que l’on appelle l’embocagement, correspond à un moment très précis dans l’histoire de France et donc de la Loire-Atlantique aussi : elle commence à partir de la fin des communaux. Les haies, foisonnantes sur la ZAD, sont d’abord une forme d’enclosure, un dispositif de délimitation et d’attribution de parcelles à des groupes ou des personnes en contrepartie d’une rente. C’est l’appropriation de la terre qui dessine les parcelles gémoétriques que l’on voit aujourd’hui sur la ZAD et qui va être dans les années 1950 altéré par le remembrement où là, il s’agira de refaire des grandes parcelles uniques liées à l’industrialisation de l’agriculture. Le bocage c’est un découpage et une segmentation de l’espace qui résulte d’une privatisation des communs.
L’un des actes originel de tout ça c’est le bornage. Dès 1830, on envoie des géomètres pour borner, délimiter quel bout de terrain va être attribué à qui et dessiner ainsi les parcelles. Face à ça, il y a une résistance car ce phénomène d’enclosure il commence par les terres les plus riches les plus arables les plus saines et va petit à petit s’étendre et faire reculer la lande au fur et à mesure que progresse le temps. Avant que la noblesse le clergé et le pouvoir économique ne cherchent à s’accaparer les communaux, il y avait des usages communs qui s’y déployaient : le parcours du troupeau, la veine pâture, la cueillette, la chasse, la pêche. L’absence de valorisation marchande de ces espaces là laissait le champ libre à un foisonnement d’activités non marchandes qui rendait possible le déploiement de la forme-de-vie paysan, celui qui répond à ses besoins, qui fait ses manches à outils, qui fait du paillage etc. C’était à l’époque ce qu’on appelait les terres vaines et vagues. Il faut se figurer qu’en Bretagne au XVIIIème siècle c’est une part énorme du territoire : 42,7 % de la superficie totale de la Bretagne est sous ce statut de terres vaines et vagues, sous ce statut de communaux. C’est le droit d’usage qui s’applique.
En Bretagne, dans le droit et en théorie à ce moment-là, ces terres appartiennent à des seigneurs. Par exemple à NDDL, elles appartiennent appartient à des seigneurs. Sauf que ces terres sont difficilement valorisables et les seigneurs « tolèrent » les usages communs des paysans. Mais cette tolérance est liée uniquement à un rapport de force qui est entretenu par les paysans eux-mêmes qui vont s’opposer très fort à l’embocagement en détruisant les haies, en détruisant les talus, en fomentant des coups contre l’embocagement. On a plein d’exemples : à Héric ils détruisent les talus, à Treillères en 1786, il y a un abbé du coin qui se met à la tête d’une grande révolte et qui va aussi abattre plein de talus. Cette combativité là paysanne va se déployer du XVIème à la fin XIXème siècle. A NDDL, le moment chaud ça va être entre 1830 et 1840, quand ils vont commencer à installer les exploitations et à défaire les landes.
Ce qui nous intéresse dans l’histoire des communaux c’est qu’elle permet de penser autrement une question que l’on se pose souvent dans les mouvement anti-aéroport c’est la question du communisme. On peut l’envisager non pas comme une idéologie, un régime, un système politique, un rapport de production, mais comme une façon de vivre, une façon de se rapporter au territoire et de l’utiliser en commun.
Et ça, ça va être attaqué par la révolution française car à ce moment là, ce qu’il va s’opérer, c’est le partage des communaux. Avant il y avait quelque chose qui était de l’ordre de la commune villageoise qui existait, qui avait pour but de tenir le pouvoir féodal à distance avec des arrangements : on signait des chartes, des droits d’exception etc. Cela va être attaqué par le partage des communaux. Au lieu que ce soit un noble qui s’accapare tous les communaux, on procède à un partage individuel. Ça va créé des divisions dans les villages. Le but de l’opération c’est que la commune villageoise en tant que forme d’organisation politique disparaisse et qu’il ne reste plus que les liens de groupe social, de système économique, d’échange, mais qu’il n’y ai plus de formes d’organisations politiques autonomes dans les villages. Ce partage exclue toutes les populations mouvantes. A NDDL, il va s’exercer à partir de 1793 et prendre corps concrètement un peu plus tard.
Cet héritage des luttes paysannes va se prolonger. Cette combativité de ceux qui attaquaient les talus et qui voulaient défendre l’usage commun des terres va se prolonger car après l’ère des communaux il y a l’ère du fermage qui est la mise en place d’un contrat entre le paysan et le fermier. Il va y avoir tout un tas de combats pour la défense du statut du fermage qui va se prolonger et qui va être très fort à partir des années 1960. Cette lutte va se renforcer car il y a un groupe de paysans, notamment autour de Bernard Lambert, qui s’appelle « paysans en lutte » et qui va essayer de remettre les paysans dans une forme de lutte révolutionnaire. Il faut savoir que dans l’imaginaire les paysans révolutionnaires c’étaient soit les versaillais, soit les chemises vertes en Loire-Atlantique qui sont des organisations paysannes contre le front populaire et qui manifestaient massivement en 36. Lui son point de départ et celui des « paysans en lutte » c’est qu’il y a une prolétarisation des paysans et que leur place, ce n’est pas comme la FNSEA le pense à savoir une place de chef d’entreprise, mais qu’ils doivent travailler et s’organiser avec les ouvriers. Ce sont aussi des paysans qui se sont impliqués fortement en 68. Ils vont aussi mener des occupations de fermes. Il y a quelques exemples comme à Lepellerin. Chaque fois qu’il y a un conflit entre le propriétaire et le fermier l’idée c’est de venir en nombre avec les paysans organisés, de se relayer dans les fermes pour assurer la défense face au propriétaire belliqueux et face à ce qui à l’époque s’appelait la FFA, une sorte d’organisation de paysans d’extrême droite au service des propriétaires. Ils vont faire plusieurs occupations.
Dans ces années-là, un paysan qui s’appelle Armand Mouillet est en conflit avec son propriétaire qui veut l’expulser pour mettre son fils à la place. Armand Mouillet va d’abord déployer tous les recours juridiques possibles pour retarder son expulsion et l’empêcher. Il va perdre à chaque fois ou obtenir quelques délais. A un moment ça va rendre le propriétaire fou et il décide avec une bande de la FFA de venir avec des tractopelles et de l’expulser manu-militari de cette ferme. A partir de là il y a une grosse bataille qui se déclenche et il y a un système de rondes. Tous les paysans du canton se relaient pour veiller à la ferme et la défendre. Ce qui est intéressant dans cette histoire là, c’est que tous les paysans de Loire-Atlantique se relaient et c’est là qu’une bonne partie de nos camarades paysans ont rencontré leurs compagnes, c’est là que beaucoup d’ouvriers de la CFDT et de la CGT viennent participer à cette lutte. Tout ce qui s’expérimente à ce moment-là dans les années 70 c’est quelque chose qui est resté très fort chez nos camarades paysans que l’on croise aujourd’hui sur la ZAD. Par exemple, quand il s’est agit d’ouvrir la ferme de Bellevue, le système de rondes par cantons qui tient un lieu s’est organisé sur le même principe. Il va y avoir des moments épiques en 77 au moment du jugement final où les flics viennent expulser la ferme. Beaucoup de paysans qui viennent à la ZAD ont ce souvenir-là : ils sont dans la boue dans un champs face aux flics avec un troupeau de vaches entre eux et les flics. Tout l’après midi, ils poussent les vaches sur les flics, ils courrent et mettent des coups de bâtons aux vaches et aux flics. C’est une espèce de bataille qui va durer des heures dans la boue dans laquelle s’illustrent des paysans que l’on croise encore aujourd’hui. Cette bataille là va s’achever par une défaite dans la mesure où les flics vont réussir à reprendre la ferme. Mouillet ne veut pas partir et veut rester coûte que coûte et avec d’autres paysans ils vont s’installer dans la forêt au bord de la ferme pour continuer à ennuyer le propriétaire jusqu’au bout et continuer à cultiver les terres. Cette solidarité, cette entraide, ce rapport au territoire, cette manière de défendre l’usage qu’il a de sa ferme contre son propriétaire qui veut la valoriser, c’est quelque chose qui est encore très important aujourd’hui dans l’imaginaire des paysans de NDDL. Armand va rester pendant des années dans sa ferme à vivre à côté de son propriétaire. Il est seul, il y a juste quelques groupes de paysans-travailleurs qui continuent à venir le voir, et au début des années 2000, Armand est mort car il était vieux, ou plus exactement il s’est fait piétiner par ses vaches, il marchait sur un vieux chemin boueux, il a glissé et il s’est fait marché dessus par son troupeau. Il est mort là d’où il a dit qu’il ne partirait jamais. Plein de paysans qui jusqu’au bout ont été faire des chantiers collectifs chez lui, et qui sont les mêmes qui nous ont aidé sur la construction du Sabot, qui nous ont aidé sur les installations et qui viennent encore aujourd’hui labourer les jardins avec nous et qui sont dans COPAIN (collectif de paysans en lutte contre l’aéroport de NDDL) pour une bonne partie d’entre eux, sont allés chez Mouillet récupérer le bois de sa cabane pour l’amener aux Planchettes sur la ZAD qui allait devenir en 2010 la cabane de résistance, le premier lieu d’organisation du mouvement, en se disant, au moins ce bois là servira à prolonger la lutte.
II) Héritage et mémoire des luttes dans le mouvement anti-aéroport
Comme l’histoire du territoire existe comme une sorte d’héritage dans la forme de composition qu’a pris le mouvement à NDDL depuis quelques années ? La question des terres et la question agricole qui s’est posée dans le mouvement elle ne commence pas tout à fait lorsque la cabane de résistance a été construite mais tout au début du projet en 1974 lorsqu’il y a le premier collectif, une association, qui se créé contre le projet d’aéroport qui s’appelle l’ADECA. Elle concerne tous les paysans impactés sur la surface du projet, qui ont leurs fermes ou des terres. Dès le début, les premiers arguments de cette association concerne la question du foncier et des terres, et surtout de leur usage par des paysans depuis des siècles. Dès le début la lutte démarre avec cette question là au cœur qui est la question des terres et de l’usage du territoire. Cette question connaît une accélération lorsque la ZAD naît et que la question d’habiter le territoire devient une des principales manière de lutter. Cette question a été réactivé et renforcé par la naissance de COPAIN, un collectif de paysans qui n’habitent pas sur la zone d’implantation du projet mais qui habitent autour et qui à un moment sont rentrés dans la lutte.
Le premier événement c’est au printemps 2011. Il y a une manifestation qui défriche un terrain pour installer un projet maraîcher, au Sabot, qui a été l’un des squats détruit pendant l’opération César. C’est le moment où dans le mouvement d’occupation il y a des projets agricoles qui commencent à arriver. Quelques mois plus tard il y a une tracto-vélo organisée par le mouvement qui va de NDDL à Paris, et c’est ce qui marque la naissance du collectif COPAIN. La ligne politique qu’ils adoptent lorsqu’ils arrivent dans la lutte, c’est la défense des paysans qui ont refusé de vendre leurs terres à Vinci et plus généralement la défense des terres nourricières comme ils les appellent, contre le projet d’aéroport. Ces deux événements précèdent l’opération César mais ils commencent à configurer un lien entre le monde paysan et le monde des occupants. Ce lien prend de l’ épaisseur et de la consistance pendant l’opération et plus précisément à la fin de l’opération lors de la défense du Rosier.
Le Rosier c’est une ferme occupée par des gens et il y a un processus de défense qui s’organise juste après la manif de réoccupation. Ce processus rassemble des paysans de COPAIN, les occupants de la ferme et d’autres occupants de la ZAD. Il faut imaginer la ferme qui est plus ou moins entourée de tracteurs avec sur les routes en amont des grosses barricades de foins, des pylônes en béton et des tranchées dans la route: ambiance opération César en 2012. A ce moment il se passe une semaine sans que la police n’intervienne et il y a une veille qui est organisée nuit et jour à la fois par les paysans des différents cantons et à la fois par les occupants qui restent tenir les barricades. Pendant cette semaine il se passe tout un tas de discussions notamment sur qu’est ce que pourrait devenir ce territoire si, à un moment donné, on gagnait et que le projet était abandonné ? Ces discussions aboutissent à la fin de la semaine par une intervention des flics qui interviennent et qui arrivent à détruire la ferme. Il se passe deux jours d’affrontements soutenus aux abords de la ferme et de la forêt de Roanne qui mettent un terme à l’opération César. Ce sont les deux derniers jours d’affrontement suivis par la mise en en place la commission de dialogue. A ce moment-là c’est un peu la naissance de ce que l’on a appelé par la suite « Sème ta ZAD », c’est à dire une assemblée qui réunit tous les projets agricoles qui sont sur la ZAD ou qui s’y installent, ainsi que le collectif COPAIN et les paysans de la zone qui ont refusé de vendre. C’est un espace de composition entre ces différents mondes. Forts de la victoire contre César, on se demande à ce moment-là comment on va utiliser ensemble ce territoire si le projet d’aéroport est abandonné et comment on va prolonger les liens que l’on a réussit à construire pendant ces semaines de barricades. Ce processus va se poursuivre dans les trois dernières années, il va donner notamment la prise de terres à des paysans qui ont vendu et un rapport de force va s’instaurer avec l’institution d’État locale qui est la chambre d’agriculture, qui elle fricote avec AGO (Aéroport Grand-Ouest) Vinci. A travers cet ensemble de prises de terres, il y a un nouveau processus qui va naître encore élargi à d’autres composantes du mouvement, qui va vraiment réfléchir sur la question de l’avenir et elle va d’abord le réfléchir à partir de l’usage des terres : qu’est ce qu’on fait des 1600 hectares que représentent la ZAD, qui sont propriété d’État, et que nous voulons récupérer si le projet est abandonné ?
Ce processus discute à la fois de l’usage des terres mais aussi de la question des cabanes, des différents pratiques d’habitation sur la zone, de la présence de la police etc. La question des terres nous paraît intéressante ici car il nous semble que dans le rapport de force qui a été instauré avec la chambre d’agriculture on peut y voir une manière particulière de destituer une institution d’État. Ce qu’il s’est passé, il y a d’abord le collectif COPAIN qui a demandé à ce qu’un espace de discussion soit créé entre les paysans impactés par le projet et les nouveaux occupants, notamment quand ils ont ouvert la ferme de Bellevue, et que cet espace soit celui depuis lequel tous les ans on puisse répartir les différentes parcelles à différents types de projets. Évidemment la chambre d’agriculture qui fonctionne avec Vinci n’avait aucun intérêt de permettre l’existence d’un un espace comme ça. En effet toutes les terres qui n’étaient plus utilisées et que l’État avait racheté, elle les distribuait aux paysans qui avaient accepté de vendre à Vinci avec des conventions précaires, donc à titre gratuit, renouvelables tous les ans, et ainsi créer une forme de division entre les paysans qui résistaient et ceux qui avaient vendu. Avec les paysans on a commencé par prendre différentes terres pour y faire des projets agricoles, pour des cultures collectives que l’on continue de mener ensemble. A partir de là ça a commencé a créé tout un tas de conflits entre des paysans à qui on prenait des terres et le mouvement d’occupation. La chambre d’agriculture a donc jugé utile d’ouvrir cet espace de discussion pour faire redescendre la tension où les uns commençaient à dire qu’ils allaient venir avec la FNSEA pour reprendre les terres. Nous on commençait à cultiver une parcelle en y plantant quelque chose, le paysan revenait et re-labourait ce que l’on avait semé, donc on finissait par mettre des carcasses de voitures aux entrées de la parcelle pour l’empêcher de rentrer avec son tracteur. Il y avait un niveau de tension qui montait. Donc ces réunions ont eu lieu et elles ont été organisé par la chambre d’agriculture sans nous inviter directement mais en sachant que l’on allait s’inviter tout seul. La configuration de la réunion c’étaient deux agents de la chambre d’agriculture qui venaient avec une grande carte avec tout le parcellaire de la ZAD. Et ils disaient voilà cette année il faut que l’on fasse la répartition et ils demandaient à chaque paysan où il voulait se mettre et puis sur les terres où il y avait des conflits l’idée c’était de discuter pour essayer d’apaiser les choses. Ce qu’on a fait à ce moment-là, plutôt que de rentrer dans le jeu de négociation, on est arrivé avec les paysans en lutte et on a posé une position ferme, en disant ces terres là (environ 220 hectares) vous les retirez de la répartition d’AGO Vinci, maintenant elles sont prises en charge par le mouvement. Donc ces terres sortent de votre carte. A ce moment-là, n’étant pas du tout en position de force, ils l’ont fait. Et c’est comme ça qu’a commencé le processus de récupérations de terres et puis l’énonciation politique qui l’a accompagné. L’énonciation politique a été discuté dans un texte en six points, synthétisant la position commune du mouvement concernant l’avenir sans aéroport. Il est dit que l’ensemble de terres qui sont dans l’emprise du projet, si le projet est abandonné, seront prises en charge par le mouvement et ne seront plus du tout gérées par l’institution d’État. C’est une position qui est adoptée par la totalité du mouvement. Donc ça c’est un exemple du questionnement sur l’avenir et de comment on arrive à arracher ces questions aux institutions. Ce processus et ce questionnement continuent autour des cabanes et des normes urbanistiques, autour des voiries, des fossés, des haies, enfin toutes les questions relatives au territoire.
C’est un peu un retour aux cahiers de doléance de Fay de Bretagne, un village du coin où ils disaient que l’on use de ces biens que par un commun consentement. C’est le commun qui décide de l’utilisation de ces biens et non une institution extérieure qui va nous dire comment on attribue telle ou telle terre, comment on va l’utiliser, quel usage a sa place ou pas. C’est le mouvement dans toutes ses composantes pour nous aujourd’hui qui doit trouver les formes d’auto-organisation pour déterminer ensemble les usages de ces terres, les nouvelles installations, qu’est ce qu’on fait du bois, des routes, qui cultive quoi et où ? Comment on essaye de résoudre ensemble des conflits d’usage sans avoir à passer par les institutions telles que la police ou la justice.
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Combattre un régime thermidorien – Retranscription

Nous retranscrivons ici sous forme d’article la discussion #2 du cycle de de discussions “S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives?” (https://rouendanslarue.noblogs.org/files/2016/11/cycle-de-discussion.pdf) amorcé le 26 novembre dernier. Celle-ci traitait du régime thermidorien et des luttes populaires pendant cette période et ce qui suit est une intervention de Deborah Cohen. Nous n’avons pu restituer le débat qui en a suivit mais nous nous enforcerons, au terme de ce cycle, d’en produire une systhèse.
La raison pour laquelle je voulais vous parler du régime thermidorien et de la période du Directoire, c’est que j’ai l’impression que ça correspond à la situation que l’on vit en ce moment. Donc l’idée c’est de faire des parallèles et de voir à quoi ça peut nous servir, voir les points communs qui peuvent nous inspirer.
I. Fin du robespierrisme, début du Directoire.
C’est quoi un régime thermidorien ? Au sens strict, Thermidor c’est la période qui s’ouvre après la fin de ce qu’on considère être le cœur chaud de la révolution, le 9 thermidor an II, c’est à dire le 17 juillet 1794. Ça vient juste après la période robespierriste, après la période du comité de salut public. Ce 9 thermidor les membres du comité et de la commune de Paris sont arrêtés et sont mis à mort. Ça clôt une période de sorte de dictature, appelée la terreur. C’est une période de répression des oppositions contre-révolutionnaires mais aussi des oppositions plébéiennes qui essayent d’inventer des formes d’autonomie politique à partir de la base. Elles sont réprimées avec toute la justification que l’on peut connaître en période de guerre : il faut une centralité, une cohérence nationale etc.
Au moment de la terreur, beaucoup de « révolutionnaires » initiaux défendent cette dictature. C’est en fait l’une des périodes qui a été le plus favorable au peuple. Il y a la constitution de 1793 qui n’a jamais été appliquée mais qui est une constitution démocratique, et il y a toute une série de mesures comme par exemple « le maximum des prix » qui permet à toute le monde d’accéder à la subsistance. Ces mesures sont prises sous la pression populaire, c’était pas forcément l’idée des gouvernants à ce moment-là. Cette période s’arrête donc avec la répression du 9 thermidor. A ce moment là, il n’y a personne pour défendre ce régime. Les sans-culottes ont été réprimés par ce même régime et donc ne sortent pas pour le défendre. Mais, malgré les coups qu’ils ont pris, le peuple parisien prend conscience de sa propre force dans cette période-là. C’est un élément important pour la période suivante. Il va rester une mémoire des luttes, et des luttes victorieuses. Ça pose la question de savoir comment est ce qu’un peuple se sent, qu’est ce qu’on peut faire ou pas faire en fonction de ça. Je ne sais pas comment on se sent aujourd’hui mais je n’ai pas l’impression que l’on se sente très forts. D’autant moins forts car l’on a des mouvements puissants qui ont été écrasé.
Thermidor c’est un régime réactionnaire au sens où ils veulent effacer ce qu’il y a eu avant et veulent créer une sorte de consensus de ce qu’ils appellent « les honnêtes gens », ceux qui veulent finir la révolution. On arrête de donner toute cette place à ces gens qui n’avaient rien à faire en politique. Des personnes qui avaient été mis de côté pendant l’an II sortent de prison et reprennent leur place. Il y a tout un cycle de vengeances, des vengeances individuelles des anciens leaders de l’an II sur des gens qui ont pris des fonctions publiques, le tout soutenu par le gouvernement. Le gouvernement de thermidor, de manière légale ou para légale, liquide le régime précédent. Il y a ce travail contre des personnes mais aussi un travail symbolique pour effacer ce qui a été fait et ça passe par des choses très concrètes. Par exemple il y avait des traces de brèches aux tuileries, car le 10 août on avait pris les tuileries, moment important qui fait chuter le roi. Le thermidor va reboucher les brèches et effacer l’événement. C’est le peuple qui avait fait l’histoire le 10 août. Il s’agit de renvoyer dans le néant politique la puissance populaire. Il s’agit de réécrire l’histoire. Aujourd’hui il y a pas mal de marques de la volonté d’en finir avec l’histoire des possibilités de révoltes. C’est important pour nous d’être attentifs à ça et de le contrer. Fillon tient à redorer le discours nationale, le reprendre en main, ça ressemble aux thermidoriens : réécrire l’histoire et gommer les luttes.
Thermidor c’est un moment de crise économique hyper aigu. C’est un moment de disette et de cherté des denrées. Il y a beaucoup de récits où des gens s’évanouissent dans la rue, les mères de famille pleurent. Et c’est un moment de montée en flèche des suicides. Les gens, aux XVIIIème sont en quelque sorte habitués à la pauvreté, mais comme aujourd’hui, il y a un écart énorme entre les riches et les pauvres, une croissance terrible dans les inégalités. Des tas de gens ont profité pendant la guerre et pendant la révolution. Par exemple, il y a deux circuits d’approvisionnement pour le pain. Un circuit qui est contrôlé, où il n’y a presque rien et les denrées chères, et un circuit libre, une sorte de marché noir. On a des scènes de colère dans ce marché. Il y a une colère face aux profiteurs qu’on a appelé la « jeunesse dorée », des muscadins qui ont échappé à la réquisition pendant la guerre et qui ont fait fortune. Ils se promènent dans Paris, musqués, et insultent à l’effort patriotique et à côté de ça il y a ceux qui ont participé à l’effort.
Face à ces inégalités, ce qui est dur en thermidor, c’est que le peuple n’est pas très solidaire. Il y a trop eu de divergences et de heurts au sein de la population, c’est un moment où l’on est pas unis et il y a beaucoup de dénonciations. C’est un moment où l’on trouve beaucoup de traces d’insultes entre les gens. Ceux qui essayent d’unir la population se font facilement refoulés. On a des traces des moments où les femmes vont chercher du pain (c’est souvent les femmes à ce moment-là qui s’occupent de ça) et certaines d’entre elles essayent d’unir toutes les femmes qui sont là, en disant que c’est une misère ce que l’on nous donne, qu’il faut refuser ensemble. Mais elles n’y arrivent pas et elles se retrouvent seules. C’est ce qui fait le désespoir des gens. Chacun joue sa partie. Comment dans cet état des choses des gens ont décidé de combattre le régime ? Comment ont-ils réussi à organiser une réponse collective ?
II.Combattre le régime
1.Émeutes de germinal prairial
Il y a un premier moment d’insurrection lorsque la loi dite de grande police est votée, le 21 mars 1795. Elle est écrite par Sieyès. C’est une loi qui édicte la peine de mort contre les manifestants qui menaceraient la convention nationale, qui insulteraient les députés ou proféreraient des cris séditieux. C’est une sorte d’état d’urgence. En plus ils distribuent des fusils aux « bons citoyens ». C’est notre état d’urgence un cran au-dessus. C’est dans la foulée de cette loi liberticide que les sans-culottes vont reprendre une partie du contrôle, comme si là c’était trop. Il y a deux émeutes que l’on appelle les émeutes de germinal prairial. L’une c’est le 12 germinal an III, au printemps, et l’autre c’est le premier prairial, donc le 20 mai suivant. Ier avril 1795 et 20 mai 1795. C’est des mouvements pas du tout organisés, il n’y pas de centres d’impulsion ni de leaders. Il y a plein d’endroits d’où ça part : c’est à la fois dans les faubourgs, dans les rues de Paris et à la Convention. Les gens se suivent instinctivement jusqu’à la Convention. Il y a eu des discours mais rien de vraiment organisé. Les gens qui ont fait circuler des discours, notamment Brutus Magnet, disent que la Convention nationale ne nous représente plus et qu’il faut leur faire sentir que la vraie souveraineté c’est le peuple, et que eux, les gens de la Convention, ils vont reconnaître que ce ne sont que de simples représentants et qu’une fois que le peuple est là ils vont se retirer. Les gens qui ont en quelque sorte « appelé » à l’insurrection se disent que cette force du peuple, cette souveraineté va pouvoir être reconnu, et ils arrivent avec cette croyance. Ils arrivent et ne sont pas forcément préparé à la violence. Ils viennent réaffirmer la souveraineté du peuple et faire cesser la délégation de souveraineté avec cette défiance vis à vis des députés. C’est un peu similaire à la situation dans laquelle on se trouve. Au printemps il y avait le sentiment que l’on avait une classe politique qui ne nous représentait plus, et qu’il fallait faire entendre la voix du vrai souverain, le peuple qui était en train de débattre ailleurs qu’à l’assemblée. Sauf qu’en germinal et en prairial ils sont allés jusqu’à la convention, jusqu’à l’assemblée nationale. Ils l’envahissent, des hommes des femmes des enfants. Ils demandent du pain et la constitution de 1793. Ils demandent un retour à ce qu’on a fait en l’an II. Ils ne le demandent pas tellement parce que c’est leur idéal politique, parce justement, quand ce régime est tombé, ils ne l’ont pas défendu, ils ne se disent pas que c’est l’idéal et que c’est ça qu’il nous faut. C’est juste que dans la situation où ils sont à ce moment-là, c’est ce qu’il leur paraît mieux. Cette constitution de 1793 n’a jamais été appliqué, elle est vierge de tâches, elle reste comme quelque chose qui est à inventer. Ils demandent de la mettre en œuvre. Mais ils ne vont pas se faire entendre. Au cours de la première émeute, ils se font chasser, et la deuxième fois, c’est plus violent, c’est plus confus. Dans l’assemblée un député a la tête tranché. Et ça va rester dans l’imaginaire. Le régime va l’utiliser pour insister sur la « bestialité » du peuple. Mais en l’an II, la guillotine coupe des têtes. Donc d’un un sens ce geste peut être lu comme la reprise en main de la souveraineté par le peuple. Après les gens n’ont pas particulièrement défendu cet acte. La personne qui a fait ça, une fois arrêtée le reconnaît en disant que « malheureusement » c’était lui. Ce « malheureusement » est difficile à interpréter, peut-être espérait-il que ce soit quelqu’un d’autre, ou bien espérait-il ne pas avoir besoin d’avoir recours à une telle violence. Dans l’assemblée il y avait la volonté de porter une parole mais le peuple n’a pas réussi à se faire entendre.
Partout à tous moments il vont retenir la violence. En dehors de l’assemblée, un moment la garde nationale marche sur la foule, celle-ci se disperse. Un général revient et est entouré par la foule, il tombe de son cheval et le peuple ne lui fait rien. Il repart et n’en revient pas, il pensait que sa dernière heure était venue. Le lendemain, le moment de l’énorme répression, on envoie les troupes dans les faubourgs, et il y a des moments où les faubouriens encerclent les militaires. Ils disposent de canons, mais ils ne leur font rien. L’émeute, la violence, c’est pas du tout un désir. Ce qui est souhaité, c’est l’instauration d’un dialogue avec les représentants pour réinstaurer la souveraineté populaire. Mais ça ne marche pas. L’émeute ne pousse jamais son avantage et ne reste rien d’autre qu’un gros cri de colère. Et aussi avant l’émeute, ils avaient fait parvenir des tonnes de pétitions, qui n’avaient pas marché non plus.
Les conséquences de ces émeutes c’est une énorme répression opérée par des commissions militaires. Encore une fois on sort de l’état de droit ordinaire et il y a une dizaine de condamnations à mort. Presque 40. Des peines de prison, des déportations, le désarmement des sans-culottes. La différence avec aujourd’hui c’est que tout le monde a des armes. On interdit aussi les rassemblements de plus de cinq femmes. Elles sont vraiment perçue comme objets de danger. Les différentes sections de Paris, les différents quartiers organisés politiquement, ceux qui vont être le plus touchés par la répression c’est ceux où les sans-culottes et les militants sont minoritaires. Dans ces sections-là ils sont dénoncés par des habitants. Dans les sections où ils sont forts et nombreux, ils arrivent à tenir. Quand ils sont bien homogènes ils arrivent à faire bloc face à la police. A partir de ventôse (l’automne), toutes les réunions populaires vont être interdites. Le peuple est complètement assommé. C’est après ces émeutes que les suicides sont les plus nombreux. Ils prennent un sens collectif et politique. Ils ont un caractère public. C’est une sorte de malaise dans la population qui n’arrive pas à trouver un exutoire politique. D’ailleurs il n’y aura plus de grandes révoltes populaires jusque dans les années 1830.
1.1 La Conjuration des Égaux
Au fond les révolutionnaires sont dans un état que l’on pourrait qualifier de dépressif. Ils n’arrivent pas à se projeter dans l’avenir. Et les militants démocrates vont essayer dans les années suivantes de redonner confiance au peuple dans sa force. Quelques figures comme Buonarroti sentent qu’il manque une sorte de principe moteur pour réenclencher l’histoire.
Les thermidoriens rédigent une nouvelle constitution car on s’est débarrassé de la demande de constitution de 1793. C’est une constitution républicaine, c’est elle qui fonde le directoire. Elle date d’août 1795. C’est un suffrage à deux degrés. Déjà tout le monde n’est pas citoyen. Ceux qui sont citoyens élisent des grands électeurs, c’est eux qui votent. Il y en a 30 000 pour toute la France. Ni les pauvres ni les femmes ne sont citoyennes. Ils avaient prévu que quelques années plus tard, pour être citoyen, il aurait fallu savoir lire et écrire.
Ce régime républicain a tout un arsenal de mesures d’exception possibles. On peut faire des visites domiciliaires, on peut suspendre la liberté de la presse, on peut détenir des individus sans contrôles judiciaires pendant deux jours si ils sont soupçonnés de conspirer contre la république. Les commission militaires utilisés contre les émeutes restent en place. Dans cette constitution il n’y a rien qui ne sépare le pouvoir civile du pouvoir militaire. Face à cette situation, il y a des gens qui tentent et continuent de se réunir, et en novembre 1795, à l’automne après les émeutes, on fonde un club qui s’appelle club du Panthéon ou connu aussi sous le nom de réunion des amis de la république. A ce moment-là, ça ne veut pas dire la même chose qu’aujourd’hui que d’être ami de la république. Dans cette situation là c’est toujours provocateur. Leur référence c’est la constitution de 1793 bien qu’ils aient connu la répression de la terreur de l’an II. Ce ne sont pas des robespierristes. Ce n’est pas un mouvement de masse, ce sont quelques milliers de personnes.
Ils ont deux stratégies. Il y a celle de Babeuf. Il veut redonner au peuple le sentiment de sa puissance. Il y a cette sorte d’engourdissement car ils se sont pris un gros coup sur la tête et surtout il y a tout un discours de thermidor et du directoire qui dit maintenant c’est fini, la révolution c’est fini, il y a un consensus et la paix. Lui il veut reconquérir la supériorité de puissance du peuple. Il veut rappeler que le régime qui est en place il n’y a pas que celui-ci qui est possible. Il dit ce régime dans lequel on est c’est la suite d’un processus et qu’il y a plein de raisons qui nous ont mené là. Il y a eu un avant et il y aura un après. Il souhaite maintenir le désir de faire autre chose : « Il ne faut pas oublier le lendemain le chaînon que l’on a voulu vous forger la veille ».
Contre cet oubli il ravive sans cesse la mémoire, la mémoire de ce que le peuple a été capable, et qu’il en est encore capable. On peut sortir de ce présent éternel que veulent nous imposer les thermidoriens et directoriens. Aujourd’hui aussi on essaye de nous faire croire que c’est la fin de l’Histoire, qu’il n’y a pas d’alternatives. Donc lui il veut rappeler au peuple sa puissance face à ce régime qui justement la dénie : « Je vais vous remettre sous les yeux l’esquisse des choses sublimes que vous avez faites. Elles vous appartiennent. Je les ferai sortir d’un criminel oubli. » Il dit toujours qu’il faut regarder en arrière pour sortir du présent, pas pour se faire des cours d’histoire : le passé comme figure du possible. Pour réveiller cette puissance du peuple, Babeuf choisit un angle qui est celui de la figure du tribun, le tribun du peuple (son journal). C’est une figure antique, c’était une institution chargée de défendre le peuple. Ce n’est pas une figure du complot, ni une figure de l’ombre. Buonarroti, qui a lutté avec lui, a écrit après la mort de Babeuf sur la conjuration des égaux. Il dit que celle-ci combattait avec la force de la vérité : « Loin de travailler dans l’ombre comme les conspirateurs criminels, le directoire secret n’attendait le succès de son entreprise que le progrès de la raison publique et de l’éclat de la vérité. Ce n’était pas à l’aide d’une poignée de factieux ameutés par l’appât du gain ou par un fanatisme insensé que le directoire secret prétendait renverser le gouvernement usurpateur, il ne voulait employer d’autres mobiles que la force de la vérité. Une exposition franche et entière des droits du peuple et des crimes de ses oppresseurs étaient le seul moyen par lequel il entendait soulever contre la tyrannie la masse des parisiens. » Babeuf essaye de redonner au peuple l’idée de sa force, il dit qu’au moment où le peuple sera prêt, on donnera le signal de l’insurrection. Mais le peuple est complètement assommé, la plupart des leaders, ou en tous cas la plupart des gens qui s’étaient bougés, sont emprisonnés et les autres dissuadés. De plus, les idées que Babeuf développent dans son journal, c’est assez nouveau et ça ne marche pas trop. Il y a toute cette idée d’une communauté des biens, et jamais on a parlé de ça avant. Le modèle que les gens ont en tête c’est plutôt un modèle d’égalité entre petites propriétés, mais l’idée de mise en commun, que tout le monde apporte au magasin commun tout ce qu’il produit, ça ne marche pas trop.
A côté de Babeuf il y a ceux qui se disent démocrates et qui se reconnaissent plutôt en la figure d’Antonnelle, qui à cette époque est aussi connu que Babeuf. Il a un journal qui s’appelle le journal des hommes libres. Son programme c’est la défense de la constitution de 1793 et ça marche mieux. Mais on ne sait pas trop ce que c’est la constitution de 1793 puisqu’elle n’a jamais été appliquée, du coup on peut s’y projeter un peu comme on veut. Plus près de lui il y a des gens comme Drouet (celui qui a reconnu et fait arrêté Louis XVI lorsqu’il passait par Varenne. Il vivait dans son trou et a été projeté dans l’aventure révolutionnaire après cet événement), Lepelletier, et d’autres. Babeuf et Antonnelle luttent pied à pied pour définir ce que serait la bonne politique. La question c’est de savoir ce que c’est l’égalité. Antonnelle va parler plutôt d’égalité civile alors que Babeuf va parler plutôt d’égalité économique et de supprimer la propriété particulière. Antonnelle se dit que pour en sortir, il va falloir faire une alliance avec d’autres gens, y compris avec des gens qui sont proches du gouvernement. Babeuf dit non, jamais. Ils débattent dans leurs journaux sans s’attaquer directement, mais Babeuf va montrer que Antonnelle ne va jamais au bout de son système. S’il est pour l’égalité civile il est obligé d’aller jusqu’à l’égalité réelle et donc de ne faire aucun compromis avec des membres du directoire.
Ils avaient un projet d’insurrection malgré tout, mais ils n’étaient pas d’accord sur le moment où il fallait le faire. Finalement cette histoire se finit mal car le mouvement est inflitré par un certain Grisel. Tout le monde n’est pas arrêté car ils avaient relativement bien protégé leur conjuration mais Babeuf lors du procès, maintient l’idée que ce qu’il faut faire, c’est prévenir le peuple et être dans la transparence. Il faut porter un discours révolutionnaire et montrer que l’on est fort. Mais il veut tellement montrer qu’il est fort qu’il dévoile tout le réseau, il dévoile toutes ses idées et ne se défend pas du tout au procès. Il dit qu’ils étaient sur le point de les renverser, de leur faire la peau etc. Mais c’est finalement à lui que l’on fait la peau : il est mis à mort en février 1797. Antonnelle va utiliser une autre méthode et il se fera appeler l’hermite. Il ne veut rien dire, ne pas vendre la mèche, il protège l’avenir et la possibilité d’intervenir encore. Il dit au procès que c’est le directoire qui monte toute cette affaire, qui invente l’existence d’une conjuration alors qu’ils étaient seulement quelques personnes à discuter. Le peuple est endormi et les conditions ne sont pas réunies. Antonnelle est acquitté. Ce n’est pas un lâche, c’est un choix politique. A court terme il va maintenir une opposition de gauche dans les institutions politiques du directoire. Les démocrates font des progrès dans la capitale. Il y a des élections en avril 1798, ces démocrates vont gagner les élections. Le directoire fait un coup d’État le 22 floréal an VI (mai 1798). Ils n’acceptent pas le résultat des élections, ils passent outre et l’ensemble des gens qui se réunissaient dans un club qui s’appelait le club du manèges, le club des démocrates, est interdit et ils passent dans la clandestinité. Au bout du compte ils n’ont pas forcément plus réussi que Babeuf.
Qu’est qu’il reste ? Ces deux tactiques ont toutes deux contribué à maintenir une force populaire vivante. Autour de Babeuf, il y a tout un mythe qui s’est créé autour de sa personne, notamment porté par Bunarroti. Il va irriguer tout le socialisme du XIXème même s’il s’est fait liquidé rapidement par le directoire. Cette attitude suicidaire a maintenu quelque chose de fort à long terme dans l’histoire. Puis l’attitude d’Antonnelle a permis à court terme de maintenir des petites choses, que les gens de cette génération là ne perdent pas totalement le courage. C’est un peu les deux options du socialisme du XIXème siècle : l’option réformiste qui joue le jeu des institutions ou l’option révolutionnaire.
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A la lisière du bocage

En préambule de la troisième discussion du cycle « S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives? » (qui aura lieu le jeudi 15 décembre à 18h Salle L101 Bâtiment Lavoisier à la fac de Mt Saint Aignan), des habitants de la ZAD de NDDL nous font parvenir ce texte : a-la-lisiere-du-bocage

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Processus révolutionnaires au Rojava – Retranscription

Nous retranscrivons ici sous forme d’article la discussion #1 du cycle de de discussions “S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives?” (https://rouendanslarue.noblogs.org/files/2016/11/cycle-de-discussion.pdf) amorcé le 26 novembre dernier. Celle-ci traitait des processus révolutionnaires au Rojava et ce qui suit est une intervention de Raphael Lebrujah. Nous n’avons pu restituer le débat qui en a suivit mais nous nous enforcerons, au terme de ce cycle, d’en produire une systhèse.
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Je me présente, je suis Raphael Lebrujah. Je suis allé au Rojava, la partie kurde de Syrie, au Nord, qui est tenu par les YPG et YPJ qui ont fait la une des médias pendant la bataille de Kobane. Je suis allé à Kobane entre autres mais j’ai voyagé dans une dizaine de villes là bas. Mon but c’était d’étudier le système politique, la situation humanitaire et militaire, pour mieux comprendre les enjeux. C’est un sujet très complexe car la situation géopolitique en Syrie est elle-même très complexe.

Je vais aborder d’abord l’historique du PKK (parti des travailleurs kurdes) en Turquie et aussi en Syrie via le PYD. Ce dernier est évidemment très influencé par l’idéologie du PKK : le confédéralisme démocratique. Et ensuite on va voir pratiquement, comment ça c’est fait sur le terrain, comment ça c’est mis en place, où ils en sont, qu’est ce qu’on prendre pour nous, comment les soutenir ?

I. Historique et contextualisation

I.1. Le peuple kurde

Le Kurdistan est une région qui se situe au confluent de quatre pays : l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Ces pays sont peuplés d’un certain nombre de kurdes qui représentent entre 10 et 20 % en fonction des pays pour un total de 40 millions de kurdes dans le monde entier. On dit souvent que la cinquième partie du Kurdistan c’est la diaspora, les gens qui sont venus en Europe et qui jouent un rôle important dans la lutte bien que différent. C’est un peuple qui n’a pas d’État. Les kurdes ont été fortement oppressé par tous les régimes. En Turquie, dans les années 90 l’armée à rasé 3 à 4000 villages, exterminé des régions entières et a pratiqué une répression linguistique et culturelle très violente pour les empêcher de parler leur langue. En Syrie, si vous parliez votre langue vous perdiez votre nationalité. Il y a 3 à 400 000 kurdes en Syrie qui n’avaient pas la nationalité syrienne ce qui leur empêchait l’accès au travail et à la santé. En Irak, ça va être encore plus violent où Sadam Hussein en 88 lance l’opération Anfal qui va faire 180 000 morts par gazage et avec des pratiques très proches du régime nazi. Des méthodes d’extermination systématique par armes chimiques, une répression extrêmement sanglante ainsi que des déportations. En Iran c’est un peu différent car les perses et les kurdes sont un peu cousins, là les kurdes sont plutôt réduits à une sous-culture. Les soulèvements sont réprimés violemment et de nombreux kurdes sont pendus.

I.2. Formation du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)

Le PKK (parti des travailleurs kurdes) est fondé par des kurdes de Turquie et quelques turcs. Les membres étaient des marxistes-léninistes tiers-mondistes dans le sens classique du terme. Il s’agissait à la base d’établir un État kurde indépendant. Or aujourd’hui ils n’en sont plus à vouloir créer un État. C’est une évolution qui ne ressemble pas à celle d’un mouvement de libération nationale classique. Dans les années 90, années noires de la répression du PKK en Turquie faisant des milliers de morts (la Turquie étant très bien placée mondialement en termes de torture), il va y avoir une remise en cause profonde du PKK. La chute du mur a montré que les dictatures type « bloc de l’est » se sont écroulés et on a assisté à l’échec du socialisme d’État. C’est un premier choc qui arrive jusqu’au PKK. Le deuxième choc c’est que la lutte armée des kurdes en Turquie vire à un énorme bain de sang généralisé. Ils se disent qu’il faut réinventer les méthodes et dès 95, Abdullah Ocalan, le leader du PKK commence à envoyer des lettres de discussion dans la direction pour indiquer que l’État-nation, donc l’idée d’État liée à une identité, c’est un des problèmes qu’il faut aborder et dont il faut discuter. Mais pas seulement, ils vont aborder la question des femmes par exemple, qui va devenir centrale. Dès 92, les femmes vont prendre leur autonomie dans le mouvement de la guérilla kurde notamment via la figure Sakine Cansiz. C’est une femme kurde d’origine alévis, qui a beaucoup contribué au mouvement des femmes et notamment en fondant une armée autonome. Les femmes ont pris une telle autonomie au PKK jusqu’en 95, on dit même que c’est un parti indépendant au sein du PKK. Elles lancent par exemple leurs propres opérations militaires, elles ont leurs propres modes d’action, leurs propres réunions en non-mixité, leur propre organisation sans que les hommes donnent leur ligne de vue sur ce qu’elles doivent faire.

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I.3. Le confédéralisme démocratique

Il y a donc une réflexion qui s’engage au sein du parti. En 99, donc 4 ans plus tard, après différents épisodes de cessé-le-feu puis de reprises du conflit avec l’armée turque, Abdullah Ocalan se fait capturer en janvier de cette même année. Il se fait arrêter avec l’aide des services secrets kenyans, le Mossad, la CIA et le MIT (services secrets turques). Tout le monde était un peu sur lui et c’est un grand drame pour le mouvement kurde. Ils vont tenter de le libérer mais ça ne va pas marcher. Il est enfermé sur l’île prison d’Imrali dans laquelle il est toujours aujourd’hui. Il était seul prisonnier sur toute l’île et il y avait mille soldats pour le garder. On estime que le coût d’incarcération était de 70 000 dollars. Le prisonnier le plus cher au monde. En prison il va se recentrer sur ses écrits et va notamment rencontrer un auteur : Murray Bookchin. C’est un anarchiste américain, issu de Brooklyn, un sociologue. C’est un penseur de ce qu’on appelle le municipalisme libertaire. Dans ce concept il aborde la question de la destruction des États-nations par une démocratie directe locale, inspiré des communes, qui viendraient remplacer les cadres d’organisation étatiques. Vous allez me dire que c’est un classique du communisme que mettre des commune et de dire que c’est elles qui vont gouverner. Sauf que la différence fondamentale, c’est que Bookchin critique les soulèvements qu’il les nomme « les printemps des peuples ». Selon lui, on se réunit, on se révolte, parfois on gagne, parfois on perd, des fois on renverse des gouvernements mais au fond ces printemps ne sont que temporaires. Une fois terminée, les modes d’organisation démocratiques qui organisent les gens pendant ces modes d’action, disparaissent. Avec Bookchin il y a l’idée qu’il faut dès aujourd’hui construire partout, dans les quartiers, les structures d’auto-organisation qui n’est pas un parti et qui demain prendront les affaires en main, par l’auto-organisation des peuples. A partir de ce moment là , il y a l’idée qu’il faut déjà se réunir en assemblées dans les villages, dans les villes, sans attendre l’État ou la révolution et que l’on prenne nos affaires en charge.

Sous cette influence, le PKK va mettre en place tout un système et le confédéralisme démocratique sera adopté dans l’idéologie en 2005, bien qu’il était déjà appliqué quelques années auparavant. L’idée est de mettre en place les communes dès aujourd’hui sans attendre la révolution.

Bookchin c’est aussi un penseur de la hiérarchie. Il critique violemment les systèmes hiérarchiques. Il fait une histoire de comment émergent les sociétés hiérarchiques. Chez les kurdes, ça a pris un aspect intéressant avec un retour, en partie, aux modes de fonctionnement antérieurs à la société d’oppression. Ocalan mettra l’accent sur la question des femmes. On n’est plus seulement dans l’optique de lutter contre le capitalisme, bien que cette dimension soit très forte au sein du PKK et du PYD, mais on est dans une optique où la création des oppressions c’est le moment où l’on a créé le genre masculin et féminin, ce qu’ils appellent la rupture des genres. Les femmes doivent se ressaisir de la société, elles doivent être à l’initiative du changement social et des politiques à mener. Le mouvement des femmes doit se réapproprier, par son auto-organisation, les savoirs qui lui ont été enlevé. Les hommes passent beaucoup plus de temps en formation au cours de leur vie que les femmes, ces dernières étant reléguées aux tâches ménagères. Il fut un temps où au sein des congrès du PKK, ils inversaient les rôles : c’était les hommes qui allaient faire la vaisselle et les femmes qui discutaient pendant ce temps-là. Tant que dans la société telle qu’elle existe aujourd’hui les femmes ne sont pas libres, la société ne pourra pas l’être. Les femmes sont au centre du changement et du destin révolutionnaire.

Le confédéralisme démocratique, c’est très large. Il y a aussi une réflexion sur les minorités.

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Et l’une des discussions centrale, c’est l’État. Pour le PKK, toutes les luttes de libération nationale ont échoué parce qu’elles ont débouché sur des États liés à des identités. Par exemple en Algérie, une fois que les troupes de colonisation françaises ont été chassé, l’une des premières décisions de l’État algérien ça a été de réprimer les amazigh, c’est à dire les berbères. Ils ont interdit leur langue. Et cela s’est produit car l’État était lié à une identité arabe. Ils ont répété le colonialisme dans leur propre pays après l’avoir combattu en chassant la France. Mais en France c’est la même chose avec le concept de « français », qu’est ce que le bon « français » ? Il mange du cochon et il boit du vin ? Il y a une obsession d’instaurer une identité dominante contre d’autres identités à travers l’État. Si on veut un échantillon de l’identité française il suffit de regarder l’assemblée nationale, on a majoritairement des hommes, blancs, diplômés dans les hautes études, issus de milieu urbain favorisé, avec le réseau social qui va avec. La classe dominante s’appuie sur ces identités fabriquées de toutes pièces pour l’imposer au reste de la population pour mieux l’asservir. Les kurdes ont subi pendant toute l’histoire moderne la négation de leur identité. Ils ont pensé qu’en créant un État kurde, ils répéteraient les mêmes choses. Mais à partir de là, qu’est ce qu’on créé, qu’est ce qu’on construit ?

C’est là que le confédéralisme intervient dont la logique principale est que les premiers concernés décident. Il y a quelques années en Turquie, les kurdes, en appliquant cette politique là, prennent le contrôle de nombreuses mairies, dissolvent l’ancien ordre communal, élisent un co-maire et une co-maire. Le nouveau pouvoir local ce sont les conseils de quartier qui sont mis en place, les conseils de femmes s’il s’agit des femmes.

II. Processus révolutionnaires au Rojava

II.1. Insurrection syrienne

Le mouvement d’autonomie des villes et villages montent et en 2011 éclate en Syrie une insurrection, dans le sillage des printemps arabes. Les kurdes participent beaucoup aux manifestations contre le régime Al-Assad qu’ils haïssent profondément. Le PYD (branche du PKK syrien pour le dire vite) avait déjà constitué en secret des branches armés, les YPG et YPJ, prêtent à bondir. Ils avaient déjà formés des conseils de quartier et commencé une structuration de démocratie directe à différents endroits avant le début de l’insurrection. Le PYD refuse de prendre les armes contre le régime, en 2011, car si ils si disent que s’ils prennent les armes, ce sont les puissances étrangères qui vont prendre en main le conflit. Ils ne se sont pas trompés car quand plus tard les syriens ont demandé des armes pour combattre le régime, c’est la Turquie et la Jordanie qui les leur ont fourni, donc derrière la CIA, le Qatar etc. En échange, les groupes armés doivent mener des politiques qui correspondent à ces puissances, à savoir l’islamisme. La rébellion est devenue très religieuse alors qu’elle ne l’était pas initialement, qu’elle était formée de comités de quartiers, qui n’existent plus que dans la partie kurde à l’heure d’aujourd’hui.

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Donc dans ce cadre là, le PYD refuse de prendre les armes de peur que le conflit soit instrumentalisé et continue la méthode pacifique via les manifestations contre le régime de Bachar. En 2012, l’État syrien est en plein écroulement, le régime Baasiste décide de lâcher la pression sur les régions kurdes et se retire probablement avec un accord négocié à l’avance. La guérilla du PKK investit les trois cantons kurdes de Syrie (Jazira, Afrin et Kobané) ainsi qu’un quartier d’Alep. L’État se retire et la société se restructure au sein d’une guerre civile.

Au début il n’y avait pas de combats entres les kurdes et les rebelles arabes syriens. Il y avait eu quelques combats avec le régime mais qui n’étaient pas très intenses puisqu’il avait choisi délibérément de se replier. Dans les territoires kurdes, le PYD commence à légitimer ses assemblées locales qui n’étaient qu’à un stade embryonnaire auparavant, et le phénomène devient massif.

En 2013 éclate un conflit très fort entre le PKK en Syrie et la rébellion à majorité arabe sunnite. Al-Qaïda, via sa branche syrienne Front Al-Nosra, a agressé un bataillon de femmes combattantes kurdes, les YPJ, car elles ne portaient pas le voile. Sur cette base là, tous les mouvements islamistes de Syrie s’allient avec Al-Nosra pour combattre les kurdes. Ces bataillons se retrouvent financer par la Turquie car elle souhaite empêcher l’apparition d’une région autonome kurde en Syrie. Il y a aussi la majorité de l’armée syrienne libre (ASL) qui rejoint le combat contre les kurdes car ils les considèrent comme des « coufars », des « mécréants » et il faut donc s’en débarrasser. Il y a tout un front qui se forme contre eux. S’il n’y avait pas eu la guérilla menée par les YPG et YPJ ça aurait été un massacre contre la population kurde. Ils infligent de nombreuses défaites à tous ces groupes soutenus par les puissances impérialistes et arrivent à tenir les régions. A ce moment là, la France dans ne comprend pas ce qu’il se passe sur le terrain et fournie des armes à des bataillons de l’ASL pour combattre le régime, mais indirectement ces armes ont servi à combattre les kurdes.

En 2013 les kurdes survivent à ces batailles, l’ASL se retire ainsi que certains courants islamistes. Seuls deux de ces courants restent : Daesh et le front Al-Nosra, deux courants djihadistes qui à cette époque se battaient côte à côte contre le régime et contre les « coufars communistes » que sont les kurdes. En juin Daesh proclame son khalifat à Mossoul (Irak), il prend le contrôle d’une grande partie des zones rebelles de l’Est syrien. La Turquie s’est retrouvé un peu derrière tout ça car elle déteste le régime Irakien et ça ne l’a pas dérangé de financer des mouvements djihadistes qui se battaient contre lui. De plus, les plus efficaces contre les kurdes c’était Daesh, et ça c’était quelque chose de très précieux pour la Turquie. C’était un allié de poids sur le terrain pour mettre fin à la révolution. Daesh c’est une sorte de mouvement fasciste qui a pour but d’écraser toute forme de vie et d’organisation qui lui est étrangère. Une partie des bataillons djihadistes de l’ASL rejoignent à ce moment là Daesh et forment une armée monstrueuse. Ils décident alors d’attaquer Kaboné. On en a fortement entendu parlé : une lutte héroïque des kurdes qui infligent une défaite à l’État islamique. Cette victoire a été favorisé par un accord de circonstance avec les américains pour la lutte contre Daesh, les kurdes étant les seuls sur le terrain qui le combattent.

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II.2 Mise en pratique du confédéralisme démocratique

J’arrive au Rojava un an après la bataille de Kobané environ et c’est à ce moment-là que je découvre le paysage syrien. Les cantons d’Afrin et Kobané avaient été reliés. Et moi je viens avec l’envie de chercher à savoir comment en mis en place le confédéralisme démocratique. Ce qui m’intéressait c’était de comparer qu’est ce qui était proposé dans leur approche et qu’est ce que je pouvais voir sur le terrain, qu’est ce que je pouvais constater. J’ai voyagé dans une dizaine de villes du Rojava. On a rencontré des gens localement, non élus, autant que des responsables de quartier dans les localités, des responsables de commissions (des gens spécialisés sur des questions précises, comme la santé par exemple). Ces responsables de commission sont mis en place par le Tefdem (mouvement élu des conseils) qui met en place les gens chargés de missions particulières par commission.

La première image qui me marque le lendemain de mon arrivée, après le passage de frontière avec le PYD, je vois des types en Kalachnikov devant la maison j’étais hébergé, et ils jouaient avec des gamins du quartier au ballon. Ces gars armés c’était des « asahiches », l’équivalent de police au Rojava. C’était des gens qui avaient grandi là avec les autres, qui étaient formés à la désescalade du conflit, ils n’étaient pas là pour réprimer mais pour concilier. Il n’y a pas de séparation stricte entre la population et l’équivalent de sa police. Le lendemain on va à ce qui pourrait être l’équivalent du ministère de la santé et là je constate que pas grand monde y travaille et la co-responsable de la commission santé nous explique qu’elle a juste une autorité de coordination et de porte-parola.

Il faut savoir que le Rojava est sous blocus total de la Turquie et du Kurdistan irakien allié à la Turquie. Ils ont rien, pas même des pots de peinture pour repeindre les écoles, donc je ne vous parle même pas du matériel médical. Il n’y a qu’une association humanitaire sur le terrain, c’est Evassor croissant rouge kurde. Il y a eu aussi MSF avec un hôpital mais il a été détruit. Ils étaient complètement à l’abandon et le système de santé très affaibli. L’une des explications c’est que les premiers à quitter le Rojava c’est la classe moyenne. Tous les ouvriers qualifiés, ingénieurs, médecins ont fui la région. La situation sanitaire est assez catastrophique. On m’a mené dans une salle de stockage de médicaments par Evassor. Dans neuf mètres carré avec des étagères contre les murs à moitié vide. Et là on me dit que c’est toute la réserve du Rojava pour les maladies auto-immunes, cancers etc. Il y a des millions de gens au Rojava et beaucoup meurent chaque jour du manque de soin.

L’autre chose qui était surprenante, dans la démarche de comprendre le système politique mis en place, c’est quand j’ai demandé à rencontrer des responsables d’associations de quartier, des « responsables politiques », délégués mandatés qui ont des mandats révocables dans leurs assemblées locales. Il y a beaucoup de femmes. L’équivalent de l’assemblée législative est composée d’une moitié de femmes. Dans presque tous les postes sélectifs, il y a un homme et une femme qui sont envoyés.

Quand je suis allé dans la ville de Tell Tamer, une ville kurde et chrétienne à la fois, il y avait eu 3 attentats qui avaient dévasté le souk, l’hôpital et les ateliers. Malgré les morts, les membres des familles des victimes se sont retrouvés dans le centre culturel pour décider de ce qu’ils allaient faire des places après leur destruction. Et là j’ai compris qu’au Rojava le principe de démocratie, démocratie directe donc, c’est le premier concerné qui décide. C’est à dire que dans ce cas, c’est eux qui ont voté et demandé à l’exécutif local (donc le Tefdem, représentation des conseils) de construire le monument aux morts en choisissant la matière, la couleur. Ils allaient construire un parc en souvenir, ils allaient décider comment refaire les places, quels ateliers ils allaient reconstruire. C’était donc les premiers concernés qui décidaient de la réorganisation de la ville. Et cet exemple là est généralisable.

Le fonctionnement de ce réseau d’assemblées fonctionne de la manière suivante : vous avez le premier type d’assemblées, ce sont les communes qui sont constituées en moyenne de 300 familles par unité de rues ou quartiers. Ces 300 familles sont l’unité la plus souveraine de toutes les unités qui puissent exister au Rojava. Pourquoi ? Car si par exemple cette commune a besoin de pain, donc d’une boulangerie, si la commune a les ressources nécessaires et le savoir-faire, alors c’est eux mêmes qui vont la mettre en place. Ils ne vont pas aller demander à quelqu’un d’autre. C’est eux-mêmes qui décident de comment ils vont construire leur quartier. Ils élisent des commissions, dans les domaines de la justice, de l’économie etc. Ils élisent des co-délégués qui ont un rôle de porte-parola et de coordination, toujours avec une femme et un homme, qui va au niveau au-dessus à savoir le conseil de quartier. Si par exemple vous manquez d’un boulanger pour votre boulangerie, alors que vous avez déjà les maçons et les matériaux, alors dans ce conseil de quartier on demande aux autres délégués si ils peuvent nous aider et généralement il y a un système d’échange et d’entraide qui se met en place. Si au niveau du quartier ils n’arrivent pas à régler le problème ils vont au niveau du district, et au-delà c’est au niveau du canton. Ils essayent donc de régler un maximum de problèmes et de prendre un maximum de décisions le plus localement possible.

Il y aussi les communes de femmes. Ces communes se réunissent aussi dans les localités et vont avoir un fonctionnement similaire en traitant des problématiques particulières des femmes. Les violences conjugales et la question du mariage forcé par exemple. Si des lois sont votées à l’échelle du canton concernant les femmes, la fédération des femmes a un droit de veto sur celles-ci.

Les femmes ont donc pris un poids énorme dans la politique kurde. L’autre chose aussi, c’est qu’elles sont très nombreuses dans l’armée, dû à ce système politique. Elles sont toutes volontaires.

Fondamentalement, la guerre c’est le droit de tuer réservé aux hommes. Mais là quand une femme revient du front avec sa kalachnikov c’est beaucoup plus facile pour elle de se faire respecter. Avec le PKK, il n’y a pas seulement l’idée de changer le système mais aussi de changer les mentalités. Et on les change par la pratique. L’armée est l’une de ces pratiques, qui permet notamment aux femmes de s’émanciper au Rojava. Elles ont aussi plein d’autres missions dans l’armée qui sont humanitaires et sociales. L’une des portes-paroles de YPJ m’expliquait que lorsqu’elles arrivaient dans un village après avoir chassé Daesh, c’était les femmes qui allaient d’abord à la rencontre de la population pour expliquer ce qu’elles voulaient mettre en place. C’est elles qui apportent la première aide humanitaire.

Pour les minorités il y a quelque chose d’important aussi. Par exemple avec le syriaques, la minorité chrétienne, qui s’est vu accordé un certain nombre de co-responsable, peut enseigner la langue syriaque. Un certain nombres de centres culturels syriaques aujourd’hui enseignent la langue. Des kurdes y viennent aussi, pour y apprendre le syriaque. Des arabes aussi. Ce qui était totalement inimaginable sous le régime Bassiste d’Al Assad où seule la langue arabe était imposée. On est dans une société où les communes se forment sur la base de la lutte d’une oppression bien identifiée. Vous avez aussi une commune du cinéma. C’est tout un maillage de communes qui forment le Tefdem, la représentation de tous ces conseils, qui aujourd’hui gère le Rojava. Par exemple le pétrole n’est pas aux mains d’un État ou d’une grosse entreprise, il est aux mains du Tefdem, donc des conseils et communes directement. Les propriétés économiques sont intimement liées aux communes. La plupart des terres avant la guerre appartenaient à l’État mais là c’est les communes qui ont pris le contrôle des terres et qui construisent des coopératives dessus pour répartir l’économie entre ses membres de façon la plus équitable possible. Les impôts ne vont pas à l’État mais à la commune. De même, les gestionnaires de la coopérative sont élus.

Il y aussi les étrangers qui viennent se battre. Ils sont évidemment insérés dans le système démocratique et ont leurs propres assemblées de volontaires étrangers. Si on compte seulement les occidentaux il n’y en a pas tellement, mais en comptant les turques il y a beaucoup de monde. Ils viennent souvent du MLKP (marxiste léniniste communiste partie) avec lequel le PKK travaille en Turquie. C’est eux qui sont à l’origine de la fondation des brigades internationales.

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La première cause des combattants étrangers qui viennent au Rojava c’est la lutte contre Daesh. Ceux qui restent sont des gens qui adhèrent aux idées du Rojava. Ça a parfois transformé des gens très conservateurs en révolutionnaires. Il y a aussi quelques fachos qui sont là pour tuer du musulman, du Daesh, et qui voient les kurdes comme des blancs orientaux en quelque sorte. Il n’y en a pas énormément et ils ne sont pas très bien vus.

Ensuite l’autre profile ce sont les communistes, les anarchistes, ou du moins des personnes déjà militantes dans leurs pays, que l’on retrouve dans le bataillon internationale. C’est ce type de personne qui a par exemple pris la photo en soutien aux CGTistes d’Air France inculpés ou pour la ZAD de NDDL. Ils viennent de nombreux pays, de 20 ou 30 nationalités si on ne prend que les occidentaux. Ils sont environ entre 100 et 200 sur le terrain.

II.3 Limites du processus

Il y a des limites dues à la guerre, des conditions très difficiles. Je sais que beaucoup de questionnements vont se poser ici. Par exemple le PYD, jusqu’où prend-il des décisions autoritaires ? Jusqu’où les gens sont libres au Rojava ? En termes de liberté d’expression je n’ai pas grand-chose à dire. En termes de manifestations, elles se déroulent en général bien, de ce que j’ai vu. C’était pas forcément des manifestations organisées par le PYD, il y a eu des manifestations pro-régime et pro-ASL.

Il est clair qu’au niveau diplomatique c’est le PYD qui prend beaucoup de décisions. Les décisions géostratégiques sont prises à ce niveau-là. L’armée des YPG n’aurait pas tenue sans le soutien du PKK. Les cadres du parti ou certains responsables de l’armée ont bien conscience que c’est parfois un embryon d’État qui se forme. A terme, ils aimeraient dissoudre les YPG et YPJ en les transférant aux milices de forces locales. Il y a déjà des groupes d’autodéfense de villes au Rojava qui ne dépendent pas des YPG ou YPJ. Ces milices de ville sont rattachées aux communes. Il n’y a pas de monopole de la violence légitime, mais il y a une sorte de domination des YPD et YPJ.

L’autre limite, c’est que la mise en pratique de l’auto-organisation est inégale d’un coin à l’autre du Rojava. Dans certaines zones par exemple, quand les forces armées du PYD sont arrivées, ils avaient à faire à une population majoritairement pro-Daesh qui avait profité du commerce avec le Turquie. C’est une région peuplée de turkmens et d’arabes, et là-bas le Tefdem ou les pouvoirs de représentations locaux n’existent pas vraiment. Si vous donnez le pouvoir à ces communes il y a une grande peur que ce soit une politique islamiste qui soit appliquée. Les seuls partis interdits au Rojava sont les partis islamistes. A l’inverse à Mambil, quand la ville a été prises récemment, la population a adhéré massivement au PYD. Mais la co-présidence n’est pas encore totalement instaurée, il y a encore une majorité d’hommes qui dominent la politique locale.

D’autre part le PYD a fait des alliances avec des tribus arabes pour les retourner contre Daesh en garantissant la protection de leurs intérêts tribaux, certains de leurs privilèges au moins le temps de la guerre. C’est critiquable comme manière de faire mais ça a permis d’avoir beaucoup de combattants arabes qui étaient difficile à obtenir au début et donc de renverser la situation militaire.

Au Rojava, quand vous êtes élus délégués vous ne l’êtes pas en tant que membre d’un parti. Vous élisez des délégués avec un programme qui est révocable mais qui est fortement influencé par le PYD. Même s’ils mènent une politique que je considère « positive » cela constitue une limite.

Une autre limite aussi, c’est sur la question des LGBT, bien que l’homosexualité a été dépénalisé, il n’y a pas à ma connaissance de communes LGBT. La question a été traité théoriquement : les LGBT sont le troisième genre. Cette place existe. Après il faut savoir que c’est une population qui revient de loin et que ça demande du temps, le temps que les gens puissent s’affirmer. Avant l’homosexualité c’était 10 ans de prison.

Ce qui est critiquable également c’est le côté culte de la personnalité, mais qui a été critiqué par Ocalan lui-même. On observe aussi un côté para-religieux avec des textes quelque peu sanctifiés, mais c’est aussi dû au manque d’éducation de la population.

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En interne, le PKK parle du processus actuel comme d’une expérience révolutionnaire, qui n’est pas finie ni achevée, qui se renouvelle et peut être bouleversée. Dans cette idée d’expérimentation ils assument le fait que certaines tentatives ou modes de fonctionnement ne sont pas parfaits. L’un des problèmes visé est celui du système d’ « institutions inclusives » qui est mis en place par le PYD dans le nord de la Syrie, où la place n’a pas été laissée aux groupes révolutionnaires qui ne partageaient pas la ligne du partie. Ce qu’il faut savoir, c’est que la rébellion syrienne a été fortement influencée par la propagande turque au sein de laquelle le PKK s’apparentait à un allié du régime, qu’il réprimait les manifestations, que ce n’était pas des bons musulmans etc. Et cela a très bien marché. Initialement le PKK avaient proposé aux autres forces qui se battaient contre le régime, de se battre ensemble si celles-ci reconnaissaient simplement leur autonomie. Elles ont refusé à quelques exceptions près. La première scission s’est faite sur des bases panarabistes, une sorte de racisme local.

Le PYD a conquis des zones où la population était majoritairement arabe et ils ne pouvaient pas imposer le mode de vie kurde. Parfois le système inclusif de ses institutions n’a pas fonctionné et les populations locales ont refusé de se rallier aux YPG par exemple. Parfois ils ont gagné l’estime de la population. Sans l’aide des kurdes par exemple les chrétiens de certaines régions se seraient fait massacrer. Ils sont intervenus aussi auprès des yézidis. Ils ont comme ça gagner la légitimité de population de non-kurde. Certains bataillons de l’ASL également se rallient au PYD pour ne pas se faire écraser par Daesh et la chariah.

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Dis-moi, il y a déjà eu des squats à Rouen?

De “L’habite à sociale” à la “Commune Saint Nicaise” en passant par la “Casa Nostra”, la pratique de l’occupation de bâtiments abandonnés, appelée squat, s’est répandue à Rouen ces cinq dernières années. Nous étions curieux de récolter quelques expériences et d’éclaircir les motivations de ce geste. Pour ce faire, nous avons rencontré un ancien occupant de la “Casa Nostra” et lui avons posé quelques questions. Entretien.

Alors dis-nous, en deux mots, c’était quoi la Casa Nostra ?

La Casa Nostra, c’est un lieu qu’on a squatté à deux reprises. Une première fois pendant un an entre février 2013 et janvier 2014, et une autre fois un an plus tard entre janvier 2015 et avril 2016. Avant nous, c’était la Case, un restaurant sénégalais. Un jour en passant à la Croix de Pierre on a vu ce restaurant en liquidation judiciaire. Le tenancier était parti au Sénégal et ne payait plus les loyers. L’huissier et les déménageurs étaient là à retirer tout le mobilier. Ça tombait bien car on se faisait expulser au même moment de la maison que l’on avait depuis un an à l’autre bout de Rouen, rue du Renard. Cette maison là on pensait la tenir à vie, on avait jamais eu de nouvelles du propriétaire. Pas de procédure, rien. Et voilà qu’un beau matin celui-ci s’est présenté. Gendarme de métier. Comme tout le monde, il doit lancer une procédure pour nous expulser mais finalement il a fait mieux : avec son agence immobilière ils ont mis en vente la maison, mais avec ses occupants, à savoir nous. Le prix est plus abordable mais c’est au nouveau propriétaire de se débarrasser des « indésirables ». Après ça, des types parfois menaçants venaient et voulaient visiter la maison. On refusait et cela devenait de plus en plus oppressant. Alors avec une partie des potes on a migré vers la Case. D’autres ont pris des colocs ou sont partis vivre ailleurs.

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Raconte-nous comment se passent les premiers moments d’une occupation ?

Eh bien déjà il faut repérer un lieu qui semble abandonné. Il faut s’assurer que c’est bien le cas en repassant plusieurs fois devant ou en se renseignant d’une manière ou d’une autre. Ensuite il faut s’introduire à l’intérieur sans effraction visible. Le moment où tout se joue c’est au début. Il faut être discret et se barricader pour empêcher la police et l’huissier de rentrer. Et puis si t’es dans le lieu depuis plus de 48h et que tu trouves un moyen de le prouver (une lettre que tu te fais envoyer à cette adresse par exemple), la police ne peut pas t’évacuer comme ça. Des textes de loi l’affirment : ils sont obligés de contacter le propriétaire et celui-ci lance une procédure judiciaire à ton encontre. Du coup, l’enjeu c’est de tenir ce délai, de dissuader la police de rentrer, de filer des noms à l’huissier pour lancer la procédure au tribunal, et là t’es tranquille. Le temps de la procédure, plus le délai que t’obtiens, tu restes plusieurs mois dans les lieux, parfois plus. Il faut savoir que tu ne risques rien pénalement à squatter un bâtiment. Le propriétaire réclame son bien et toi tu demandes seulement du délai pour retrouver un logement, pour avoir le temps de faire tes démarches etc. Bon ça c’est pour le côté technique de l’occupation, mais la brochure « le squat de A a Z » (https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=41) explique très bien tout ça, pour ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure.
Quand bien même on a occupé pas loin d’une dizaine de lieux sur Rouen ces cinq dernières années, on retrouve chaque fois la même jouissance d’arpenter les étages, découvrir chaque pièce à la recherche des petits détails qui font l’histoire de ces maisons ou en imaginant déjà leur futur usage. Un ancien garage devient une énorme salle de concert. Des bureaux sont transformés en salle de projection et salle à manger. Le salon fait office de dortoir. Les combles sont réinvesties par un atelier peinture. C’est parfois des endroits devant lesquels tu es passé des centaines de fois, sans jamais t’imaginer comment ils étaient foutus ou quels potentiels ils contenaient.

Tu parles parfois de « squat », parfois d’occupations. C’est quoi la différence ?

Le terme « squat » porte avec lui un imaginaire qui ne nous est pas toujours favorable. D’un côté, quand t’annonces aux voisins qu’il y a un « squat » dans le quartier, ça effraie et ça laisse place à tous les fantasmes possibles sur des seringues qui joncheraient le sol. De l’autre, des gens passent et pensent que c’est effectivement le cas, que le « squat » t’y fais ce que tu veux parce que « c’est à tout le monde ». Autant de caricatures qui persistent car l’histoire du mouvement « squat » est souvent mal connue. Le squat c’est avant tout une pratique. Celle d’habiter un lieu sans droit ni titre. Après, il y a autant de formes de squats qu’il y a de manière d’habiter le monde. Certains squattent parce qu’ils n’ont pas de logements, d’autres pour y faire des trucs d’artistes, et certains, pour s’acheter une conscience politique. Ça, c’est nous. Non, plus sérieusement, il y a fondamentalement quelque chose de politique dans le fait de squatter, d’une part parce que les conditions d’accès au logement sont devenues exorbitantes, et de l’autre, parce que le pouvoir passe aussi par l’aménagement de nos espaces de vies, de nos quartiers, etc. Grossièrement, la vie quotidienne se répartit entre les quatre murs du privé et les endroits où tu vas travailler, ou te divertir. Pour passer de l’un à l’autre, tu empruntes les rues, l’espace public, qui est quasi-intégralement policé et dédié à l’activité économique. Rien n’est laissé au hasard. Par l’occupation de lieux, tu rompts avec ces logiques là – même si c’est temporaire.

Peut-on parler de « mouvement squat » à Rouen ?

On parle de « mouvement » lorsque la pratique de l’occupation atteint un certain niveau de légitimité au sein d’une frange de la population, se propage et devient massive. Dans les années 70 en Italie par exemple, pris dans un vent de contestation général, des quartiers ouvriers entiers ont décidé de ne plus payer leurs loyers. Aujourd’hui, à Bologne, Rome, Milan et dans d’autres villes, des collectifs de « lutte pour la maison » (lotta per la casa) ouvrent systématiquement des appartements vides pour des familles dans le besoin. Dans certains quartiers, les appartements occupés se comptent par centaines. Dans les pays un peu plus au Nord, comme la France, l’Allemagne et le Danemark, c’est plutôt la scène musicale et contestataire qui s’est essayée au squat. Il n’y avait pas une journée sans un concert punk dans un lieu occupé à Paris dans les années 80. Après la chute du mur, les maisons abandonnées depuis des années sur le tracé séparant Berlin Est et Ouest ont été réinvesties par des amoureux de la techno et de la fête libre. A Copenhague, la résistance de la célèbre « Maison des jeunes » dans les années 2000 a suscité d’énormes soutiens et une vive résistance lors de son expulsion. Dans ces cas là, on peut parler de mouvement.
A Rouen clairement, ce n’est pas le cas. En revanche, on peut dire qu’une « séquence » squat s’est ouverte avec l’occupation du 30 rue du lieu de santé (L’habite asociale) en 2010. A ce moment, à part « La Maison blanche » qui s’était faite violemment expulsée après trois semaines d’existence, cela faisait dix ans qu’un lieu n’avait pas tenu au-delà des premières heures d’occupation. Le dernier en date était « Chez Emile », qui avait duré plusieurs mois et brassé pas mal de monde.

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L’habite asocial au 30 rue du lieu de santé en 2011

A l’automne 2010 donc, un mouvement social éclate en France contre la réforme des retraites. Quand le mouvement se termine, une bande qui s’organisait depuis quelques temps sur la fac décide de faire perdurer la lutte par d’autres moyens. Ils occupent le lieu et une série d’activités s’y tiennent : projections, discussions, ateliers en tous genres. Le classique du squat « politique ». Mais l’aventure est intense, les rencontres nombreuses. C’est d’ailleurs à ce moment que je rejoins le groupe. Ensuite se sont enchaînés les squats, sans un jour de trêve, jusqu’à la dernière Casa Nostra.

Selon toi, que reste-t-il de toutes ces années squats et de la Casa Nostra ?

Squatter un lieu, le tenir, faire connaître son existence, ça permet déjà de rendre la possibilité même de l’occupation viable, palpable, ré-appropriable. Réintroduire un tel geste à Rouen alors que dix ans s’étaient écoulés sans squat, ça a été super important pour l’histoire politique de la ville. Par exemple le squat le « Bamville », rive gauche, a été occupé pendant plusieurs mois en 2013 par le Collectif de solidarité ZAD de Rouen. C’était pas la bande de squatteurs initiale, c’était d’autres personnes qui s’étaient rencontrées autour de la lutte contre l’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes et qui avaient le désir de s’organiser dans leur propre ville, d’avoir un lieu pour se réunir et faire des soirées de soutien. Des potes ont aussi pris des squats d’habitation. On en a moins entendu parler mais déjà on voit que la pratique a été reprise et que ça a permis à de nouvelles bandes de se former et de se rencontrer.

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Bamville – Occupation revendiquée par le collecitf ZAD de Rouen

Au niveau de l’expérience en tant que telle, pour moi, ça été une sorte d’« école du communisme ». T’arrives, tu rencontres des nouvelles personnes, t’apprends à vivre à plein. On s’organise pour récupérer de la bouffe ou pour faire des travaux de réhabilitation des lieux. Untel te montre les bases de l’électricité, l’autre comment remettre l’eau quand elle a été coupée par les services de la ville. C’est des moments émancipateurs car notre génération, d’autant plus en milieu urbain, est totalement dépendante de l’organisation étatique. Celle-ci s’est rendue indispensable précisément parce qu’elle prend en charge tous les aspects de nos vies : la production de nourriture ou d’énergie, leur acheminement, les questions de santé, d’éducation, etc. L’art de la débrouille que l’on cultive dans les squats, les savoirs-faire qui s’y partagent, c’est selon moi les préliminaires à la réappropriation de nos moyens d’existence. Et puis évidemment il y a toute la magie des rencontres, des amitiés, des perspectives politiques qui se tracent…

Pour parler précisément de la Casa Nostra, on l’a occupée au moment où une partie d’entre nous voulaient sortir de la précarité du logement et on a pris des colocations. Mais on avait toujours besoin d’un lieu pour nos activités, pour se retrouver, pour organiser des événements publics, concerts et autres. La Casa, c’était notre « local ». Le lieu s’apparentait à un bar plus ou moins normal, bien loin des clichés des squats vétustes et délabrés. Un peu par hasard on s’est procuré un four à pizza et on a commencé à tenir des soirées régulièrement. Tu pouvais venir manger et boire avec quelques euros en poche. Ça a brassé vraiment beaucoup de monde. Puis il y avait les concerts aussi. Dans les précédents lieux, c’était principalement des groupes de potes qui acceptaient de jouer, ou des groupes familiers du milieu squat. Quand on leur proposait, les groupes de la scène musicale rouennaise avaient une certaine réticence à venir jouer. Certains diront que l’on avait un côté trop « donneur de leçons » ou bien pensaient-ils que venir jouer chez nous engageait à quelque chose politiquement. Toujours est-il qu’avec la Casa, il y a eu une sorte de déblocage et la scène musicale « indépendante » s’est mise à fréquenter nos soirées, à venir jouer et même à organiser des concerts. Et on a commencé à avoir beaucoup de demandes y compris de groupes qui venaient de plus loin et qui tenaient à jouer dans le lieu.

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Perm36 en concert à la Casa Nostra.

On sentait que l’existence d’un lieu dans lequel tu peux venir jouer quand tu veux sans avoir à déposer de « maquettes », où tu peux faire jouer des potes en tournée n’importe quel jour de la semaine, où tu rentres gratuitement et où tu peux boire pour des prix très abordables, cela constituait et constitue toujours un réel enjeu. Et ça, c’était possible parce que le lieu était occupé et qu’on n’était pas dans une logique de rentabilité. A cette période de la Casa Nostra, on a assisté à un espèce de décloisonnement du caractère uniquement « militant » du squat vers quelque chose de non moins politique : la réappropriation de lieux de concerts et de fête dans une ville qui justement mène une guerre à leur encontre. D’autant plus depuis l’incendie du Cuba Libre l’été dernier, un certain nombre de lieux ont fermé ces dernières années et les soirées sont repoussées loin du centre ville et à des prix exorbitants.

Casa Nostra murée - Novembre 2016

Casa Nostra murée – Novembre 2016

Pendant ce temps-là, la Casa Nostra a été expulsée et vient juste d’être murée, comme pour nous signifier qu’il n’y aura pas de troisième fois. Mais pas d’inquiétude, les politiques accablantes de la ville produiront forcément leur excédent.

Ici une brochure de la Casa Nostra écrite en 2015 : https://rouendanslarue.noblogs.org/post/2016/11/11/brochure-casa-nostra-2015/

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Cycle de discussions. S’opposer au régime: Quelles expériences? Quelles perspectives?

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Des assemblées Nuit Debout,
De la dynamique du mouvement contre la loi « travail »,
Vers un immaginaire et des trajectoires communes.

Retrouvons-nous du 26 novembre au 15 décembre autour du thème suivant:
« S’opposer au régime. Quelles expériences? Quelles perspectives?

Brochure de présentation : cycle-de-discussion

Samedi 26 novembre à 18h
Processus révolutionnaires au Rojava (Kurdistan)
par Raphaël Lebrujah
aux locaux du syndicat SUD rail, 259 bis Rue Pierre Corneille, Sotteville-Lès-Rouen

Samedi 10 décembre à 18h
1794 Combattre un régime thermidorien
par Deborah Cohen
à la Conjuration des Fourneaux 149 rue Saint Hilaire, Rouen

Jeudi 15 décembre à 18h
D’un héritage des luttes paysannes
à l’occupation de la zone à défendre de Notre-Dame-Des-Landes
par des Habitants de la ZAD
Batiment Lavoisier, Salle L101 sur le Campus de l’université de Mont Saint Aignan

Introduction
Sur le strict plan de la loi « travail », nous pouvons désormais l’af-
firmer, nous avons été défaits. 49.3 à répétition, arrestations et violences
policières dans nos cortèges, interdictions de manifester, assignations à rés-
idence, réquisitions forcées de grévistes, évacuations musclées des blocages
stratégiques. Les enquêtes se poursuivent et les peines de prison continuent
de tomber. L’arsenal répressif de l’état d’urgence s’est finalement dilué dans
le droit commun et l’appareil d’État peine à masquer son caractère brutal et
autoritaire. Il a d’ailleurs depuis dégainer contre la Jungle de Calais et s’ap-
prête à réitérer contre la Zone à défendre de Notre-Dame-Des-Landes.
Finies, donc, les illusions d’une police à l’écoute et d’une justice
juste. Finis aussi les espoirs en la gauche institutionnelle et, du même coup,
en une certaine forme de la politique classique. Mais c’est précisément sur ce
plan là que nous avons gagné : celui d’avoir éprouvé avec autant de solidarité
que d’évidence la nécessité de formes d’organisation nouvelles. C’est autour
de celles-ci que nous nous sommes trouvés dans les assemblées « Nuit de-
bout » et que nous en avons pris acte. Du syndicaliste au lycéen nous avons
composé collectivement, au-delà du cloisonnement corporatiste et d’une
nocive dissociation des modes d’action. Ce sont ces liens, ces discussions, ces actions, ces expériences qui ont tissé, à échelle nationale, des communautés de lutte. Des cortèges de tête aux blocages économiques, une intelligence stratégique est née. Ceci nous l’avons gagné.
Mais le printemps dernier a aussi produit son lot d’insatisfaction.
De vieux héritages politiques et idéologiques nous ont bloqué, puis menés
droit dans l’impasse du mouvement social à la française, ne dépassant pas
le simple état d’agitation. L’imagination, l’audace, les moyens  ? Quelque
chose nous a manqué. Une chose est sûre : l’intensité des mois derniers n’a
pas été propice aux discussions de fond. Il nous paraît désormais primordial
de réussir à se poser ensemble les bonnes questions, de nous doter d’armes
théoriques, d’esquisser un imaginaire et une perspective commune à même
de renverser le présent.

S’opposer à un régime : quelles expériences, quelles perspectives ?
Voici le thème autour duquel le premier cycle de discussion s’enclenche. Une problématique qui nous semble adéquate à la séquence politique que nous traversons : celle d’un bouillonnement social à l’orée de la
période électorale. Pour que l’impasse que cette dernière nous réserve ne soit pas fatale, il nous faut tracer d’autres voies et d’autres possibles. Pour ce premier cycle, nous parlerons des insurgés kurdes, de Baboeuf et de la période thermidorienne, ainsi que de l’histoire des luttes paysannes en Loire-Atlantique. A travers ces lieux et périodes, il n’est pas question de se heurter à nos propres héritages idéologiques mais plutôt de réussir à percevoir qu’est ce qui contribue à notre questionnement et à sa mise en pratique.
Le cycle est composé de trois moments de discussion qui auront lieu
tour à tour aux locaux du syndicat SUD rail, à la Conjuration des fourneaux
et à l’université de Mont Saint Aignan, lieux chargés de la lutte contre la
loi « travail ». Ces moments seront suivis de débats et de discussions suite
auxquels nous formulerons ensemble le thème qui nous semblera pertinant pour le prochain cycle.

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En free party avec la Normandie Connection

2-3-4 septembre 2016
Une free party est organisée à Rouen. 3 jours de fête libre qui ont réuni plusieurs milliers de personnes et une bonne partie des sound-systems de la région.
Rave on!

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Brochure – Casa Nostra – 2015

Une brochure distribuée aux sympathisants de la Casa Nostra. Toujours d’actualité. A réimprimer et à relire.

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Pourquoi nous haïssons la police?

Les flics manifestent depuis quelque semaines déjà, dans nos rues, masqués et armés. Ils réclament plus de budget, d’équipement, de « reconnaissance ». Ils veulent mettre les « sauvageons » en prison et leurs déambulations ont une sale odeur de coup d’état. L’ambiance fascisante prend ses aises.

Il nous paraissait opportun de republier un tract anonyme datant de 2006 répondant à la question « pourquoi nous haïssons la police? ».

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Antifascisme et retour de flamme

Sous couvert d’humanitarisme, le gouvernement PS a évacué et détruit la jungle de Calais puis dispersé ses habitants dans des centres d’accueil. En les isolant aux quatres coins du territoire (du fin fond du 27 jusqu’à Marseille en passant par la Creuze) il espère affaiblir les réseaux de solidarité des migrants et d’un même coup, ceux de leurs soutiens.
Le week-end passé, à Serquigny près de Rouen et à Marseille, des rassemblements du Front National étaient organisés pour protester contre l’arrivée de réfugiés dans ces mêmes villes. Au même moment, sur fond de « Tous enfants d’immigrés » et « Tout le monde déteste le FN », des contre-manifestations nettement plus massives sont venues témoigner leur soutien aux migrants et reprendre la rue aux fascistes.
A Marseille alors que les manifestants pro-migrants s’élançaient « des véhicules de police débarquent à toute vitesse pour bloquer leur passage. Dans la précipitation, deux camionnettes se heurtent. Bilan : 4 blessés légers. Les seuls de l’après-midi parmi les forces de l’ordre. »

Serquigny : http://www.ouest-france.fr/…/dans-l-eure-les-pro-migrants-d…

Marseille : http://www.lesinrocks.com/…/a-marseille-fn-mis-echec-contr…/

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Une circulaire pour mater la contestation (et quelques arrestations).

Le ministère de la Justice a récemment émis une circulaire visant à criminaliser plus lourdement les manifestants, les soutiens des migrants et autres défenseurs de la ZAD.

Signe du climat qui s’installe, une trentaine de personnes, dont des habitants de la ZAD, ont été arrêtées hier à Nantes après avoir envahi le cabinet d’avocats de Vinci pour réclamer leurs avis d’expulsion. Ceux-ci, sciemment tenus secrets par la justice et ses huissiers, sont indispensables pour que les habitants visés puissent se défendre en justice ou entamer des recours.

Il est utile de préciser que cette circulaire ne crée pas de nouvelles mesures mais est une incitation, adressée aux procureurs et aux tribunaux, à utiliser des peines plus lourdes contre les militants politiques tout en proposant de systématiser plusieurs procédures judiciaires à leur encontre.

Nous en résumons ici les principaux points.

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Le Zadistan recrute

Ce n’est plus une nouvelle, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est menacée par une intervention policière imminente. D’un jour à l’autre, les annonces médiatiques nous poussent à préparer notre sac et à enfiler nos bottes, ou inversement, nous font rassoir au fond du canapé jusqu’à l’automne 2017. Il nous paraît peu judicieux de rentrer dans le jeu médiatique en pronostiquant sur la date de l’intervention, ou encore sur sa potentielle violence (quelques éclaircissements sur les différentes menaces et signes d’évacuation : http://zad.nadir.org/spip.php?article4027). Néanmoins, il nous semble important de partager avec vous ces quelques conseils afin d’être les plus réactifs si l’expulsion devait avoir lieu.

[MANIFESTATION DU 8 ET 9 OCTOBRE]
« Que résonne le chant de nos bâtons »! La ZAD lance un appel national à se retrouver dans la zone les 8 et 9 octobre et à ce que chacun vienne armé de son bâton. Nous les planterons sur une colline, qu’ils sachent que nous reviendrons les prendre pour défendre le bocage en cas d’expulsion! Ce sera peut-être l’un des derniers moments où il sera possible de ramener du matériel si les flics arrivent dans la foulée. Ici la liste du matériel demandée : http://zad.nadir.org/spip.php?article515&lang=fr

Après cette date, et si vous n’avez pas d’impératifs, restez sur la zone autant que possible tant que le niveau d’alerte le requiert. Il y a de toute façon une multitude de choses à faire puisque sur place, la vie poursuit aussi son cours normal (chantiers, jardins, etc). L’ennui n’est pas au rendez-vous et le ZAD NEWS (journal hebdomadaire) vous permettra de vous tenir au courant des événements, chantiers et autres.

Si vous n’êtes jamais aller sur la ZAD de NDDL, voici quelques conseils pour y accéder en fonction de votre moyen de transport : http://zad.nadir.org/spip.php?article7&lang=fr
En cas d’intervention, les alentours de la zone seront saturés de check-points policiers. Ici une carte datant de 2013 pour vous donner une idée de leurs emplacements : https://zad.nadir.org/IMG/png/Carte_ZAD_MAJ16012013.png
Dans ce cas, il est plus judicieux de garer son véhicule dans un hameau à quelques kilomètres et de passer à pied à travers champs.

[ACCUEIL]
Tu peux te pointer tous les jours de 14h à 17h, à la Rolandière.
Si tu as des questions sur la lutte ou la zone, que tu as besoin d’une carte ou aimerais savoir ce qui se passe (chantiers collectifs, événements, etc) n’hésite pas à passer !

[EQUIPEMENT]
Ce kit est un minimum à avoir avec soi sur la ZAD
– lampe frontale et piles
– boussole
– bottes et chaussures chaudes, si possible imperméables
– vêtements chauds imperméables
– un sac de couchage, une tente et de quoi être autonome en bouffe pour quelques jours si tu comptes rester
– une gourde ou une bouteille d’eau
– une carte de la ZAD imprimée (plastifiée si tu veux qu’elle tienne) : http://zad.nadir.org/IMG/pdf/zad-situation-2016-juillet.pdf

Si tu viens à un moment de tensions, n’oublie pas :
– plusieurs paires de chaussettes (le plus possible)
– de regarder attentivement les conseils juridiques : https://zad.nadir.org/spip.php?rubrique56&lang=fr
– Des numéros d’urgence sur toi (attention, le numéro de l’équipe médic ne sert qu’en manifs, en cas d’urgence passe aux Fosses noires)
– celui de l’équipe légale : 06 75 30 95 45
– celui de l’équipe médic : 07 60 26 42 14
– équipement de protection (malox, gants, masque contre les gaz, lunettes de protection)

Nous rappelons que la ZAD est un lieu où des centaines de personnes vivent à plein temps. Tous les occupants ne souhaitent pas forcément être dérangés à toute heure ou que n’importe qui déboule chez eux. Si vous ne connaissez pas, il est toujours préférable d’aller dans les gros lieux d’accueil comme la Rolandière, Bellevue ou la Wardine qui vous aiguilleront ensuite.

C’est la multiplicité des formes de lutte qui font du mouvement ZAD un mouvement fort et massif. Il est important que ces différents formes continuent de cohabiter. Ici quelques éléments sur les différentes pratiques : « Défendre la zad dans sa diversité » https://zad.nadir.org/IMG/pdf/defendre_la_zad-3.pdf

Pour les pratiques de défense active, quelques éléments par ici : https://nantes.indymedia.org/articles/26741

Pour la route, une lecture chouette sur l’histoire, le sens et les perspectives de la lutte à NDDL : « Défendre la ZAD » https://zad.nadir.org/IMG/pdf/defendre_la_zad-2.pdf

(Photo: ValK)

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MLR Saison 2 – Rebelote

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Rebelote :

La rentrée scolaire marque pour nous tous un changement remarquable. Nos amis de l’année dernière deviennent étudiants. Nos petits frères/petites sœurs font leurs premiers pas au lycée, tandis que certains retrouvent leurs potos de toujours et les chaises qu’ils ont biens rodées. Bref retour en cours, retour dans ton bahut et rien n’a changé. Sinon les politiques et la politique sont toujours aussi chiants, aussi détaché du peuple, rien n’a changé.

Parmi ce cours normal des choses, nous souhaitons être de ceux qui préfèreront voir nos lycées s’écrouler, plutôt que de continuer à supporter jours après jours un système qui envoie toute une partie de notre génération à l’abattoir. Notre génération est en chien de tout, et on nous vend l’image d’un avenir moderne et radieux dont on sait pertinemment que seuls quelques rares privilégiés parmi nous y auront accès.
Tout ça c’est du vent et on s’en branle. Assumons-nous tel que nous sommes : spontanés et bordeliques, en galère mais solidaires, indépendants mais organisés.

L’année qui vient vas regorger d’occasions de créer de l’agitation et de briser le déroulement normal des choses. Continuez de nous suivre.

https://www.facebook.com/Mouvement-des-Lycéens-Rouennais-578211552325072/

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L’unité en berne / Le Havre

L’unité en berne

Suite à la dernière journée de mobilisation contre la loi travail, et plus généralement, contre les agissements du gouvernement, un goût amer reste en travers de la gorge.
Cette reprise du mouvement devait ouvrir un nouveau chapitre de la lutte, jauger de la motivation des manifestants pour envisager les suites à donner. Mais force est de constater que les deux mois de pause estivale ont émaillé l’unité qui était née.
Tout d’abord, il y aura eu un « avant » et un « après » 14 juin. Notre mouvement est né dans un bouillonnement de joie, de motivation, de belles rencontres, de l’envie commune de changer la société. Mais cette joie a été sérieusement mis à mal par la manifestation du 14 juin à Paris, où les lacrymos ont plu de tout coté. Dans nos rangs, certains amis en ressortent marqués, choqués. D’autres ont ressenti l’absence de soutien des forces syndicales – dans l’action – afin d’échapper à la situation. Enfin, d’autres ont durci leur vision et envisagent des actions plus violentes.
En tout état de cause, la répression policière vécue a crée un sentiment d’injustice qui aura marqué un tournant dans notre mouvement.

Trois mois plus tard qu’en est il ?
La mobilisation de jeudi questionne. Au Havre, notre mouvement « autonome » n’a jamais été violent. Quelques actions de tags, à destination de symboles (capitalisme, état), quelques opérations de sabotage, et un soutien à toutes les actions aux côtés des syndicats depuis les premières mobilisations. Par mouvement « autonome », il ne faut pas entendre grand chose. C’est juste un mouvement pluriel, composé de personnes non-syndiquées, de personnes syndiquées, de jeunes, de vieux, qui n’ont pas, ou ne se sentent pas (plus) à leur place sous aucune bannière. Et qui ont envie, ensemble, d’amener la mobilisation à un autre niveau.
On constate encore une distanciation et une hiérarchisation de la mobilisation entre les têtes syndicales et les autonomes. Ceux qui ont un gilet, et ceux qui n’en ont pas. Sur les blocages, les remarques fusent quand une action spontanée se déroule sans qu’elle ait été validée (impulsée) par « l’intersyndicale », comme « brûler un feu de circulation », « allumer un feu devant une entreprise occupée ».
Cela creuse le paradigme entre force syndicale et force autonome. Le mouvement n’est pas censé appartenir à personne. Toute action, dès lors qu’elle a pour but de déstabiliser le gouvernement doit être soutenu par tous. Les têtes syndicales sont trop soucieuses du maintien de l’ordre, de la manifestation sans débordement. Mais si débordement il y a, si débordement il doit y avoir, ce n’est jamais gratuit. Tout acte a une valeur et s’attaque à un symbole. Il y en a assez des services de sécurité des syndicats, de mèche avec les RG et qui balancent les manifestants turbulents. Les syndicats ont, plus que jamais, besoin des forces autonomes pour que les manifestations n’aient plus la portée d’une kermesse. Et on mesure au combien ce postulat est partagé par de nombreux ouvriers syndiqués que l’on a rencontré durant ces 6 derniers mois.
Ce constat n’a pas pour but de minimiser la force d’action des syndicats, ni leur utilité. Les syndicats sont d’une efficacité importante au sein des entreprises, aux côtés des salariés, sur le plan juridique. Mais ils n’ont plus la combativité de rue du début du XXème siècle.
Quant à l’unité syndicale, elle laisse rêveur ! Mais elle semble s’étioler. Pour exemple, Force Ouvrière a annoncé que cette mobilisation serait la dernière à laquelle elle appellerait, et qu’elle déplace son combat sur un champ juridique. En lisant entre les lignes, est-ce qu’il ne faut pas mettre ça en parallèle avec l’approche des élections professionnelles au sein des PME, où le nombre de siège à conquérir efface toute l’union des mouvements de ces derniers mois ?

Du côté de notre mouvement, l’unité est aussi à interroger. La motivation des uns et des autres a fait du chemin. Beaucoup de personnes sont tombés amoureuses du mouvement, de la force des rencontres faites sur les barrages. Et puis vient l’heure de la déception, des interrogations. A quoi sert-on ? Est-ce que l’on s’est fait instrumentaliser ? Où en est l’unité lorsque des dockers veulent nous taper dessus lors de la manifestation à Paris faisant l’amalgame avec les « méchants casseurs » ? Ce qui est sûr c’est que le 14 juin pose un jalon. La motivation de certains de nos amis a baissé, générant des remarques de la part des plus radicaux. Ces mêmes radicaux se questionnant sur le fait de s’autonomiser encore plus de notre mouvement.
Il faut déplacer notre motivation sur d’autres actions. Et accepter que l’on ne se battra pas dans une direction clairement identifiée. En fait, il faut que tout soit combat. La défense du droit du travail fut ce qui nous a réuni. Puis le déni de démocratie est ce qui nous a rapproché. Et perdant la partie petit à petit, la déception prend le dessus, et la combativité nous quitte.
Mais c’est parce qu’il faut accepter se battre sans objectif précis, se battre pour tout, tout le temps. Que se soit contre le capitalisme, contre le racisme, contre le sexisme, aux côtés des migrants, des travailleurs malmenés, de tout ce qui annihile notre société, tout doit être un combat.
Et tout doit être combattu avec les forces en présence, sans jugement de valeur sur la disponibilité ou la motivation des membres de notre mouvement.
Ce sera épuisant, mais c’est la seule façon que nous avons de survivre.

ON EN A GROS

https://www.facebook.com/onenagroslh/

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K-way noirs et chasubles rouges devraient avancer ensemble (mais peuvent aussi continuer à se taper dessus)

Un retour sur la manifestation rouennaise du 15 septembre doublé d’un éclaircissement sur la situation nationale.
A Rouen comme en d’autres villes, le retour des manifestations s’est accompagné du retour des embrouilles entre les « syndicats » et les « autonomes ». Le réflexe souvent juste dans ces histoires consiste à ne pas trop s’attarder. Cette fois-ci pourtant nous ferons l’effort de mettre des mots sur ce qui pourrait paraître intégralement anecdotique. Il faut bien tenter d’expliquer pourquoi différentes personnes affiliées à la CGT, à son service d’ordre, ou à quelque parti d’extrême-gauche, viennent faire pression sur le cortège de tête – physiquement ou à coup de menaces, de sermons et de stigmatisations grossières. Et pourquoi il serait préférable pour tout le monde que cela cesse.
Deux visions, deux perceptions s’opposent évidemment. Pour certains, la situation était très simple : les infirmiers et les aides soignants du centre hospitalier de Saint-Etienne-du-Rouvray (agglomération de Rouen) sont en grève depuis début septembre contre un projet crapuleux comme les managers savent en pondre. L’intersyndicale ayant décidé que ce serait aux agents en grève de prendre la tête de la manifestation, il fallait informer de cette décision les jeunes et les non-syndiqués placés en tête du cortège. Ceux-ci, évidemment absents de ces organes de décision, et soucieux de ne pas être cernés par un Service d’Ordre, refusèrent et ne cédèrent pas à la pression quand elle devint physique. L’affaire était bouclée. Et toutes les invectives sortant de la bouche des têtes syndicales allaient dans le même sens : c’était une honte, un manque de respect total pour ces travailleurs en grève. Comment faire ça aux hospitaliers ? Et tant pis si certains d’entre nous s’étaient rendus au centre hospitalier pour leur apporter du soutien. Armés de ces évidences, il était alors facile de justifier le coup de force avorté et de donner des leçons de morale condescendante. Mais l’argument est imparable : le cortège de tête a refusé de laisser la place aux hospitaliers en grève. Face à un tel scandale, tout était permis et rien ne serait pardonné.
Las. La réalité est souvent un peu plus complexe. Ceux qui avaient pris la tête du cortège constituent ce qu’on appelle maintenant et officiellement, à Rouen comme ailleurs, “le cortège de tête, bien qu’il soit constitué d’un ensemble hétéroclite d’individus, de bandes et de forces plus ou moins organisées. Ensemble hétéroclite de forces autonomes au sens strict et descriptif du terme : autonomes à l’égard des structures politiques et syndicales classiques. Indépendant. Des étudiants, des chômeurs, des précaires, des salariés, des lycéens surtout et des syndiqués aussi, parfois lassés par le ronron des défilés officiels rythmés par Zebda et HK qui crachent leurs « on lâche rien ».
Le développement de ces cortèges de tête autonomes dans les principales villes de France est l’un des traits marquants de ce mouvement. Il faut toute la mauvaise foi d’un journaliste pour parler de marge de la manifestation à propos de ces cortèges. A Rouen, depuis le début du mouvement, ces cortèges ont pris la tête des manifestations à une exception près. Pour être tout à fait honnête, il faut rappeler que ça ne s’est pas fait sans heurts ni tensions. Et qu’à plusieurs reprises les syndicats ont tenté de reprendre la main. Encouragés en cela par les forces de police qui leur demandaient de garantir la sécurité dans les manifestations. Finalement, chaque manifestation voyait cohabiter plus ou moins cordialement deux cortèges : un cortège syndical et un cortège autonome. Les frontières étaient parfois suffisamment floues pour que la police s’acharne à empêcher ceux qui étaient dans le premier de rejoindre le second. Il s’est vu des manifestations à Paris encore où l’on ne savait plus trop qui était qui. Et partout des complicités neuves se sont nouées entre des éléments des deux cortèges. Personne dans le cortège de tête ne déteste les « syndicats » en général, abstraitement. Et nombreux sont ceux qui font la distinction entre d’un côté les directions syndicales et leurs objectifs propres, et de l’autre, les salariés de base qui montent des syndicats et en font des instruments de lutte.
Deux cortèges. Deux temporalités. Deux logiques d’organisation. Ce 15 septembre à Rouen, pour cette manifestation, comme pour toutes les autres, certains éléments du cortège de tête s’étaient organisés à différents niveaux et avaient confectionné un dragon, une banderole et autres réjouissances qui n’avaient de sens que s’ils étaient en tête. Les forces autonomes du cortège de tête ne sont pas tenues informées des décisions de l’intersyndicale et sont de toute façon habituées à s’organiser indépendamment de ces décisions. Tout était prêt. Le dragon trépignait en attendant de cracher sa colère. C’est pourquoi quand certains représentants de la CGT sont venus lui dire que l’intersyndicale avait décidé qui serait en tête et qu’il fallait laisser la place, il fut difficile de s’exécuter. Et les pressions violentes exercées alors par le service d’ordre ne pouvaient que conforter le cortège “autonome” dans ce refus.
On peut s’étonner que l’intersyndicale ait pris cette décision et ait envoyé ses représentants officiels pour l’imposer. Néanmoins, si beaucoup ont parlé en lieu et place des agents de l’hôpital, certains d’entre eux s’étonnaient d’une telle embrouille et proposaient de partager le cortège de tête. D’ailleurs, des tensions entre les services d’ordre et les forces autonomes ont eu lieu dans différentes villes ce 15 septembre sans s’inventer de prétexte fallacieux. Ce jour-là, en fin de parcours à Rouen, la manoeuvre de neutralisation s’achève sur le refus de laisser le micro à des jeunes qui le demandaient pour porter une proposition relative à la tenue de l’université du PS à Rouen le 18. « La parole au dragon » est largement scandé. La situation s’envenime, et se clôt avec l’arrivée de la police qui signe tristement la dispersion.
Pour notre part, nous pensons que de telles embrouilles ne servent personne. Sauf à vouloir entretenir l’opposition caricaturale entre cortège syndical et cortège autonome comme le pouvoir semble y avoir intérêt. Quand le gouvernement tient responsable la CGT des débordements du 14 juin, point n’est besoin de tomber dans le piège. La CGT n’a pas à assurer la sécurité dans la totalité de l’espace public. Mais comme cortèges de têtes et cortèges syndicaux seront amenés à se recroiser, nous pensons qu’il est préférable de jouer carte sur table.
Considérant :
  1. L’existence de forces autonomes qui n’ont pas vocation à être encadrées par les syndicats.
  2. L’existence de syndicats au sens strict, combatifs, dont le rôle est déterminant dans tous les mouvements.
  3. Le fait que chaque mouvement résulte de la combinaison de pratiques multiples, légales et illégales : manifestations, blocages, occupations, affrontements, casses, pétitions, etc., et de débordements en tout genre.
  4. Qu’il ne revient à aucune fraction du mouvement d’imposer de façon hégémonique la ligne qui est la sienne à toutes autres fractions du mouvement.
  5. Que c’est la conjonction de ces différentes lignes combattantes qui peut permettre de remporter des batailles politiques.
Il existe trois solutions possibles à cette tension entre les représentants syndicaux et les forces autonomes :
1. Le statu quo : c’est la situation actuelle. On s’ignore. On s’embrouille. On adore se détester. Parfois, quand le mouvement est à son point culminant et que les lignes bougent on trouve des terrains d’entente ou en tout cas de non-affrontement. Mais dès que le cortège de tête est moins imposant, le désir de le contrôler refait surface. Et les services d’ordre syndicaux se remettent à jouer des coudes.
2. Le rapport de force assumé et permanent. L’intersyndicale pourrait décider d’assumer une opposition franche et ouverte à l’égard du cortège autonome et de tout ce qui la déborde. Elle pourrait essayer de se donner les moyens de chasser les forces autonomes de la tête de cortège. Il faudrait pour cela s’équiper en conséquence et assumer aux yeux de tous de ressembler à une milice comme ce fut le cas à Paris, où cette tentation semble exister dans certains secteurs. Le coût politique d’une telle perspective serait assez élevé pour la CGT locale. On ne tape pas si facilement que ça sur 400 jeunes, et encore moins sur 4000.
3. L’art des distances. Il serait tout aussi possible de garder une distance convenable et d’en finir avec le comportement paternaliste propre à certains représentants syndicaux. Les syndicats doivent cesser de penser qu’ils doivent rendre des comptes à la police ou à leurs syndiqués sur tout ce qui peut se passer dans une manifestation. Un représentant syndical n’a pas à retenir la main qui s’apprête à fendre une vitrine de banque, il n’a pas à protéger un local politique, il n’a pas à imposer une manière correcte de lutter. Il n’a pas à essayer de canaliser un cortège sauvage en collaborant avec la police. Il existe des villes où l’on est parvenu à une telle entente. A Nantes par exemple, il ne viendrait pas à l’idée d’un syndicaliste de la CGT de mettre son nez dans les affaires du cortège autonome. C’est à partir d’une telle distance où chacun se contente d’occuper l’espace politique qui est le sien avec les gestes et les pratiques qui sont les siens que des complicités éventuelles peuvent se tisser, ou à défaut une indifférence bienveillante. C’est alors que nous pourrons commencer à envisager de façon un peu plus mature, moins mesquine, les taches historiques qui sont les nôtres.
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MANIFESTATION DU 15 SEPTEMBRE – ROUEN ABROGRATION DE LA LOI TRAVAIL !

MANIFESTATION DU 15 SEPTEMBRE – ROUEN
ABROGRATION DE LA LOI TRAVAIL !

« Une histoire d’amour sans paroles
N’a plus besoin du protocole
Et tous les longs discours futiles
Terniraient quelque peu le style
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles ! »

Aujourd’hui nous avons réussi une chose qui n’avait jusqu’alors jamais été accomplie : faire durer un mouvement social au-delà de la pause estivale. Trois jours avant la venue de Hollande et du PS à Rouen pour une « université de l’engagement », on se retrouve dans le cortège entre lycéens déterminés, k-way noirs et masques bariolés, travailleurs non-syndiqués, et tous les cœurs révoltés que ce mouvement a entraînés.

– Le réveil du dragon –
« « Voilà des gestes qui suffisent à vous rendre amoureux fou pour toute la vie « . Seuls ces gestes peuvent défaire des régimes. Maintenant, abandonne-toi. Suis-moi, jusqu’au bout, et encore. » pouvait-on lire sur un tract nous invitant à suivre le dragon. Celui-ci, serpentant dans la manifestation de ses dix mètres de long, a craché sa colère, notamment sur la Banque de France aspergée de longues traînées orangées. Dans le même temps, les tags fleurissent sur les banques, assurances et autres officines de pacotille.

– Attaque des locaux du Parti Socialiste et des Républicains –
« Les présidentielles n’auront pas lieu ! » scande le cortège de tête. Pendant plusieurs mois de mouvement s’est manifesté une évidence : pour quiconque souhaite reprendre sa vie en main, c’est toute la sphère politique qui doit tomber. Quand les vitres d’un local du PS sont attaquées, on attend pas moins qu’autant de coups frappent celles des Républicains.

– « Liberté d’expression pour les dragons ! »-
À la préfecture, les hospitaliers en lutte au CHR prennent la parole pour exposer les projets de leur direction et montrer leur motivation à ne pas les accepter. Quant aux délégués syndicaux, aucun n’évoque la venue de Hollande à Rouen ce dimanche. Souhaitant présenter son comité d’accueil #BienvenueBâtard pour l’université du PS, le dragon se voit refuser la prise de parole par ces mêmes têtes syndicales. La foule réclamant son discours n’aura pas été entendue.

Peut être cet animal étrange sortait-il un peu trop du cadre classique de la contestation ? Ou bien était-ce dû aux nombreuses tensions qui ont émaillé le défilé, opposant les services d’ordre des syndicats au cortège d’action ? Une personne aurait d’ailleurs été interpellée en fin de manifestation suite à une altercation avec le service d’ordre de la CGT.

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Soirée de soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes

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Ces derniers mois le gouvernement n’a cessé d’affirmer que les travaux de l’aéroport débuteraient à l’automne, et donc, que la zone serait vidée de tous ses occupants. Même si la détermination est intacte et que la dynamique de construction sur place est toujours aussi forte, la ZAD de Notre dame des landes est fortement menacée.
Les composantes de la lutte appellent les comités de soutien à réactiver leurs réseaux locaux et à s’organiser en cas d’expulsions. Ils appellent également à se rassembler massivement sur place le weekend du 8 et 9 octobre pour réaffirmer notre détermination à défendre la ZAD.

Pour ces raisons nous appelons toutes personnes qui souhaitent s’organiser dans ce sens à venir samedi 17 septembre. Les comités de soutien de la région et d’ailleurs sont également conviés.

Samedi 17 septembre
18h – discussion en présence de zadistes et comités de soutien locaux
20 – repas de soutien

A la conjuration des fourneaux, 149 rue saint Hilaire, Rouen.

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Rentrée de l’antiterrorisme

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Le gouvernement, via l’éducation nationale, invite les établissements à appliquer un certain nombre de nouvelles mesures de sécurité pour « prévenir les menaces », dites « terroristes », qui pèsent sur les élèves et le personnel. Exercices « alerte-sms » et simulations d’attaques, contrôle d’identité pour toute personne étrangère à l’établissement, « éviter tout attroupement aux abords des établissements » ou encore « signaler à la préfecture les manifestations ou les déplacements importants » font partie du panel de mesures à mettre place par les administrations. (http://www.education.gouv.fr/…/consignes-de-securite-applic…)

Par l’antiterrorisme, le pouvoir construit les figures de l’ennemi intérieur avec en tête « l’islamiste radical ». En découle des séries de dispositifs par lesquels le gouvernement tente de renforcer sa légimité. Il se rend incontestable, indispensable. Il se pose comme le seul à même de nous protéger et par là donne toutes latitudes au contrôle social qui vient : « contre toute apparence, l’antiterrorisme ne vise pas centralement ceux sur qui il s’abat, mais la population en général. Il vise à obtenir, en frappant certains, un effet sur tous les autres. Que ce soit pour les rassurer en accréditant la fiction que le gouvernement serait là pour les protéger de tant de menaces, ou pour distiller un certain émoi, un certain état de terreur et de paralysie opportun dans la population. » (l’article complet sur https://lundi.am/Quatre-theses-pour-une-neutralisation-prev…).

Si nous prenons les nouvelles mesures concernant les lycées non pas sous l’angle de la menace « islamiste », mais plutôt sous celui de la menace des « opposants au régime » qui comptent bien reprendre les hostilités d’ici le 15 septembre, il devient plus évident de percevoir quel type d’opération le pouvoir est en train de mener. Il renforce d’un côté le camp de l’ordre et de la sécurité, et de l’autre, il tente d’anéantir tous ceux qui n’en sont pas, qui le combattent, le gênent ou le ralentissent.

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Nouvelles du Havre l’Insoumise

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Ce mercredi 31 août, deux dockers du port du Havre ont été appréhendés à leur domicile par les forces de l’ordre à 6h du matin. Ils ont été emmenés à Paris afin de répondre à des accusations de violence en réunion lors de la manifestation contre la loi travail qui s’est déroulée à Paris le 14 juin dernier. Rappelons que lors de cette manifestation, les dockers havrais s’étaient retrouvés nassés par les CRS au moment où ils tentaient de rejoindre leurs cars pour rentrer au Havre. La tension était montée et quelques lacrymos avaient été distribuées.

Sitôt l’annonce de ces arrestations répandue, le port du Havre s’est mis à l’arrêt.Plus aucun bateau n’est chargé ou déchargé, les ferrys assurant la liaison avec l’Angleterre restent à quai, les ponts et écluses restent baissés.

Des rassemblements et blocages ont lieu toute la journée. Le mouvement a pris fin dans la soirée, dès lors que les deux dockers ont été relâchés. Ils devront comparaître le 25 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour les faits qui leur sont reprochés.

Ces arrestations sont lourdes de sens.
Tout d’abord, elles interviennent le même jour que l’assemblée générale de l’union départementale CGT qui se tient cette année… au Havre. Est-ce une mise en garde ? une volonté d’intimidation ?
Ensuite, elles interviennent quelques jours après la déclaration par voie de presse de Michel Segain, président de l’UMEP (Union Maritime et Portuaire) qui met en garde la CGT contre toute future action de blocage. Que peut-on déduire des relations entre le patronat et le gouvernement ?
Enfin, il est à noter que les interpellations ont été faites par la police parisienne qui s’est déplacée en nombre pour appréhender ces deux “violents manifestants”. Ces arrestations ont eu lieu à 6h du matin, en présence de 7 policiers par interpellé.
Pourquoi cette affaire n’a pas été mené par la police havraise ?

Néanmoins, il est fort de constater la solidarité de toute une corporation lorsque l’on touche aux leurs. Tentez d’intimider deux dockers, et l’activité portuaire est paralysée instantanément, sans sommation. Si l’objectif de la répression est de casser les mouvements contestataires, dans ce cas, elle ne fait que les amplifier.
Le ton est donné pour la rentrée, et la reprise de la lutte.
On pensait le mouvement affaibli, ou ralenti à cause des vacances et des 3 49.3 qui ont abasourdi les militants. Mais la motivation n’est pas émaillée. On sent même poindre dans les discours des militants de tous bords lors des meetings intersyndicaux un changement de paradigme, un changement de cible. Jusqu’alors, les actions des syndicats visaient l’abrogation de la loi travail. Désormais on parle plutôt d’un changement de système, d’une chute du capitalisme, d’une insurrection comme issue possible. On parle d’action coup de poing, d’occupation de sites, de blocages de l’économie par tous les moyens, plutôt que de grands rassemblements.

On en a gros. On lâche rien.

 

 

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A ceux qui n’abandonnent jamais

[APPEL]
A ceux qui n’abandonnent jamais
Pour un 14 juin insurrectionnel
Tous à Paris

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Violences policières à Paris. Romain D. 26 mai

Paris, Romain D., 28 ans, est toujours dans le coma. Libération publie de nouveaux éléments.

Le 26 mai à Paris, à la fin d’une manifestation contre la loi travail, un policier lance une grenade de désencerclement au milieu de la foule. Romain D., 28 ans, est touché à la tempe par un éclat et s’effondre.
Reprenant connaissance quand les pompiers arrivent pour le secourir, il est souriant sur sa civière.

Mais Libération a révélé cette nuit que des témoins affirment avoir vu «deux gendarmes casqués se pencher sur lui» à l’intérieur de l’ambulance. Ils affirment également que «leurs gestes étaient violents, au point de faire bouger le fourgon». Premier secours, acte d’intimidation ? Dans un appel téléphonique passé à des proches depuis le camion de pompiers (Libération a eu accès à la bande audio), on entend juste Romain crier sa douleur.

Romain est dans le coma depuis déjà 11 jours.

Source : liberation.fr/france/2016/06/05/manifestant-blesse-de-nouvelles-images-a-charge-contre-les-policiers_1457507

periscope.tv/SamSmithJRI/1mnxewWXVzbGX
youtube.com/watch?v=c-UypvUrgoY

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JEUDI 15 SEPTEMBRE 2016 : ABROGATION DE LA LOI TRAVAIL

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JEUDI 15 SEPTEMBRE : ABROGATION DE LA LOI TRAVAIL

La loi « travail » est passée.
Blocages, grèves, manifestations. Quatre mois de mouvement effrénés n’auront pas suffi à faire plier le gouvernement. Nous ne le vivons pas comme une défaite. La bataille ne fait que commencer et en quatre mois nous avons su tenir un rapport de force contre l’Etat et sa police. Et ce ne fut pas sans occupations, sans fêtes, sans émeutes, sans rencontres, sans blocages, sans assemblées, publiques ou dans le secret. C’est notre histoire commune que nous écrivons.
« Fin du PS, naissance de notre force ». C’est elle qui nous portera pour les prochains mois, pour reprendre les hostilités contre la loi « travail » dès le 15 septembre et enfin pour nuire au spectacle par lequel ce système se maintient : les présidentielles.

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Mémoires d’une hydre

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Mémoires d’une hydre

Les naîfs croient que les créatures magiques n’existent pas, mais je sais quelles puissances ont présidé à ma naissance et toutes sont réelles : crue, étoiles, force, colère, amitié, terre, mer et feu, et détermination. Je suis fille de la victoire qui engendre d’autres victoires. Je suis une hydre à mille têtes et mille fois plus de jambes, de bras, d’yeux.

J’ai mille têtes qui viennent de partout, dans toutes sortes de véhicules, que mon ennemi tente de bloquer. Mais il n’y parvient jamais, tant l’attraction est forte.

Les yeux de mon ennemi sont gros, uniques, noirs et globuleux, disséminés dans la ville. Je les lui crève à coups de manche ou de pavé, pour me rendre invisible. Les milliers de corps et de visages qui me composent se ressemblent tous, innombrables jumeaux, sosies démultipliés. Il sont jeunes et vieux, marchent et s’arrêtent et courent, portent des K-way, des chasubles, des vestes, des talons hauts et des baskets, des masques blancs, des sacs à dos, des sacs de pierre, des trousses de soin et des banderoles.

J’ai mille têtes que je ne surveille pas, mais qui prennent soin les unes des autres. Qu’on touche à un seul de mes corps, je prends la forme d’un groupe de dockers ou d’une horde d’amis et j’attaque à mains nues, à coups de casques, de barres de fer, je frappe, j’insulte, je repousse. Et je gagne.

Je vomis des insultes et de la poésie :

Nous sommes en marche, pas en marge

Nos rues ne sont pas des chambres à gaz

Les asthmatiques se vengeront

Socialistes, vous n’avez encore rien vu

Manger les riches

Agir en primitif, prévoir en stratège

En cendres tout devient possible

Il est grand temps de rallumer les molotov

Et qu’il vienne, le temps dont on s’éprenne

J’ai mille têtes et je chante. Mon ennemi tremble. Je chante des cris, je rugis des mélodies. Il ne comprend pas. Ahou, ahou, ahou. Il recule.

J’ai mille têtes et je maîtrise les éléments comme personne. Je crache le feu, sous toutes ses formes : liquide, turquoise, crépitant, éclatant, fluorescent, électrique, parme et l’autre, celui que j’ai à l’intérieur, caché, et que l’eau du ciel et des canons ne peut éteindre. J’enfante des dragons. Je brûle des voitures – des fausses et des vraies – et des jambes de pantalon.

Je transforme le monde en projectile. Le goudron se détache comme une mue de la chaussée, les murs se fissurent, les grilles des arbres s’évadent. Ils se morcellent, ils s’offrent à moi. Je leur fais l’honneur de leur apprendre à voler.

La glace se brise sur mon passage ou plutôt là où je rencontre mon ennemi. Il est loin d’être innocent. Maintes fois il me blesse et me décapite. Si mes têtes repoussent, mes blessures ne se referment pas. Qu’il souffre, alors, puisqu’il me fait souffrir, et tant pis pour les éclats des vitrines.

J’ai mille têtes que l’ennemi piège isolément, dont il coupe les liens, mais toutes forment un seul corps, qui fera tout pour rester entier.

L’ennemi a des armes de lâche qui font des trous dans la peau, dans le dos, sur le crâne, qui se multiplient démesurément, qui s’utilisent à distance, qui ne parviennent pas à m’arrêter. Je me soigne, je me protège mieux, je suis plus forte à chaque fois.

J’ai mille têtes et mille peaux épaisses qui empêchent l’ennemi d’atteindre ma chair et sur lesquelles ses armes s’arrêtent et rebondissent. J’ai mille peaux épaisses qui parlent, qui répètent ma volonté et mes désirs. Qu’il vienne, le temps dont on s’éprenne.

J’ai mille têtes qui continuent dans la nuit à vibrer, à crier, à éclater. Mon corps est diminué mais renforcé par les événements du jour et il exulte. Les énormes bouches de l’ennemi crachent des soldats qui se jettent sur moi. Je les repousse pourtant.

Ce que l’on dit de moi est grossier, mensonger, trompeur. Seulement, on peut tromper mille hydres à une tête, mais pas une hydre à mille têtes.

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Si se mobiliser contre la loi travail est un crime, alors nous sommes tous des criminels.

Si se mobiliser contre la loi travail est un crime, alors nous sommes tous des criminels.

La criminalisation des mouvements sociaux devient la norme. Au Havre, un militant de la CGT a été condamné à six mois de prison avec sursis et 18 mois de mise à l’épreuve pour la dégradation de la permanence du Parti socialiste. À Rouen, comme ailleurs, on ne compte plus les arrestations depuis le début du mouvement : des mineurs arrêtés pour des tags, poursuites administratives et plaintes pour outrages, sanctions disciplinaires pour blocage de lycées, employeurs des manifestants appelés par la police, montages médiatiques mettant en scène la violence des manifestants contre les forces de l’ordre, appuyés par des arrestations musclées…

Mardi 7 juin, déclaré « mardi noir » par les syndicats, un des points de blocage a été évacué par la BAC et ses manifestants poursuivis après dispersion. Quatre ont été arrêtés pour « obstruction de la voie publique par engin incendiaire occasionnant mise en danger de la vie d’autrui », intitulé justifié par des feux de palettes et de pneus, la classique du blocage. Pas d’arrestation sur les autres points de blocage, comme s’il ne s’agissait pas de la même lutte.

Jeudi 2 juin, alors qu’à la fin de la manifestation, le cortège de tête n’a pas voulu s’affronter au dispositif de policiers à la gare mais voulait « continuer le mouvement », il s’est heurté à une charge de police lui barrant la route et procédant rapidement à cinq interpellations. Ces gardes à vue de plus de 24h se sont soldées par des convocations au tribunal.

Parallèlement, la pression policière s’opère au quotidien en menaçant individuellement ceux qui luttent contre la loi El-Khomri. La police menace le gérant d’un bar, où un concert de soutien doit avoir lieu, de sanctions administratives et financières, occasionnant l’annulation de l’événement ; on entend pendant les arrestations : « Je vais t’effacer ton sourire à la prochaine manif », « Vous allez dormir à Bonne Nouvelle, ça va vous faire redescendre sur terre » ; dans le cadre de la convocation de son conjoint, une jeune mère reçoit trois visites de la police en moins de vingt-quatre heures et se voit menacée d’être placée en garde-à-vue : « un enfant ça va dans d’autres bras » précise alors la policière.

Quand la police n’arrive pas à faire peur aux personnes concernées, elle parvient à créer un climat de peur grâce aux médias qui publient les photos des objets saisis, des dégradations, les récits d’incidents secondaires. Plus largement, de nombreux journaux et chaînes d’information n’auront diffusé de ce mouvement que les images chocs, les voitures brûlées, les flics assommés. Se concentrant ainsi sur les gestes, les vidant de tout sens, ils opèrent une dépolitisation totale du mouvement et participent à sa criminalisation.

En ce qui concerne les journalistes proches du mouvement, ils sont traités avec la même violence que les manifestants : il n’y a qu’à voir le nombre de journalistes empêchés de travailler, de filmer, gazés, blessés par les grenades de désencerclement.

Ne reculant devant rien la police se lance dans des opérations préventives comme ces arrestations collectives et ciblées avant la manifestation du havre le 9 juin. Quelques jours plus tard elle interdit à un jeune lycéen de se rendre à Paris pour la manifestation du 14 juin. Quelques balles de ping-pong enroulées dans du papier d’aluminium pour faire un fumigène de fortune lui avait valu une mise à l’épreuve de trois ans.

Un climat de peur, ça sert aussi à obtenir des informations. Rien qu’à Rouen, depuis le début du mouvement, au moins cinq personnes, dont un mineur, ont été approchées par des agents de la DGSI pour devenir informateurs/collaborateurs de la police. Des renseignements généraux à la violence physique, des insultes aux condamnations judiciaires, la police a sorti l’artillerie lourde. Mais rien n’y fait. Le mouvement ne cède pas à la peur.

Libération immédiate et abandon des poursuites pour tous les inculpés du mouvement.
Solidarité absolue et inconditionnelle avec tous les interpellés.

http://legalteamrouen.over-blog.com/2016/06/si-se-mobiliser-contre-la-loi-travail-est-un-crime-alors-nous-sommes-tous-des-criminels.html

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Retour sur l’usage médiatique scandaleux de l’hôpital Necker. 14/06/16

Retour sur l’usage médiatique scandaleux de l’hôpital Necker.

Remettons les choses dans leur contexte. Le dispositif policier gigantesque et très offensif a tenté à maintes reprises de nasser, scinder, percer la manifestation. Isoler les bons des mauvais, les gens masqués des non-masqués, la tête du reste. Tentatives systématiquement avortées par le répondant d’un cortège compacte et multi-forme dans lequel il était strictement impossible d’opérer ces distinctions. On ne met pas à terre une hydre à mille têtes en coupant une seule d’entre elle.
Au croisement du boulevard Montparnasse et rue de Sèvres, au niveau de l’hôpital Necker, les manifestants se sont défendus face à une nouvelle offensive policière. L’affrontement a duré un long moment et un certain nombre de projectiles sont retombés sur les façades vitrées de l’édifice en question. Ce sont donc les policiers qui étaient visés, et non l’hôpital. Nous sommes prêts à parier qu’une grande partie des gens présents ignoraient la qualification de ce bâtiment et représentait seulement un abri derrière lequel les policiers se retranchaient.
Nous ne nions pas que parallèlement quelques coups de massettes ont pu être délivré sur les vitres, probablement par mégarde. Personne n’a pris sciemment pour cible un hôpital.
Un témoignange : https://paris-luttes.info/affrontements-devant-l-hopital-61…

Même Libé nous dit : « Les affrontements avec les CRS, qui n’ont pas cessé depuis le départ de la manifestation place d’Italie, reprennent de plus belle. Des militants radicaux, tout de noir vêtus, lancent des projectiles en direction de forces de lordre situées sur leur gauche, qui répliquent à coups de grenades lacrymogènes.
L’hôpital Necker, juste à côté du cordon des forces de lordre, nest clairement pas la cible de la majorité des manifestants. »
http://www.liberation.fr/…/l-hopital-necker-a-t-il-vraiment…
Dans le même esprit : http://rue89.nouvelobs.com/…/pretexte-providentiel-lenfant-…

Un usage médiatique scandaleux.
« Certes, briser les vitres dun hôpital, même par mégarde, c’est idiot ; mais sauter sur loccasion pour instrumentaliser la détresse des enfants malades et de leurs parents pour décrédibiliser un mouvement social, cest indécent et inacceptable. Et cest pourtant la stratégie de communication mise en uvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls. Allègrement reprise par la droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias. »
https://lundi.am/Sur-l-instrumentalisation-des-vitres-de-l-…

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Ordonnance pour un cortège d’action

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Bloquons tout! Rubis sur l’ongle. 26/05/16

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Devenir commune à Saint-Nicaise

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Scandale et blasphème – occupation de Saint-Nicaise

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Sur l’embrouille d’hier après midi – 29/04/16

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Guide de survie en manif et garde à vue

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Nuit debout 28 avril #OnOccupeMieuxQueCa

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AG le 19/04/16 à la fac de Rouen

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Loi travail – Témoignage d’une poubelle

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Détournement de l’affiche de la CGT info’com

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Journal mural de l’amphi Axelrad occupé – Mars 2016

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Ne perdons pas notre vie à la gagner – Retour sur le 9 mars

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Nuit debout pour une nuit rouge – 31 mars

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Appels pour le 9 mars 2016 contre la loi travail

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Répression sur un groupe de manifestants le 9 juin 2016 au Havre.

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Répression sur un groupe de manifestants le 9 juin 2016 au Havre.

Des manifestants rouennais dans le collimateur de la police.
Arrestations préventives ciblées à la manifestation du Havre le 09/06/2016

Il faut bien reconnaitre une certaine détermination au gouvernement et à sa police. Tous les moyens auront été bons pour tenter de faire passer cette loi qui ne passe toujours pas et pour faire taire les millions de personnes qui d’une manière ou d’une autre se sont opposées à cette loi et qui présentement ne cèdent pas au chantage de l’euro 2016. Pour mémoire, un petit rappel des différentes formes de répression qui constitue en négatif un certain récit de la mobilisation : présence policière massive devant les lycées bloquées ; évacuations des facs, des places et des lieux occupés ; évacuation des blocages de dépôts pétroliers ; armes en tout genre entrainant un nombre inédit de blessés ; nasses où des centaines parfois des milliers de personnes sont contenues des heures ; interdiction de manifester au nom de l’Etat d’urgence : coups, arrestations, emprisonnements, mutilations.

Hier, à la manifestation du Havre du 09/06/2016, une tactique relativement inédite a été mise en place par la police : les arrestations ciblées, préventives et collectives de manifestants. Plusieurs rouennais et rouennaises avaient décidé de répondre à l’appel d’une grande manifestation régionale dans ce qui est présenté parfois comme la capitale de la grève : Le Havre. Parmi eux des lycéens et des étudiants, des salariés et des chômeurs, « des nuits-deboutistes », des individus quelconques. Certains se rendent même aux premiers blocages matinaux en voiture. Un dispositif constitué de quatre voitures de la Bac, une des RG et de quelques fourgons de la police nationale intervient : sept rouennais, et deux havrais qui avaient le tort de se trouver avec eux, seront contrôlés et embarqués à ce moment-là pour vérification d’identité même si certains avaient présenté leurs papiers. Enfermés dans les geôles, ils passent ensuite en audition libre où la pression liée aux circonstances permettent à la police de relever les empreintes digitales et de prendre des photos. D’autres plus au fait du caractère non contraignant du régime d’audition libre décident de ne rien déclarer et de refuser la signalétique. Tous ceux-là sont relâchés peu après. Mais une personne dont la voiture a été fouillée et qui a refusé la signalétique est placée en GAV, relâchée dans la soirée, elle est convoquée pour un procès en février pour un motif pour le moins surprenant : « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou dégradation de biens » et refus de signalétiques. Trois bombes de peintures et quelques fumigènes avaient été trouvés dans son coffre.

La police continue son travail aux abords de la manifestation. Une grande partie des rouennais seront contrôlés, certains seront à leur tour interpellés parmi lesquelles deux autres sont placées en GAV et sont poursuivis pour refus de signalétiques. L’arrivée de militants du syndicat SUD lors d’un contrôle massif a certainement permis de limiter la casse. Mais comment distinguer un rouennais d’un autre manifestant ? C’est là qu’apparait le caractère proprement délirant de cette opération policière. Depuis plusieurs jours, de mauvaises bouches faisaient circuler la rumeur selon laquelle il fallait redouter la venue de « casseurs rouennais ». Les mauvaises oreilles s’étaient empressées de la propager. La police de Rouen avait décidé de prendre les devants pour neutraliser ces « casseurs rouennais ». Quand on parle de « terrorisme social » à propos des actions syndicales, il n’y a pas à s’étonner que les manifestants de Nuit-debout deviennent subitement de « dangereux casseurs ». Toujours est-il que de nombreux policiers rouennais avaient fait le déplacement pour les reconnaitre et les identifier, et des équipes de BAC d’autres villes venues en renfort pour interpeller. Ils avaient aussi pris soin de distribuer largement à leurs collègues le trombinoscope des manifestants rouennais pour qu’ils puissent faire le tri à l’aide de ces étranges documents, les « police book », dont on trouvait un exemplaire dans de nombreux véhicule de police. C’est donc une surveillance et un fichage généralisés et opaques doublée d’un dispositif politique digne d’un contre-sommet qui a rendu possible ces contrôles et ces arrestations.

Plusieurs témoignages de manifestants du Havre confirment qu’une telle situation est inédite au Havre. Jamais des arrestations préventives n’avaient précédé une manifestation. C’est l’incompréhension totale. Des gestes de solidarité ont déjà eu lieu et devraient se poursuivre. Du côté des policiers du Havre, la chose n’a pas été non plus très appréciée. Et c’est parfois une guerre des services qui se déroulaient dans les couloirs du commissariat. Que voulaient-donc ces policiers de Rouen pour ordonner des arrestations contre des personnes pour lesquels il n’existait aucune charge sérieuse, et pour accroitre inutilement leur charge de travail ?

Ce coup de force de la police rouennaise montre encore à quel point elle s’acharne contre une partie du mouvement, en tolérant par exemples les blocages d’axe routiers quand ils sont effectués par une grosse centrale syndicale mais en les réprimant quand ce sont des non-syndiqués qui opèrent au même moment sur d’autres lieux. Après les nombreuses arrestations et autres intimidations à Rouen, vient donc le temps de la surveillance et de la traque. Mais derrière cette opération se profile la crainte que différentes formes de luttes se rencontrent et mettent leur force en commun. C’est pourquoi il était capital de distiller la menace du casseur dans les têtes syndicales. Tout comme, il convenait d’effrayer les rouennais interpelés en leur disant qu’il n’était pas les bienvenus parmi les dockers du Havre « qui votent extrême droite et n’hésiteraient pas à jeter des manifestants à la seine au premier tag » selon les déclarations d’un policier.

Quand un gouvernement en vient à une criminalisation de la multiplicité des formes de luttes, c’est qu’il est aux abois. Et ça n’est pas le moindre de ses mérites que de casser méticuleusement l’envie que certains pourraient avoir d’être bien gouverné. L’opération de division est en tout cas trop grosse pour la laisser fonctionner.

« Casseurs », « terroristes sociaux », « preneurs d’otages », « minorités tyranniques ».
Unis dans la lutte, unis contre la répression.

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Mardi Noir – Quatre personnes en procès pour un blocage.

mardi noir

Mardi Noir – Quatre personnes en procès pour un blocage.

Ce mardi 31 mai était un mardi noir. Nuit Debout – Rouen a décidé de répondre à l’appel au blocage économique lancé par l’intersyndicale en organisant un barrage filtrant aux abords du pont Mathilde. À 6h00, quelques véhicules ont ralenti la circulation dans le sens Nord-Sud, puis une cinquantaine de personnes en gilets jaunes a fait irruption sur la chaussée. Des palettes et des pneus sont brûlés et les services de la voierie signalisent rapidement le blocage. Conformément aux sondages d’opinion, la majorité des automobilistes manifestent leur soutien au mouvement contre la loi travail.

À 8h30, le commissaire-divisionnaire René Pichon réclame la levée du barrage, pas assez filtrant à ses yeux. Les manifestants refusent évidemment de se plier à un ordre aussi absurde, d’autant que le commissaire- divisionnaire est seul. Une heure plus tard, trois voitures de la BAC se positionnent en amont du piquet. Aussitôt, les manifestants quittent les lieux sans problème et se dirigent vers le centre-ville. Une véritable chasse à l’homme commence alors. Un impressionnant dispositif policier quadrille la Croix de Pierre et le Champ de Mars et arrête les manifestants qui se sont pourtant dispersés. Quatre personnes sont placées en garde-à-vue pour entrave à la circulation et mise en danger de la vie d’autrui. Elles ressortiront le soir en l’attente de leur procès.

Pendant ce temps, des blocages avaient lieu tout autour de la ville : au rond-point des vaches, au pont Flaubert, sur la zone portuaire, à la Chapelle Darblay et à l’entrée de la Sud III. Aucun manifestant n’est inquiété. Des kilomètres d’embouteillage sont totalisés : l’opération est une réussite. Pour quelles raisons le blocage du pont Mathilde a-t-il été levé de force ? Pourquoi est-ce la BAC qui a été envoyé sur une action de blocage ? Sous quels motifs les manifestants ont-ils été poursuivis dans la rue après la fin de l’action ? Une réponse a été donnée par la police elle-même : le blocage de Nuit Debout n’aurait pas la même légitimité que ceux de l’intersyndicale.

Nous pensons que ce n’est pas à la préfecture de légitimer une action. Nous affirmons qu’il s’agit d’une opération de criminalisation du mouvement qui vise, non plus un certain type d’action, mais une certaine de ses composantes. Une telle stratégie est inacceptable. Nous devons témoigner d’une solidarité sans faille pour les jours de mobilisation à venir, dans la rue, dans les actions, face à la répression et face à la justice.

TOUS ENSEMBLE DANS LA LUTTE

TOUS ENSEMBLE FACE A LA REPRESSION

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Eclaircissement sur le blocage de l’industrie pétrolière française

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Blocage de l’industrie pétrolière française

On entend parler de pénurie, de grève dans l’industrie du pétrole, de dépôts et de raffineries, de terminaux pétroliers, de blocages internes ou externes, de réserves stratégiques. D’un article à l’autre, on entend tout et son contraire. Voici une tentative d’éclaircissement sur le fonctionnement de l’industrie pétrolière française et quelques éléments stratégiques qui en découlent.

L’industrice pétrolière en quelques mots.

99% du carburant consommé en France (tout secteur confondu : particulier, privé, professionnel, agricole, etc.) est importé.
Une faible partie en produit fini arrive aux ports de Dunkerke, la Rochelle et Fos-sur-mer. Mais la majeure partie arrive en produit brut, à raffiner. Il y a 3 ensembles portuaires d’arrivée : La Havre-Antifer / Donges-Saint Nazaire / Fos sur mer-Lavéra.
De là, le pétrole brut est acheminé dans les 8 raffineries françaises (5 Total, 2 Exxon Mobile (Esso) et 1 PetroIneos) via les pipelines (oléoducs sous-terrain). Les raffineries transforment le prétrole brut en carburant utilisable et part dans les dépôts de carburant, de nouveau par pipeline.
Les raffineries du Havre (Gronfreville l’Orcher et Gravenchon) déservent du carburant jusqu’à Paris et ses deux aéroports, directement via les canalisations. Orly et Roissy disposent de 8 jours d’autonomie avec leurs réserves et stocks tampons. Sur le chemin, des dépôts sont alimentés comme ceux de Rubis terminal. Une autre pipeline part de Douges et va jusqu’à Metz, et celle de Fos-sur-mer achemine du carburant jusqu’en Suisse en passant par Lyon.
Une fois dans les dépôts principaux (ceux directement connectés aux raffineries), le carburant est transporté par camions qui partent alimenter les stations-services et d’autres dépôts non connectés aux pipelines, d’où repartiront des camions pour alimenter d’autres stations-service. On compte au total 200 dépôts mais certains sont regroupés en grands ensembles (Rubis en regroupe 5 par exemple) et leurs capacités ainsi que leur intérêt stratégique diffèrent. Les dépôts appartiennent soit aux grands exploitants comme Total ou à des entreprises privées qui louent des espaces de stockage à des clients (aux grandes surfaces par exemple).

Eléments pour les blocages et les grèves.

A la source: l’arrivée des bateaux remplis de pétrole brut sur les terminaux portuaires. Celui du Havre en réceptionne plus de 40%, géré par le CIM (compagnie industrielle maritime) où la grève a été voté à plus de 90%. Ce sont donc les employés du port, entre autres, qui décident de bloquer les terminaux porturaires. Pas de bateaux déchargés au Havre , pas de produit à raffiner pour Gonfreville, Gravenchon et la raffinerie parisienne Grandpuits. De même pour Fos-sur-mer, réceptionnant 40% des produits bruts également, où les répercussions peuvent se faire ressentir jusqu’en Suisse si le blocage perdure. 25 bateaux étaient encore bloqués il y a quelques jours.

Ensuite les raffineries. 8 ont voté la grève en début de semaine. Gravenchon commence à lâcher l’affaire et reprend le travail sous la pression des non-grévistes. Si les employés votent la grève alors s’enchaîne l’arrêt total ou partiel des unités de production. Il faut 5 à 6 jours pour stopper une unité et autant pour la remettre en marche.

Si les raffineries ne produisent pas, les dépôts ne sont pas alimentés. Ces derniers disposent de stocks variables, allant de 3 à 15 jours pour les plus gros. Donc sans blocage, les dépôts continuent à approvisionner les stations pendant quelques jours voir semaines, même en cas de grève des raffinerines. D’où l’intérêt de les bloquer eux aussi pour impacter immédiatement. Les actions de blocage de dépôts sont parfois dûs à des grèves internes mais la plupart du temps elles sont générées par les grèvistes des raffineries à proximité, portuaires et parfois par une partie plus large de personnes en lutte (étudiants, salariés d’autres secteurs, nuit deboutistes) comme ce fût le cas ici pour Rubis.
Ensuite il y a les fameuses « réserves stratégiques ». Celles-ci sont stockées au sein même des dépôts, ou parfois dans des dépôts qui leurs sont consacrés. Sur l’ensemble du territoire, elles permettent de couvrir les besoins pendant 2 ou 3 mois. Donc si blocage de dépôt il y a, les réserves stratégiques sont elles aussi inaccessibles. Depuis une semaine, l’équivalent de quelques jours de réserves stratégiques ont été consommé, seulement dans des zones où les dépôts sont peut alimentés et où les capacités de stokage sont faibles.

Les dépôts les plus importants sont ceux qui sont directement en aval des raffineries, déservis par pipeline : on a Rubis bien sûr, mais aussi Gronfreville l’Orcher, Le Mans, Douges, ou Fos-sur-Mer. Puis on a les autres, plus excentrés mais stratégiques pour certaines régions comme celui de Douchy Les Mines dans le Nord, de Brest et de Lorient pour la Bretagne, et celui de Coignières (Yvelines) pour l’ouest parisien. Depuis une semaine, il y a eu environ une quinzaine de blocages de dépôt, pendant plusieurs jours ou parfois seulement quelques heures, systématiquement délogés par la police.

Vous l’aurez compris, pour tout bloquer, il nous faudrait :
– renforcer les blocages de terminaux portuaires (Le Havre et Fos-sur-mer)
– continuer le mouvement de grève au sein des raffineries
– coordonner une action de blocage illimité sur les dépôts du Havre, de Fos-sur-mer, de Rouen (Rubis), Douchy-les-mines (Nord), Donges (Loire-Atlantique), Brest, Lorient, Le Mans et Coignières (Yvelines). Et bien sûr, partout là où c’est possible.
– ne pas compter (que) sur la CGT

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Au delà des murs du 07/05

Emission HDR Au delà des murs du 07/05/16 sur le mouvement loi « travail ».

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Dernier communiqué de la Casa Nostra 02/16

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Collectif ZAD de Rouen – Soutien à la lutte

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